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Critique de migdal


Le sultanat de Brunei, jouit d'un or pétrolier qui offre à ses 500 000 habitants un PIB enviable. Membre du Commonwealth, sa monarchie a conclu avec le Royaume Uni un accord de défense concrétisé par la présence d'un régiment de Gurkhas qui le protège de la Malaisie et de l'Indonésie, ses voisins sur l'ile de Bornéo, et de la Chine. La doctrine Melayu Islam Beraja (MIB) qui définit l'identité brunéienne comme « malaise, musulmane et monarchique », est érigée en idéologie d'État. L'état d'urgence instauré en 1962 est toujours en vigueur et le Sultan de cet état indépendant depuis 1984 dirige par décrets.

Ses habitants sont à 80% musulmans, les religions animistes, bouddhistes et chrétiennes se partageant le solde.
La famille régnante profite de sa richesse sans toujours tenir compte des préceptes de l'Islam… alcool, débauche, jeu, orgies alimentent les rumeurs.
Les gisements d'hydrocarbures ne sont pas éternels ; la transition climatique menace leur exploitation.
La répression policière a contraint les opposants à s'exiler vers l'Australie, le Canada, etc. sans se désintéresser de leur patrie natale.

En jetant un peu de sel sur les plaies, en semant le doute sur la santé du Sultan, en opposant habilement les communautés religieuses et les identités culturelles, en inquiétant sur la pérennité de la manne pétrolière, il est possible de créer un climat de tension à l'intérieur du pays. En dénonçant la corruption et les crimes du régime et sa répression homophobe, il est envisageable de neutraliser toute intervention britannique et d'ouvrir des perspectives à une « alternative démocratique ».

C'est vieux comme le monde et l'histoire, ces dernières années, est riche d'exemples : révolution des Roses en Géorgie en 2003, révolution orange en Ukraine en 2004, révolution des Tulipes au Kirghizistan, révolution en jean en Biélorussie et révolution du Cèdre au Liban en 2005, « printemps arabe » tunisien en 2010, égyptien et syrien en 2011. Mouvements qui ont révélé la puissance subversive de Facebook, Twitter et autres réseaux sociaux.

Les géants du net, les GAFAM, sont contraints par les régulations votées par les états … d'où leur rêve de se doter d'un état indépendant … et, pourquoi pas, de conquérir Brunei pour y créer une Silicon Valley libre de toute contrainte ?

C'est ce projet que Jean-Christophe Rufin met en scène avec talent dans une intrigue quasi cinématographique qui coordonne des investisseurs californiens, des mercenaires coordonnés depuis notre cote d'azur, des exilés brunéiens, et déroule toute la palette des outils 2.0 : fake news (videos créées avec l'IA ; faux check up santé ; rumeurs financières) + influenceurs postant leurs révélations sur TikTok, Instagram, Youtube, Pinterest + intrusions dans les erreurs informatiques pour bloquer les infrastructures stratégiques ou en prendre le contrôle.

Le Sultan est renversé sans coup férir à la fin du Ramadan… et c'est alors que le romancier révèle son talent et sa connaissance des arcanes du pouvoir avec un twist final vraiment diabolique !

Chapeau l'artiste, et merci pour cette plongée dans les profondeurs opaques du Web qui nous alerte sur les risques que l'IA et les médias sociaux font peser sur nos démocraties, nos états de droit, et nos libertés.
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