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Critique de fanfanouche24


Lu- 18 février 2020---

"Il était mélancolique et racontait volontiers son expérience communautaire. Pour lui qui n'avait pas fait d'études, la rencontre de ces jeunes gens avait été une chance. Il avait pris goût aux longues conversations philosophiques, aux débats d'idées, avait découvert le bonheur de la lecture- il remontait d'ailleurs une caisse de livres estimant que par son travail il les avait bien mérités. (...)
Le sentiment, le temps passant, d'être moins considéré, comme si l'ancienne hiérarchie reprenait ses droits, les intellectuels en haut, les manuels en bas. "(p. 308)

Un ouvrage assez inclassable, acquis à la librairie Texture , dans le 19e parisien, en juillet 2011, débuté et abandonné plusieurs fois....
Récit multiforme d'un jeune homme en devenir, récit débutant dans les années 60, le vécu de mai 68, les petits boulots exécutés par notre écrivain, dont l'expérience du travail en usine, à la chaîne, qui l' a marqué durablement.
Jean Rouaud, jeune garçon de 11 ans, orphelin de père, s'est mis à faire mille petits jobs, afin d'aider sa mère, veuve. Ainsi notre "narrateur" s'est immergé autant dans le monde ouvrier que dans l'univers étudiant !

Un ton d'autodérision constante accompagne ce récit autobiographique, où cette autodérision touche plus particulièrement les luttes de classes,mais aussi ses multiples mésaventures entre l'auto-stop, ses "ratés"
lamentables avec la moto du cousin, ses départs "écolos" dans les campagnes de l'hexagone, expériences plus ou moins concluantes de vie communautaire, son refus de rentrer dans le rang, de faire une quelconque carrière, ses allergies à l'autorité, au service militaire,ses refus constants, en somme !!..


Par moments, un côté franchement comique d'aventures à la "Gaston Lagaffe" !!!

Rouaud narre aussi ses admirations littéraires dont font partie à des siècles de distance Kamo No Chomei (12e) ( que j'ai découvert grâce à cette lecture), et Serge Rezvani...dont il parle abondamment avec une admiration sans réserve !


Après avoir eu du mal à rentrer dans le texte, je me suis rendue compte qu'il me fallait simplement aborder ce texte sans idée préconçue, me laisser porter par l'abondance des digressions de l'auteur, qui offre au final, un portrait très affiné, détaillé d'un jeune homme , ayant traversé "Mai 1968", même si ce dernier s'est laissé plutôt porter par les événements et les rencontres.Double portrait: celui de notre écrivain et celui, détaillé, réaliste de la société de l'époque ! le collectif qui croise un destin personnel, modeste, se cherchant dans une société auquel le narrateur ne parvient pas à adhérer !

Un jeune homme attiré par rien, si ce n'est l'Ecriture, se cherchant, n'ayant pas encore trouvé son "chemin" , "sa voie"...
Il y livre ses remarques sur la société française où il a grandi, dans laquelle il vit, à une époque sociétale de basculement , de remise en cause du travail, des inégalités criantes, de la lutte des classes... Des passages très virulents, toujours d'actualité !!..

En sus de l'expérience difficile en usine, un autre "petit boulot" a fini d'écoeurer, de révolter notre apprenti-poète : la vente en porte à porte d'encyclopédies médicales. Un démarchage intrusif, scandaleux, s'attaquant aux classes les plus modestes, ne pouvant se défendre avec les mots (intimidés par ces derniers !), se retrouvant avec des crédits inutiles, quasi "extorqués" !!!...

Des années de "non-être", de petits boulots peu satisfaisants jusqu'à la parution de son premier livre qui le fera connaître, "Les Champs d'honneur"...


"En dépit des apparences, j'étais toujours sur le bord des routes à tendre le pouce, toujours saltimbanque, toujours à la marge quand il me semblait que j'avais laissé loin derrière moi mes années tristes, toujours un peu voyou. "( Gallimard, 2011, p. 54)


"Je m'imaginais réitérant inlassablement mon refus d'effectuer mon service militaire, comme je l'avais écrit sur toutes mes copies depuis deux jours. Objecteur de conscience, alors ?
Non, non, pas seulement la conscience, tout objecte chez moi. Rien ne me va de ce que vous me proposez, ni l'uniforme quand je tiens à ma singularité, ni obéir aux ordres quand je tiens à ma liberté, ni porter une arme quand j'avance dans la vie, démuni, bras ballants." ( (Gallimard, 2010, p. 212)

Je suis prête et curieuse de lire et découvrir les trois autres volumes de cette "Vie poétique" qui semble composer un tableau sociologique très attractif, de la seconde partie du 20e à la première part du 21e, en passant par le parcours complexe d'un écrivain, talentueux, qui est parvenu à concrétiser son rêve de toujours : La reconnaissance de son "écriture" , de sa "Plume" !!
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