Curieuse, curieuse lecture. le quatrième de couverture était pourtant (je trouve) prometteur. Mais il ne tient pas ses promesses. Ou plutôt, il nous laisse attendre autre chose de cette lecture que ce gloubi-boulga religieux à la limite du prosélytisme...
Je ne vous assommerai pas avec un résumé, vous le trouverez en le cherchant sur Google. Mais il faut d'emblée préciser qu'il s'agit ici plus de religion-fiction que de science fiction...
L'histoire elle-même met bien 200-300 pages (version pocket en tout cas, pour un total de presque 800 pages) à vraiment démarrer. Avant, on nous brosse en long en large et en travers les circonstances capillotractées de la rencontre des divers protagonistes. Comme de par hasard, ils se connaissaient presque tous avant d'être envoyés dans l'espace.Ils sont tous, grosso-modo potes. Ou plutôt "amis", du style "amis pour la vie". Leurs relations ne fleurent pas forcément le naturel. Ils sont tous affublés de tics de langages digne de la plus caricaturale des mères maquerelles tout droit sortie d'un film des années 80 : "mon chou", "mon lapin", "mon amour" en voici en voilà, à toutes les sauces dès que l'un des gugusses s'adresse à un autre. C'est soit fatigant, soit limite vulgaire à la longue... Les traits d'humour tombent toujours à plat, d'ailleurs il est souvent précisé que c'est de l'humour... Signe que ça n'est pas drôle (sinon, pourquoi le préciser ?). Néanmoins, effectivement, si ça n'était pas signalé, on ne le remarquerait pas tellement la notion d'humour de l'auteur doit être diamétralement opposée à ce dont je suis habitué...
Donc tous ces gens biens sous tous rapports baignent dans la religion, même les athées, et s'embarquent pour une autre planète après avoir capté des chants venus de l'espace. Chants dont on n'entendra quasiment plus parler tout au long de l'histoire. Il en sera vaguement question dans les dernières pages, histoire de boucler l'histoire, mais ça fait quand même léger.
Ils sont tous agaçants, ils s'adorent tous, aiment passer du temps ensemble, faire des repas, s'inviter les uns les autres, bref, ils sont sans doute comme la famille américaine moyenne telle qu'on la voit dans des films/sitcoms (et conforme aussi aux rares spécimens que je connais personnellement) à ne pas savoir vivre détaché(s) des autres.
Pourtant on voit bien que l'auteur a voulu brosser des personnages dont les caractères diffèrent (Yarbrough, Robichaux...), mais elle ne parvient jamais à s'affranchir de son modèle. Son personnage typique est beau, intelligent, cultivé. Il aime ses semblables et il aime Dieu. Même s'il ne comprend pas vraiment ce que "Dieu" signifie pour lui/elle-même.
Au final l'idée qui sous-tend ce roman pourrait tenir en 2-3 lignes. Une délégation catholique part dans l'espace pour prendre contact (/évangéliser ? Même quand ils disent le contraire, je me permets d'en douter) les auteurs des chants captés de l'espace. Ils y arrivent. Tombent sur une planète abritant 2 espèces intelligentes. Voilà.
200-300 pages de mise en place des personnages. La vie sur place sera vaguement décrite un chapitre sur deux ensuite. L'autre chapitre sur deux sera consacré au procès/débriefing de la mission sur place par l'unique survivant auprès de sa hiérarchie jésuite.
Bon. Admettons. C'est quand même léger pour un roman de SF de ne quasiment pas parler de la planète sur laquelle il nous fait voyager. D'ailleurs, c'est aussi curieux de voir une poignée de gonzes débarquer la fleur au fusil, la bible au coin des lèvres sans s'être vraiment soucié plus que quelques paragraphes de la viabilité du projet : pourront-ils respirer ? pourront-ils manger la flore locale ? Seront-ils mangés par la faune locale ? Rien de tout ça ne leur traverse vraiment l'esprit.
Aussi, quand certains personnages meurent (de ??? on ne saura jamais quoi), on n'est pas vraiment étonné, mais l'absence de raison est quand même curieuse.
Curieuse aussi certains passages. Comme ce personnage (je ne vous spoile pas qui) qui dévoile son homosexualité au beau miliieu du roman... Sans absolument aucune raison. Et sans que ça ne serve à rien ni au niveau de l'intrigue, ni pour le personnage... C'est gratuit. Mais pourquoi balancer ça au milieu ? On dirait que c'est pour traduire le cheminement intellectuel de ses personnages qu'on nous balance plein d'infos, mais la plupart sont inutiles... Ou alors c'est pour qu'il y ait un quota de minorités...
Enfin, la partie du procès d'Emilio est aussi curieuse. Car bon, il faut bien lui tirer les vers du nez comme il est le seul survivant, ok. Il est énervé et pas franchement collaboratif, Ok. Au final, la "révélation" finale est à la fois décevante (on savait tout plus ou moins déjà au début, il y a juste le pourquoi/comment qui nous manquait), et triste.
Ce n'est pas tellement le fait que, gavé de bonnes intentions, Emilio se soit fait abuser malgré lui qui est dérangeant. C'est plus l'attitude de ses pairs qui, tout au long du procès, ont l'air de lui demander s'il ne l'a pas un peu cherché, si la situation ne lui a pas plu. Un peu dégradant comme approche psychologique. A la limite de la "culture du viol" comme attitude, pour de parfaits écclésiastiques, c'est pas terrible.
On n'a pas d'explication non plus pour expliquer que la seconde mission (celle qui a renvoyé Emilio sur Terre et qui est restée sur place là-bas) n'ait plus donné de signes de vie... Dommage.
On a un linguiste polyglotte qui décrypte une langue extra terrestre plus vite que son ombre, et qui n'est pas fichu de comprendre le français (alors qu'il parle couramment espagnol, portugais, anglais, latin, pour les langues les plus proches, et j'en passe pour les plus éloignées)...
Enfin, faire subir tout ça à Emilio juste pour nous dire qu'il en vient à douter de sa foi, à douter de (lexistence/la bonté) de Dieu, c'est aussi léger. Il y a bien des gens dans l'histoire à qui ce genre de truc dégueulasse est arrivé, donc j'ai personnellement du mal à voir en quoi son cheminement intellectuel est original...
Au final, pour un roman qui se veut de science-fiction, on parle beaucoup de Dieu, et relativement peu de la nouvelle planète et de ses habitants (en dehors des quelques pages entre la découverte des chants et le lancement de l'expédition).
Une lecture somme toute décevante, pour un livre que je ne recommanderai pas.
Lisez plutôt "
les croisés du cosmos" de
Poul Anderson, pour une histoire à peu près similaire, qui, bien que capillotractée, est beaucoup plus agréable, et qui assume sa quintessence.
Dans la petite interview disponible après l'histoire, il est stipulé que l'auteur a voulu décrire les contacts entre un nouveau peuple et notre civilisation, un peu comme lors de la découverte des Amériques. Ses personnages reproduisent alors toutes les erreurs qu'il aurait fallu éviter (déjà la première : ne pas ramener son Dieu avec soi pour le fourrer sous le nez des autres, ne pas se pointer avec sa technologie chez un peuple moins avancé technologiquement, ne pas ramener ses microbes avec soi sans savoir ce que ça va faire, ne pas modifier les habitudes de vie locale en important des façons de faire...).
Il est dit quelque part dans cette interview que de (vrais) astronomes et astrophysiciens ont nommé une planète du nom de Rakkat en honneur à ce livre... Je ne comprends pas pourquoi. Les romans de SF ne manquent pas, les bons romans de SF non plus, et il y a quelques oeuvres cultissimes où piocher de l'inspiration sans avoir à taper dans un livre d'une moyenneté assourdissante.