AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de isanne


Peut-être éprouve-vous parfois les mêmes sentiments : lorsque la rencontre avec un écrivain a été fabuleuse lors de la première lecture, j'ai toujours beaucoup d'appréhension pour la suivante. Bien sûr, elle peut être dans le même registre et susciter des émotions tout aussi bouleversantes que la première, mais elle peut aussi s'avérer moins vibrante...

J'avais particulièrement apprécié la lecture de "Toutes ces vies jamais vécues" et très envie de "replonger" dans l'écriture poétique d'Anuradha Roy, mais comme vous l'avez deviné, je le craignais aussi.
"Un atlas de l'impossible" m'aura autant emporté que le livre précédent, j'ai retrouvé l'écriture riche au point de susciter beaucoup d'images et la poésie qui m'avaient envoutée, les thèmes qui me sont chers comme les difficultés des relations sociales, un récit qui enseigne, une présence permanente de la nature, des descriptions de botanique et la présence de chiens, "personnages secondaires" mais attachants et qui habitent encore les pensées, une fois le livre terminé.

Un récit en trois parties pour trois générations, à travers aussi l'évocation de trois lieux de vie : trois maisons mais aussi trois jardins pour une famille touchée par les deuils, habitée par les absences, guettée par une forme de folie.
Un récit qui chemine autour d'un personnage qui nous guide dans les méandres des vies et nous laisse seul maître de nos émotions en ce fait qu'il est orphelin, sans religion et sans caste donc sans à-priori, sans déterminisme aucun dans ce pays qui vit sous un joug britannique et dont le Nord s'embrase pour finalement aboutir à un tracé nouveau des frontières et au plus grand exode de population que le monde ait connu en terme de nombre de personnes déplacées. du début du siècle à la partition, la cohabitation de ces hommes et femmes de Cultures différentes, parfois ennemis, parfois liés malgré les différences de culte ou de rang social pour nous parler de leurs existences mais aussi des balbutiements d'un pays qui se morcelle, tout en vivant un chaos intérieur.
Des vies comme autant de barques ballottées dans le courant des événements. Et si comme l'eau stagnante du « fleuve » qui décide un jour d'envahir les berges qu'on imaginait émergées à jamais, les affrontements, les divergences, les tueries, les cruautés s'ils paraissent éloignés, sont pourtant si proches à travers la religion des uns, les coutumes d'un autre que le souffle de l'intolérance devient palpable.
C'est aussi le roman des regrets, de la sagesse qu'amènent les années, du désir de revenir vers une certaine forme de protection que procure le regard candide de l'enfant.

C'est un livre dans lequel on apprend, l'Histoire du pays se distille au gré des événements dans la famille, au gré des rencontres, on découvre cette flore luxuriante toujours décrite avec beaucoup de détails, toujours ces couleurs chatoyantes, les mots du texte nous impriment les nuances sur la rétine, c'est un livre dans lequel on s'émeut : deuil et absence sont lourds à porter , la fuite pour que le chagrin n'écrase pas les êtres devient seule solution. La misère d'un pays qui côtoie des richesses que seuls un petit nombre détient, les rapports sociaux difficiles entre les ethnies et ceux issus de différents rangs sociaux.

Et puis, c'est un livre pour s'évader, pour rêver, puisque c'est bien le propre de la lecture de nous faire voyager, en pensées et d'un continent à l'autre. La luxuriance de la végétation, le chatoiement des couleurs, les parfums des fleurs parviennent jusqu'au lecteur quand ce n'est pas les plats de la cuisine indienne que ce dernier entraperçoit devant lui, tout en respirant les fumets qui l'invitent à partager les mets épicés et savoureux.
C'est un roman de perceptions au-delà de la vies des personnages, un roman qui sait appeler les sens pour faire avec les mots, une atmosphère qui dit l'âme d'un pays , l'âme d'une Culture à travers son Histoire.

Il en reste de magnifiques descriptions en tête, l'impression d'en avoir appris un peu plus, le désir d'ouvrir un autre livre pour retrouver cette atmosphère si particulière de cette Culture riche et fascinante. On quitte des personnages attachants, persuadés, que ceux que nous rencontrerons, dans le prochain roman lu de cette écrivaine, nous procureront d'aussi intenses émotions.

(Août 2021)
Commenter  J’apprécie          70



Ont apprécié cette critique (6)voir plus




{* *}