Perry flairait distinctement les humeurs. Il comprenait pourquoi ces hommes ne l’avaient pas quitté d’une semelle depuis deux jours et se trouvaient encore à ses côtés en ce moment même, alors que certains n’y étaient pas contraints. Pour rien au monde ils ne l’auraient abandonné. Et ils étaient prêts à le soutenir, quoi qu’il arrive.
– Alors, qu’est-ce que tu en dis ? C’est à moi que revient le rôle de garant, non ? Je suis le mieux placé. Je t’ai tout appris.
Aria secoua la tête et réprima un sourire. Roar était effectivement le choix idéal : il lui avait bel et bien appris tout ce qu’elle savait sur les sons… et sur le maniement des couteaux.
– Tout, sauf la modestie, répliqua-t-elle.
Il haussa les épaules.
– À qui ça peut servir, franchement ?
Tu me traite de fou Kirra ?|...]
- Un fou plein d'espoir, précisa-t-elle.
Perry eut un petit sourire en coin.
- Ce sont les pires.
On perd. On ne cesse de perdre, mais on est toujours là. On tremble, on a peur d'agir. Je ne veux plus me contenter de cette vie parce que j'ignore s'il existe quelque chose de mieux. Cela existe forcément. ça n'aurait pas de sens autrement. Aujourd'hui, je peux agir. Et je vais le faire.
Elle posa une main sur l'avant-bras de Roar. Étonnamment communiquer avec lui par télépathie lui semblait plus simple. Peut-être fallait-il moins de courage pour s'abandonner à ses pensées que pour les exprimer à voix haute.
Et si c'était un signe ? Peut-être que je ne suis pas censée appartenir au Monde Extérieur.
Roar la surprit en entrelaçant ses doigts avec les siens.
_ Tu lui appartiens déjà. Tu t’intègres partout. Seulement, tu n'en as pas encore conscience.
Aria contempla leurs mains. C'était la première fois que Roar avait ce genre de geste avec elle.
_ Ça me fait bizarre d'avoir ta main sur mon bras tout le temps, se justifia-t-il, en réaction à ses pensées.
Oui, mais nos doigts entrelacés, c'est un peu intime, non ? Je ne veux pas dire qu'on est trop proches, ce n'est pas ça, mais... Tu sais, Roar, c'est vraiment dur, parfois, de s'habituer à cette télépathie.
Il lui décrocha un sourire radieux.
_ Aria, ça n'a rien d'intime. Si j'étais vraiment intime avec toi, tu le saurais, crois-moi.
Elle leva les yeux au ciel.
La prochaine fois que tu dis ce genre de choses, n'oublie pas de me lancer une rose rouge, avant de t'en aller dans un bruissement de cape !
Le regard de Roar se perdit dans le vague, comme s'il s'imaginait la scène.
_ J'essaierai d'y penser.
Il lui prit le visage dans les mains et l'attira à lui, de sorte que leurs fronts se touchèrent. Les cheveux d'Aria tombèrent autour d'eux, formant un rideau qui les isolait du reste du monde.
[...] Il ne lui restait plus grand chose à faire, hormis regarder le cœur de Roar saigner sous ses yeux.
-Rien ne t'échappe, hein?
Perry sourit encore.
-Si. Toi, tout le temps.
"Roar se mit à chanter d'une voix douce et pleine d'humour :
- Viens réchauffer mon coeur transi, mon tout petit chaton polaire.
Incapable de résister, Aria attaqua le couplet suivant :
- Jamais de la vie, mon gros yéti. Plutôt m'arracher une molaire !
- Je serais ton bonhomme de neige, tu vivrais dans mon igloo.
- Pas question de tomber dans ton piège. Plutôt m'enfermer chez les fous !"
Un peu plus loin, il distingua un mouvement furtif entre les arbres. Presque aussitôt, Aria lui apparut. Elle courait. Gracieuse. Attentive. Sans un bruit. Lorsqu'elle le vit, elle écarquilla les yeux de surprise, mais ne ralentit pas l’allure. Lui non plus. Au contraire, il se débarrassa de ses affaires, les jetant n’importe où, et accéléra encore. L’instant d’après, Aria se jetait dans ses bras.
Perry la serra fort contre lui.
– Tu m’as manqué, lui souffla-t-il à l’oreille, réprimant son envie de l’étreindre encore plus fort. Je n’aurais jamais dû te laisser partir. Tu m’as tellement manqué