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Critique de berni_29


Aujourd'hui c'est mercredi et mercredi c'est le retour des histoires à Berni.
Je tiens tout d'abord à remercier mon amie Doriane (@Yaena), ayant assumé avec brio l'intérim et dans un style qui lui appartient, pour pallier mon absence des derniers jours, - absence physique je tiens à préciser ici. En effet vous n'êtes pas sans savoir que je m'étais tordu la cheville...
La maîtresse a entrouvert la porte de la classe et les élèves sont entrés en trombe, tel un troupeau de rhinocéros dans un champ de coquelicots.
« Une deux ! Une deux ! Tiens ! Voilà du boudin ! Voilà du boudin ! » scandait sur un air militaire Pirli le perroquet perché sur les épaules de la petite Francine.
- Ils sont intenables depuis que tu ne viens plus, m'a confié la maîtresse avec des sanglots dans la voix. Tu verrais leurs notes, c'est catastrophique. C'est à un point où on se demande si on ne devrait pas les faire revenir en CE1. Il n'y a qu'en sport qu'ils arrivent tout juste à dépasser la moyenne. Et encore, pas tous... »
Je ne sais pas pourquoi, j'ai alors regardé vers le fond de la classe où se dressait le jukebox sous lequel la petite Domi était affairée, lançant des gros mots à la pelle : « Scrogneugneu ! Jukebox de mes deux ! ». le petit Pat était accroupi à côté d'elle, attentif, la couvrant de conseils avisés et bienveillants, du genre : « doucement avec la clé de douze, hein. »
La petite Dori s'est tournée vers sa complice du bac à sable, la petite Nico : « Tu vas voir, je parie mon poids en nounours à la guimauve qu'il va nous dire que le livre qu'il comptait nous lire aujourd'hui a disparu.
- Ton poids en chocolat ? Hihi ! Comme c'est drôle. Je veux voir ça, a répliqué aussitôt sa petite camarade battant des mains d'un air jubilatoire.
- Mais euh ! Dis tout de suite que je suis une baleine ! », a rétorqué furibonde la petite Dori.
Les élèves se sont mis en cercle autour de moi, avec des gestes impatients, jouant des coudes pour être au plus près du centre. Ils avaient des airs voraces, presque affamés. Chacun allait de son propos se demandant ce que j'allais dire.
« Il y a baleine sous le gravillon, a fait la petite Isa mettant fin au silence.
- Une baleine de perdue, dix de retrouvées, a renchéri la petite Anne-So.
- Tant va la baleine à l'eau qu'à la fin elle nous les brise, a rajouté la petite Manue.
- C'est au pied de la baleine qu'on voit le colimaçon, a dit la petite Sonia.
- Chassez la baleine, elle revient au galop, a dit la petite Domi.
- Qui vole une brouette, vole une baleine, a dit la petite Marie.
- Qui vole une baleine est drôlement musclé, a rajouté la petite Chrystèle.
- On voit souvent la sardine dans l'oeil du voisin, mais jamais la baleine dans son propre nez, a dit sur un ton sentencieux le petit Pat dressant sa clef de douze comme la baguette d'un chef d'orchestre.
- Attention Patounet avec ta baguette magique ! a fait la petite Sylvie affolée, tu vas toutes nous transformer en baleine. »
J'ai attendu qu'un grand silence se fasse. Voilà ! Je pense qu'ils avaient épuisé leur stock de biscuits et de munitions, je pouvais y aller.
« Les enfants, j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle, ai-je alors dit.
- Dis-nous tout d'abord la mauvaise nouvelle Berni-Chou, a proposé la petite Anna philosophe, qu'on en finisse vite avec ce cauchemar éprouvant et intenable !
- La mauvaise nouvelle, c'est que je n'ai toujours pas pu récupérer auprès de ma médiathèque préférée le livre que je vous ai tant promis. »
Un oh de désappointement s'est répandu dans toute l'assemblée. J'ai vu cependant les yeux émerveillés et gourmands de la petite Dori savourer son pari qu'elle croyait déjà gagné. Elle a jeté un petit clin d'oeil narquois à la cantonade.
« Ils ont qu'un seul livre dans ta médiathèque préférée ? a fait la petite Nico incrédule. Il doit être drôlement précieux, dis donc.
- Il a peut-être été dévoré par les punaises de lit, a suggéré la petite Marie.
- M'enfin ! Ça ne lit pas, une punaise de lit, a rétorqué la petite Francine.
- Elles n'ont pas le temps de lire, les sacrées bestioles, a fait la petite Hélène goguenarde, si vous saviez à quoi elles passent leur temps, hihi ! J'ai entendu un reportage instructif sur France-Culture l'autre matin par un autre Berni, un certain Bernard Werber, les bonobos à côté ce sont des séminaristes...
- Tu sais les séminaristes, a dit la petite Isa, c'est digne du bas clergé breton, il paraît que... »
Sandrine, la maîtresse d'école, toujours attentionnée et vigilante au bien-être de la petite communauté, a vite coupé la discussion qui prenait un mauvais tournant. « On va peut-être éviter d'aborder un sujet qui concerne plutôt le cours de SVT. »
Je ne sais pas vous, mais je trouve que Sandrine la maîtresse d'école aborde d'étonnants sujets en cours de SVT, la vie sexuelle des séminaristes... Bon, je referme la parenthèse...
« Au fait Berni, il parlait de quoi au juste ce livre qui a disparu ? s'est exclamé Chrystèle ne voulant rien lâcher.
- Il parle de Proust. »
Tandis que la petite Anna entrait brusquement dans une sorte de transe incandescente à l'évocation du nom prononcé, la petite Dori a failli s'étrangler en avalant son smoothie au chocolat.
« Prout ?! s'est-elle écrié. Mouhaha ! mais c'est une bonne nouvelle ça qu'on ne le retrouve pas !
- On sait où il est, ai-je aussitôt répondu, une personne l'a emprunté et l'aurait malheureusement égaré chez elle.
- Hihi ! a aussitôt rétorqué la petite Dori. Donne-moi le temps de revêtir ma cape de Mortelle Adèle et de mettre la main sur mon rouleau à pâtisserie, je vais l'aider à retrouver ce livre égaré, façon puzzle.
- Sandrine, a alors demandé la petite Fanny, tu avais dit qu'il nous fallait redoubler encore dix fois avant de lire Proust.
- Oui je sais je l'ai dit, a reconnu Sandrine la maîtresse d'école, mais je crois bien que la version proposée par Bernard est une version plus simplifiée et facile à comprendre. »
À ces mots, la petite Anna s'est arrêtée de tourner en rond, sortant de son rite incantatoire comme d'un rêve brisée. Elle m'a regardé droit dans les yeux implorant une réponse immédiate, j'ai pris mon courage à demain (non, ce n'est pas un lapsus !) et j'ai changé de sujet pour aborder la bonne nouvelle.
« Finalement, j'ai récupéré un autre livre qui fera aujourd'hui l'affaire. »
J'ai alors vu le rêve gourmand de la petite Dori s'effondrer dans ses yeux devenus tristes comme un gâteau au chocolat qu'on aurait laissé fondre au soleil. J'ai aussitôt embrayé pour ne pas laisser cette douleur perdurer.
« C'est juste que c'est du niveau petite section.
- Au point où on en est tu sais », a fait la petite Sylvie en haussant les épaules d'un air dépité.
J'ai montré la couverture qui laissait voir une petite fille au regard plein d'innocence, comme les regards qui m'entouraient et tout comme les regards qui m'entouraient il y avait aussi une once d'espièglerie qui se cachait à peine. J'ai lu le titre, pourtant écrit en grand : Je veux grandir !
Il y a eu un long moment de silence. Les élèves se sont regardés. Je sentais déjà venir des questions.
« Dis-nous, Berni-Chou, on ne serait pas un peu trop petits pour écouter cette histoire ? a demandé la petite Anna, m'interrogeant tout en associant le collectif à son interrogation.
- Grandir ! Grandir ! C'est de la propagande, ça ! s'est écrié la petite Francine.
- Mais on ne veut pas grandir, nous ! a rajouté la petite Nico levant les bras au ciel.
- Oui, on ne nous demande jamais notre avis d'abord, a renchéri la petite Isa.
- Grandir ? La belle affaire, mais pour quoi faire ? a dit la petite Anne-So.
- Lol ! a fait la petite Sonia.
- Ugh ! » a fait la petite Manue concluant l'échange.
J'adore les débats philosophiques que mes histoires du mercredi suscitent, comme vous pouvez le constater.
Alors j'ai commencé de raconter l'histoire, dont le récit tient quand même en trente-deux pages. C'est l'histoire d'une petite princesse dans son royaume et qui veut grandir. Alors comme toute princesse digne de son rang elle décide de prendre les choses en mains.
« Il est temps que je grandisse », se dit-elle. Mais que faut-il faire pour cela ? La petite princesse mène l'enquête au château...
La célèbre petite princesse va explorer avec différents personnages du royaume l'art difficile de grandir. Tout le monde, le roi, la reine, le cuisinier, le général, même l'amiral, - l'amiral à quoi ? l'amiral à rien, je referme la parenthèse, c'était un aparté... Même le premier ministre est questionné, puis le docteur, chacun y va de sa petite musique solennelle et moralisatrice, qui n'apporte rien aux questions tourmentées de la petite princesse. C'est surtout que chacun apporte un conseil qu'il est incapable d'appliquer pour lui-même.
Et enfin, c'est un tout autre personnage dissonant dans ce cortège de gens bien comme il faut qui va éclairer la petite princesse. La femme de chambre..., modeste, simple et éprise de bon sens.
Une fois le texte lu, j'ai profité du temps qu'il me restait pour montrer chaque page où apparaissait un dessin truculent. Les élèves se sont réjouis de découvrir les illustrations en apparence anodines qui sont pourtant truffées de détails cocasses et burlesques, stigmatisant leurs contradictions flagrantes pour ne pas dire leurs hypocrisies. C'est jubilatoire ! D'autant plus qu'un certain et fameux Tony Ross est aux manettes...
La petite Gaëlle est sortie du rang, s'est dirigée vers moi tandis que je rangeais mes affaires. « Elle est chouette ton histoire. Moi non plus je n'aurai pas envie de grandir tant que tu viendras nous raconter des histoires facétieuses. »
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