Lorsque je m’assieds à mon piano et que je contemple le clavier blanc et noir, avant même de l’effleurer, j’ai conscience que la musique est mon langage, plus intelligible que le français, plus innée encore qu’une langue maternelle.
J’entretiens avec la musique un rapport étrange, parfois impudique, profondément sensuel. Elle sait mettre à nu ma véritable nature, elle révèle mes désirs les plus secrets, mes craintes les plus intenses. À elle je me livre comme à aucun homme ; en retour, elle me procure un plaisir qu’un amant sait rarement m’offrir.
Les meurtrissures, même celles infligées par un lâche, finissent par se refermer, en suintant légèrement, parfois.
Aveuglée par ma naïveté, j’avais cru connaître cet homme depuis trois ans. Il n’en était rien. Des pans entiers de sa vie m’étaient dérobés.
Il ne faut jamais donner prise à un journaliste ; toute personne devant affronter les feux de la rampe le sait.
Il me souriait de toutes ses dents, prononçant mon prénom comme s’il eût été une friandise savourée avec délice. J’étais incapable de parler, et il semblait s’amuser de mon silence. Il m’avait hypnotisée comme un fauve fixant sa proie, comme une araignée maléfique attirant dans sa toile argentée un moucheron appétissant.
Je n’ai pas besoin d’une montre, d’un calendrier ou d’un sablier ; à mon insu une horloge insidieuse a germé en moi, et avec elle, la certitude qu’une existence se résume à un passage éclair sur terre.
La trentaine semble aussi loin que la cinquantaine ; il n’y a pas d’urgence. L’amour avec toi se conjuguait au présent. Je ne regardais pas plus loin que le soir même.