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Critique de Kirzy


Idaho, un titre qui a du souffle, de l'envergure, suffisamment pour te transporter vers les Rocheuses, la beauté de ses paysages faits de lacs, de hauts sommets enneigés, de profonds canyons, là où tout n'est que beauté sauvage préservée. Un titre qui ne dit rien, pourtant, de la force introspective qui traverse ce roman désespérément magnifique sur le deuil, la mémoire et la vie qui est là, malgré tout.

Le pivot de ce roman quasi choral est Ann, la seconde épouse, celle qui est entrée dans la vie de Wade après un terrible drame qui a détruit la famille de son compagnon. Wade souffre de démence sénile foudroyante et perd progressivement la mémoire.

« Un jour d'automne ensoleillé, allongée à côté de lui dans l'herbe, tandis qu'il somnolait, elle ( Ann ) a senti l'ancienne vie de Wade, ses souvenirs, s'évaporer à travers sa peau. Elle a senti que tout le quittait, tout sauf elle. Alors elle s'est à son tour vidée de sa propre vie pour être sur un pied d'égalité avec lui. Ils sont restés étendus l'un contre l'autre, tel un fragment dans le temps. Un nuage est passé devant le soleil et, à l'intérieur de Wade, il y a eu un basculement qu'elle a perçu. A ce moment-là, elle a laissé un basculement se produire à l'intérieur d'elle-même, et ainsi sils sont redevenus les êtres qu'ils étaient habituellement, encore tout chauds de l'amnésie qu'ils venaient de vivre. »

Mais Ann est terrifiée à l'idée qu'un jour ils n'auraient plus que ça. Elle veut comprendre ce qu'il s'est passé, cette tragédie que Wade a toujours tue et qu'il taira pour toujours avec sa maladie.
Elle veut s'emparer des souvenirs de Wade et c'est incroyable comme l'auteur parvient à faire résonner en nous cette possession lente jusqu'à en perdre la raison.

J'ai lu cette quête perdue d'avance comme hypnotisée par le style emplie de subtilité de cette toute jeune auteure étonnante de maturité. Envoutée par la structure polyphonique complètement affranchie de la chronologie, éclatée de 1973 à 2025. Ensorcelée par l'étrangeté qui se distille de chaque page. Ce n'est pas l'élucidation du pourquoi du drame qui intéresse Emily Ruskovich , mais le cheminement des âmes d'Ann, de Wade, de Jenny ( la première épouse ). Pas de tentative d'explications psychologiques basiques, la psyché des personnages reste opaque et complexe, et c'est tant mieux.

Le bouleversement qui s'est emparé de moi à la lecture des dernières pages est venu à petit pas, dans le souffle de l'intime scruté au plus profond. Il est des silences qui hurlent dans les forêts de l'Idaho.
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