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Critique de Zoreillivre


Au premier abord, il faut accepter le style de l'écrit. L'opus est assez court mais il se lit lentement. Ensuite, il est nécessaire de prendre distance de la réalité, se rappeler que ce que nous vivons aujourd'hui n'est que très partiellement lié à cet écrit fondamental. Certes, nous vivons dans une démocratie, mais Rousseau ne dirait pas cela. Il n'avait d'ailleurs pas réellement prévu que son modèle soit humainement possible : "il faudrait des Dieux pour donner des loix aux hommes", tout est dit !

Voyons donc ce qui est différent aujourd'hui. L'esclavage d'abord, la référence permanente de Rousseau à Athènes, Sparte et Rome comme modèle le plus abouti de la démocratie, s'appuie très largement sur le travail incessant des esclaves qui absorbent les tâches quotidiennes de tout ordre, libérant les citoyens pour la chose publique.

Le citoyen ensuite, qui se révèle être ni étranger, ni enfant, ni femme, ni esclave, ce qui laisse la démocratie dans les mains de 10% de la population de la cité.

Le système représentatif également, que Rousseau abhorre sous peine dit il de ruiner l'idée même de la souveraineté et d'y perdre la liberté. Nul députés ou sénateurs comme représentant du législatif on imagine la situation aujourd'hui.

La religion d'état ensuite, présentée comme incontournable, non un des dogmes qui prévaut aujourd'hui mais un ciment de cet ordre qui doit souder le peuple autour du pacte citoyen, et que ceux qui n'adhèrent pas en sont exclus.

La censure enfin, encouragée car nécessaire à maintenir un ordre moral sous peine de le voir délité.

On le voit, nous sommes bien loin de la réalité actuelle. Certes, Rousseau n'est pas un journaliste décrivant un état des lieux de notre XXI siècle, mais la comparaison pose question. D'autant que Rousseau fut l'un des principaux artisans de la déclaration des droits de l'homme et du fondement de la République. Soit nous sommes dans une large dérive d'un modèle initial, et il conviendrait d'en récupérer l'esprit en urgence, soit le modèle est tel qu'il est largement utopique, idéaliste et finalement impraticable. Ce qui enterre la notion même de démocratie dans son texte.

Sans cette cruelle comparaison et en replaçant le texte dans son contexte historique, l'exercice est évidemment très intéressant. L'idée même de conserver, retrouver en réalité, la liberté tout en la soumettant au tout collectif est majeure. On y gagne au passage la paix et la sécurité, base du mouvement contractuel ou, même s'il s'en défend, Rousseau rejoint Hobbes et son Léviathan.

C'est la volonté, la pugnacité de Rousseau d'arriver à édifier un modèle juste qui m'a le plus impressionné. Une approche exigeante, trop sans doute pour le citoyen lambda, démontre son désir d'excellence morale. Reste qu'il y a loin de la coupe aux lèvres, que Rousseau prend ses désirs pour des réalités me semble une critique honnête, difficile de lui en tenir rigueur, on ne peut qu'espérer avec lui.

La lecture suppose d'être attiré par la chose collective, ses défis, ses challenges, mais en nos temps troublés, c'est un plaisir de s'abreuver d'utopies dont on peut rêver qu'elles soient la réalités de demain.
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