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Critique de jullius


Un vicaire savoyard nous livre sa profession de foi.
Fidèle à son élan, Rousseau défend ici encore (à la suite du Discours sur les arts et les sciences et dans la lignée du Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes) les vertus d'une raison des sentiments bien plus que les eaux froides du calcul rationnel. Il ne se laisse abuser contre aucune « preuve » ni aucun contre argument « scientifique » sur l'inexistence de Dieu, dont chacun devrait admettre que la question échappe à tout entendement logique si chacun reconnaît que bien des réalités ne sont pas accessibles à la raison.
Seul un rapport intime à Dieu est donc possible ; et c'est, d'ailleurs, le plus satisfaisant. Combien il est plus doux à l'homme de sentir Dieu que de le démontrer, de le deviner en regardant les merveilles que la nature vivante expose à nos sens, que de le réduire à des preuves ensevelies dans des archives de papier ou sous le sable. Nul ne doit redouter de se tromper en admettant le Dieu qui parle à son coeur. Alors que ceux qui donnent foi à un Dieu fabriqué par de fins esprits qui sont autant d'esprits intéressés par la place que ce même Dieu le donne…
Quel coup de massue le représentant de Rousseau, ce vicaire à la foi spontanée, pure, vierge ou plutôt nettoyée des pseudos vérités que sont les dogmes écrits de mains d'hommes et les idoles peintes et imposées dans leurs églises assène-t-il à la religion instituée !
Mais quelle humilité pourtant, que celui qui, débarrassé d'elles (les religions), sait voir, comprendre, quelle est sa place dans l'univers, celle d'une créature et non d'un surhomme avant l'heure.
Ainsi, Rousseau expose les seules « lois » qui lui semblent permettre, ce sera tout son combat, de faire tenir ensemble Dieu et l'homme, le créateur et la liberté de sa créature, le naturel et la société : oui, c'est bien une volonté puissante et sage qui anime l'univers, cette extraordinaire mécanique ne s'est ébranlée que sous le feu d'une étincelle divine. Il suffit pour s'en convaincre d'admirer le spectacle organisé de l'univers. La nature, elle aussi, en est un vibrant et superbe témoignage, le monde son grandiose théâtre. Oui, la matière ne se met en mouvement que parce qu'elle obéit à une intelligence supérieure. Et pourtant, l'homme demeure libre, maître de ses actions et, par conséquent, seul responsable du bien ou du mal qu'il sème. Si Dieu a initié le monde, il y a fait de la place pour la liberté. Et il ne reprend pas à l'homme cette liberté dont il lui a fait don. Aussi, si règne le chaos parmi nous, personne d'autre n'est à blâmer. Nul blâme donc, mais pas plus de calamité. Car de même que nous avons bouleversé l'ordre naturel et harmonieux par des sociétés ordonnées sur l'inégalité et régentées par des principes superficiels, de même que nous avons mis sens dessus dessous nos vies en nous adonnant à de veines occupations, au travail abrutissant, à la recherche de la richesse plutôt que de chercher le sens de la vie, de même, Rousseau le rappelle, une juste éducation peut faire advenir le bien.
Mais n'allez pas croire que cette éducation consiste en un apprentissage des règles, un ordre de respect des normes et un éloge à la soumission aux lois. Laissez parler votre coeur, cette voix intérieure, échos d'une nature une et bonne. N'ayez crainte de dire à la justice des hommes que vous voyez clair en elle et que plus que le choeur des puissants qui entonne le chant du droit, vous entendez et croyez à la puissance d'un coeur droit, que vous voulez vous laisser guider par l'instinct moral bien davantage et plus heureusement que par la morale des instincts des guildes, de marchands ou toutes professions qui asservissent le monde.
L'unique moyen d'être des hommes dignes de ce grand nom d'humanité, pour Rousseau, est de rompre avec les subordinations artificielles et de briser les alibis commodes pour nous faire pardonner de nos vanités. Et toute religion instituée, quelle qu'elle soit n'échappe pas à ce tri du coeur, dès lors qu'elle tyrannise l'intelligence et enferme la pensée dans des livres indiscutables.
Il n'en fallut pas plus pour que le scandale éclate et que la Profession de foi soit condamnée.
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