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Critique de mh17


Je découvre l'oeuvre du Mexicain Juan Rulfo (1918-1986) avec ce recueil bilingue de trois nouvelles originales et marquantes. Elles sont issues du recueil du même nom (1953) qui en contient quatorze.

Juan Rulfo est originaire de l'État de Jalisco, l'un des plus déshérités du Mexique avec ses hauts plateaux arides et toujours prêts à s'enflammer. Dans son enfance la guerre civile ravage ce pays. Il faut fuir les bandes armées qui sèment la terreur. Son père, petit propriétaire terrien fait ce qu'il peut pour nourrir sa famille. Il est assassiné en 1923 pour une sombre affaire de pâturage refusé et d'orgueil blessé. Sa mère de santé délicate meurt en 1927. Dans les années qui suivent éclate la guerre des « Cristeros » qui s'opposent à la laïcisation et à la sécularisation forcée des biens du clergé. Rulfo est élevé par Tiburcia, sa très religieuse grand-mère paternelle qui cache alors un prêtre. Celui-ci possède une bibliothèque importante qu'il leur laisse avant de partir. Tiburcia l'envoie au séminaire puis à l'université à Guadalajara. Juan abandonne ses études de droit pour travailler comme archiviste puis vendeur de pneus à Mexico. Il lit beaucoup, fréquente les intellectuels de la capitale et écrit des nouvelles. le Llano en flammes paraît en 1953. Son succès est immense.

Les trois nouvelles se fondent sur sa région natale ainsi que sur les événements terribles et tragiques qui ont marqué son enfance. Elles sont dures, parfois insoutenables, cruelles et tragiques. Elles parlent du combat perpétuel contre les éléments naturels, de l'engrenage absurde du crime et de la vengeance, de solitude et de remords, de la faim et de la folie. La narration est originale et moderne (voix, points de vue, temporalité) L'écriture est sèche, épurée, minérale.

1.L'Homme.
Ce récit est le plus complexe des trois. Il est plein de changements de points de vue et de sauts dans le temps. Il faut une première lecture vigilante pour remettre les pièces du puzzle narratif en place. Je vous laisse ce plaisir. Il s'agit d'une course-poursuite absurde entre assassins. Chacun est victime et bourreau et le cycle vengeance-représailles semble interminable. Les images en gros plan de violence aussi. C'est sans compter sur l'intervention du système judiciaire. Il met fin au cycle des vengeances grâce à une autre violence.

2. Talpa.
C'est une histoire tragique beaucoup plus facile à comprendre que la précédente et donc à mon avis plus percutante. Natalia pleure dans les bras de sa mère. Elle a retenu longtemps ces larmes, le temps du voyage à Zenzontla où ils ont dû enterrer Tanilo dans une fosse sans personne pour les aider.
Le lecteur aura des informations au compte gouttes sur ce trio composé du narrateur, de Natalia et de son époux Tanilo. le récit, magnifique, est très sensoriel. Les personnages font corps avec les pierres rondes, chaudes et dures de la montagne aride.

3. Macario.
Macario est un petit garçon qui vit avec sa marraine et Felipa, depuis la mort de ses parents. Il a toujours faim et il est rongé par la culpabilité et le péché car il a très peur de l'enfer. On comprend assez vite qu'il a un retard mental, qu'il ne peut jouer avec les autres et qu'il est violent. Dans un monologue intérieur, Macario (le bienheureux en grec) ratiocine sa propre vie en attendant que des grenouilles et des crapauds n'apparaissent. Il les écrasera ce qui les empêchera de croasser et ainsi sa marraine pourra dormir paisiblement. Formellement très original, ce récit est fort comme un coup de poing.

Il n'y a guère de réconfort et apparemment point de salut dans l'univers de Juan Rulfo.
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