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Critique de Sarindar


Voici l'homme de tous les courages : humain, militaire, militant, politique.
Sait-on qu'il approuva la politique de redressement du franc de Poincaré tout en critiquant le volet social du programme de l'ancien président de la République redevenu président du conseil, parce que les mesures préconisées étaient trop timides aux yeux de PMF ? Sait-on que ce fils de combattant voulut lui aussi porter l'uniforme, celui d'aviateur, défendre sa patrie en se battant pour la délivrer de l'envahisseur allemand après juin 1940 ? Ancien membre du cabinet du Front Populaire, il rejoignit De Gaulle et voulut s'engager dans les FFL, toujours comme aviateur. Mais le général avait d'autres vues pour lui, et il lui confia un portefeuille au sein du Comité Français de Libération Nationale. Dans ce cadre, Pierre Mendès France préconisa une politique de rigueur pour réaliser un programme de reconstruction de la France dans l'indépendance. Mais de Gaulle préféra écouter la voix de René Pleven et de tous ceux qui lui conseillaient de se montrer généreux avec les Français pour les mobiliser en douceur dans l'oeuvre de redressement de l'économie après la guerre sans leur demander trop d'efforts, car une autre politique, selon certains, les eût sûrement découragés. PMF démissionna donc le 6 avril 1945. Sous la IVe République, PMF eut l'occasion de donner toute la mesure de son talent lorsqu'il tint, de 1954 à 1955, les rênes du gouvernement : il montra alors que "gouverner, c'est choisir", et il s'employa à la tâche avec un réel talent, affichant de la fermeté quand il le fallait et se révélant plus souple quand il le pouvait. Avec les accords de Genève (20 et 21 juillet 1954), il parvint à mettre un terme au désastreux conflit d'Indochine. Mais il buta devant le parlement lorsqu'il s'agit de mettre en place une Communauté européenne de défense : les esprits n'étaient pas mûrs pour cela en France, compte tenu de la proximité avec les événements survenus durant la Seconde Guerre mondiale ; on ne faisait pas encore confiance à l'Allemagne pour prendre sa part dans une telle politique, et la France entendait conserver sa souveraineté dans ce domaine.
Le gouvernement de PMF s'enferra aussi dans les affaires d'Afrique du Nord et fut finalement renversé le 5 février 1955 quand on dut se prononcer sur le nouveau statut prévu pour l'Algérie.

Pierre Mendès France aurait pu s'entendre de nouveau avec De Gaulle en 1958 si le retour du général au pouvoir s'était fait dans une totale transparence : ce ne fut pas le cas, et, dès lors, PMF s'aligna avec François Mitterrand dans une opposition frontale, prédisant le pire pour la France si cela se passait comme le voulait le Général ; cette façon de jouer les Cassandre et cette posture anti-gaulliste étaient excessives ; mais il fut clair après cela que PMF ne voulait renouer avec le pouvoir qu'en cherchant à y revenir sous la bannière de la gauche ; la jeunesse vibra avec lui en mai 1968, au stade Charléty, et il tenta sa chance avec Gaston Defferre en 1969, mais ils ne recueillirent ensemble que 5% des voix. Son heure était passée : il assista au triomphe de Mitterrand, élu président de la République en mai 1981, et essuya une larme lorsque celui-ci lui donna l'accolade le jour de son intronisation. Mais les deux hommes, passé ce moment d'émotion, reprirent leurs distances l'un envers l'autre : Mitterrand en voulait à Mendès de ne pas l'avoir soutenu comme il aurait fallu lors de l'affaire des Fuites d'informations qui auraient été transmises aux Communistes et peut-être par là à l'Union Soviétique lorsque PMF était au pouvoir ; lorsque Mitterrand accéda à l'Elysée, ce fut au tour de PMF de critiquer certains des choix du gouvernement de la Gauche. On ne tint aucun compte de son avis en haut lieu. Il vécut tout cela avec une pointe d'amertume.

Sa grandeur, Pierre Mendès France la retrouva en travaillant à tisser des liens entre Égyptiens et Israéliens pour les aider à franchir le pas d'une paix séparée, symbolisée par la rencontre entre Anouar el Sadate et Menahem Begin, un rapprochement auquel il ne fut pas étranger et qu'on espérait voir s'étendre à d'autres pays du Moyen-Orient, espoir qui fut malheureusement assez vite déçu.

On se souvient que PMF fut longtemps un élu de Louviers dans l'Eure, puis plus brièvement à Grenoble.

Pour mémoire, on rappellera que capturé avec d'autres en 1940 par les forces pro-Vichystes alors qu'il tentait de passer en Afrique du Nord à bord du Massilia, il eut droit à un procès au cours duquel il sut montrer qu'il savait se défendre et il s'évada, dans des circonstances rocambolesques, lors d'un séjour en milieu hospitalier à Clermont-Ferrand.

Pierre Mendès France méritait le coup de chapeau que lui a donné Roussel dans cette magnifique biographie qui complète celle écrite par Jean Lacouture, qui fut longtemps un grand admirateur de PMF.

Ce grand homme politique français, descendant de juifs portugais, était né à Paris en 1907. Il s'y est éteint en 1982. S'il ne gouverna pas longtemps, il marqua par son honnêteté et sa rigueur. D'une certaine manière, il est admiré aussi bien à droite qu'à gauche pour sa personnalité et son action qui furent l'antithèse des manières de faire de Mitterrand. Il est une référence morale beaucoup plus sûre. Peut-être que cela tient au fait qu'il ne resta pas assez longtemps aux affaires pour user tout son crédit et perdre de son aura.
François Sarindar, auteur de : Lawrence d'Arabie. Thomas Edward, cet inconnu (2010)

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