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Critique de peloignon


Voilà un des livres que j'aime le plus à offrir à mes amies.
Je trouve que les romans par lettres constituent des phénomènes artistiques vraiment intéressants.
De prime abord, entrer dans une correspondance d'inconnus ne me semble pas très intéressant et mon indifférence est encore accentuée lorsque je sais que ces personnages sont fictifs. A priori, je n'aime donc pas trop et pourtant, sitôt que j'arrive à m'imposer l'effort de lire quelques dizaines des premiers épîtres, me voilà entraîné irrésistiblement jusqu'à la dernière missive. Cela s'explique, je crois, du fait que le lecteur d'un roman par lettre doit faire l'effort de reconstruire l'histoire et les personnages à partir des indices qu'on lui donne exclusivement dans les billets échangés par les personnages. Cela implique un effort et prend un certain temps d'adaptation, mais une fois que les fondations nécessaire à la reconstruction sont en place, le lecteur participe à l'écriture, se prend à rêver à ce qui se produit et aux personnages comme si tout cela existait réellement et c'est pourquoi ces romans si ardus à aborder laissent souvent, lorsqu'ils sont réussis, comme c'est le cas pour La nouvelle Héloïse, les souvenirs les plus indélébiles dans l'esprit de leurs lecteurs.
Dans le cas de ce roman par lettre en particulier, l'approche des personnages est légèrement facilité au lecteur puisque Rousseau y présente une Héloïse nouvelle, personnage idéalisé à partir de la maîtresse du grand Abélard dont la tragique histoire d'amour a été immortalisée dans un échange de lettre authentique du XIIe siècle. Si on fait abstraction de la médiocrité de Saint-Preux par rapport à Abélard, le portrait général de la situation dans le roman reproduit assez bien l'horizon historique où les destins d'Héloïse et d'Abélard se sont croisés, et cela permet à Rousseau de mettre génialement en contraste le progrès offert par ses idées morales par rapport à celles qui ont fait le malheur de la véritable Héloïse. En effet, l'Héloïse de Rousseau trouve une douce sérénité rendue possible par l'acceptation de son repentir et l'accomplissement de la vertu que l'ancienne, malgré tous les efforts d'Abélard, n'arrivera jamais à atteindre. Ce succès n'a évidemment rien d'une démonstration, mais il donne envie au lecteur de croire en sa possibilité.
La conclusion est en effet sublime, autant sur le plan artistique que moral. Rousseau, cet homme de coeur aux belles idées et à la sensibilité communicative, est ici au sommet de son art, accomplissant l'exploit trop rare d'une synthèse intellectuelle parfaite entre formes romanesque et philosophique.
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