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Critique de isanne


Odile Mourtier a quatre-vingt-dix ans. Odile femme volontaire, qui se consacre désormais la seule gestion d'une fondation musicale.
Elle vient enfin d'arrêter une décision qu'elle ne parvenait pas prendre : nommer l'héritier de ses biens et de sa fortune. Elle a enfin choisi : ils reviendront à Tariq...
Qui est Tariq, celui qui replie la carte du Hoggar avec beaucoup de soins dans les premières phrases du roman au point d'émouvoir Odile qui le regarde, je vous invite à le rencontrer…


La mère d'Odile possédait une industrie dans la région de Millau, spécialisée dans la confection de gants de luxe en chevreau, gants qui s'enorgueillissaient d'habiller les mains les plus célèbres du moment à travers le monde. Hélas, l'industrie, n'ayant su suivre la modernisation des Trente Glorieuses, a périclité et Odile en a reçu le capital en numéraire à défaut d'une entreprise à gérer.

Son père, officier, est mort en Artois en 1915. Elle ne l'a guère connu...

A la même période, son grand-père, lui aussi officier, est rapatrié du Maroc où il était en service.
L'accompagne un petit garçon qui découvre la France : il se nomme Amazouz...

En 1915, également, juste après l'annonce du décès de son père au combat, Odile, celle qui n'est qu'une petite fille secrète et craintive, va passer quelques jours chez ce grand-père qu'elle ne connaît que très peu. Elle rencontre Amazouz...


Une fois dévoilés tous ces détails, je ne vous en dirai pas davantage, vous engageant à découvrir ce roman autant familial qu'historique.
S'il raconte une Histoire de la présence française au Maroc du début du vingtième siècle, il pose tout autant le regard sur cette famille, sur ces militaires habités par leur engagement, dignes, fiers…

Ce grand-père qui regrette son ancienne affectation, la terre du Maroc et les perspectives qu'il y entrevoyait...Ce grand-père, de retour en France et très vite affecté à un poste subalterne pour avoir défendu ses hommes auprès de ses supérieurs au moment de la Bataille d'Argonne en 1915. Ce grand-père si maladroit et peut-être aussi un peu rigide, ne sachant pas toujours composer avec l'innocence des deux enfants qu'il abrite pour un moment sous son toit, Amazouz et Odile toujours complices face à sa sévérité.

Ce père mort au combat, si discret et si silencieux, disparu tout en gardant dans le coeur le choc d'une phrase prononcée, sans ambages, par son propre père, quelques jours avant son retour au front, une sorte de désaveu...

Cette mère hautaine, méprisante, issue d'un milieu aisé, sûre de son bon droit, de ses décisions, qui ne tient compte de personne, mais qui détruit les existences sans remords, ni questionnement...


Les différents personnages sont justes, la vie militaire est restituée dans la singularité de ceux pour qui l'engagement est toute leur vie, souvent au détriment de la vie familiale… Les épouses ne l'acceptaient pas toujours.

Ce qui frappe, c'est la solitude dans laquelle tous sont plongés : aucun ne trouve son alter ego, celui qui apaisera les tourments de l'âme, celui qui épaulera dans les moments plus difficiles, celui qui constituera une raison de continuer à vivre. Ou alors s'il le croise, le caractère éphémère de la relation ne rend que plus douloureuse l'absence qui est désormais le quotidien...


Une histoire familiale tissée dans la trame de l'Histoire de ce début de siècle de la France, à l'étranger.
Un récit sur le devoir de reconnaissance, sur la volonté de réparer, sur les coïncidences qui font resurgir du passé des souvenirs enfouis et obligent à rendre à celui qui en était le bénéficiaire ce que d'autres ont éparpillé ou brisé. Un récit sur l'affection filiale, ou ce qui y ressemble...
Un roman très sensible, tout en suggestion, en demi teintes sur ce qu'est "la transmission", sur ce qui reste des vies...

Pascale Roze possède une écriture fine et précise qui entraîne le lecteur d'un bout à l'autre de ce court récit sobre et juste. Elle a également l'art de faire évoluer les personnages au fil de quelques pages avant de nous dire qui ils sont avec précision, cela bouleversant un peu la lecture car on essaye de retenir des détails à relier entre eux pour la suite et ainsi se construit un récit très original dans sa forme.


Un très émouvant moment de lecture.
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