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Critique de Krissie78


Dans un pays ayant connu récemment une guerre fratricide, un fait divers va relancer les rancoeurs, les jalousies, la violence au sein d'un village. En cause un infirme : un jeune homme muet. Confronté à un problème de digestion il est contraint de s'expliquer par gestes. Mais ses tentatives pour trouver un endroit pour satisfaire un besoin naturel sont mal interprétées par une jeune fille qui croie qu'il va la violer. Poursuivi puis rattrapé par la foule des villageois, Nyamuragi, le pauvre bougre, va être condamné sans jugement, alors que plusieurs viols ont eu lieu récemment. le tout sous le regard d'une vieille femme borgne et d'un ancien soldat.

Dans les premières pages l'écriture est empreinte de nostalgie, comme l'annonce de la fin d'un monde dans lequel règne la simplicité, l'authenticité, l'harmonie. le temps passe tranquillement et doucement. le calme avant la tempête. Survient ce fait divers qui vire au tragique. le style de l'auteur est compliqué ou tout du moins inhabituel. On hésite entre fable et fait de société. Il y a beaucoup de poésie, d'images, de réflexion intellectuelle. Il y a aussi beaucoup de digressions qui ont fait parfois perdre pied à la lectrice que je suis, même si je retrouvais le fil quelques paragraphes plus loin. Chaque chapitre est introduit par un proverbe Kirundi traduit en-dessous. le récit est également émaillé de mots, de phrases en langue burundaise (je suis désolée je ne suis pas certaine du dialecte utilisé), elles aussi traduites. Il n'en résulte pas moins une lecture hachée et difficile pour un récit d'un peu plus de 100 pages.

Ecrit après le génocide au Burundi le roman semble vouloir aborder de nombreuses problématiques, pas toutes développée. le pauvre muet est l'image de tout ce que la société n'ose avouer ou reconnaître de ce qui ne va pas ou ce qui ne va plus. Nyamuragi n'est-il pas victime de la mauvaise conscience de la jeune fille qui se dit agressée ou des pensées et penchants des hommes qui commettent des viols et/ou trompent leurs femmes ? En le punissant ils s'évitent de se punir eux-mêmes. S'en rendre au muet qui ne peut se défendre par la parole n'est-ce pas tenter de mettre un voile sur un passé douloureux ? La guerre est finie mais elle a marqué durablement les hommes et les femmes. Elle a laissé derrière elle l'empreinte de la violence, de la haine, et plus jamais ils ne pourront la chasser de leurs coeurs. A moins que...

La diversité ethnique ne m'a pas paru présente. Par contre l'interrogation sur l'identité burundaise est omniprésente. La langue, le mot, le verbe sont omniprésents. Une grande partie des réflexions de protagonistes passe par la langue, l'oralité mais aussi par l'interrogation sur le sens profond des mots. le texte est émaillé de nombreuses phrases en dialecte, accentuant l'importance que l'auteur donne à la langue. La vieille borgne dissèque les mots, les expressions. Ce faisant l'auteur renforce d'autant l'incapacité dans laquelle le muet, condamné sans jugement pour un crime qu'il n'a pas commis, est de se défendre : il ne peut prononcer aucun mot, et n'étant pas allé à l'école, il ne peut pas écrire non plus. Il est muré dans le silence et le sommeil pour ne pas avoir à affronter l'avenir. Allégorie de la position du peuple burundais ?

Au final une lecture intéressante mais un peu laborieuse.
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