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Critique de Malaura


« Trois p'tits chats, chats, chats, Trois p'tits chats, chats, chats,
Chapeau d' paille, chapeau d' paille, chapeau d' paille, paille, paille,
Paillasson, son, son, Paillasson, son, son,
Somnambule, somnambule, somnambule, bule, bule… »

Qui n'a pas fredonné dans son enfance cette plaisante petite comptine où la fin d'un mot commençait le début d'un autre ?
Construite sur le système du « jeu de kyrielles », « Maraboutdeficelle » enchaînait les mots en reprenant la dernière syllabe du couplet précédent, déroulant ainsi une longue suite d'expressions reliées entre elles par des vocables communs.

Imaginez maintenant un jeu de « Maraboutdeficelle » avec, non plus un enchaînement de mots, mais avec une succession infinie de personnages !
Un jeu de kyrielles comme dans la célèbre chansonnette, mais qui, au lien d'unir les mots par leur résonnance syllabique, relierait les gens entre eux par le fil d'une pensée, d'un sourire, d'un regard, d'une rencontre fortuite dans la rue, d'un évènement, d'un lien familial, amical ou amoureux… Les personnages se répondant comme en écho, se relayant à tour de rôle pour constituer la longue chaîne humaine de la vie.

C'est ce qu'a imaginé Régis de Sà Moreira dans ce roman choral qui offre la parole à une multitude d'individus, du garagiste au psychanalyste, de la caissière à la célébrité, et même de l'animal domestique à la personne décédée, passant de l'un à l'autre avec l'originalité, la tendresse et l'humour qu'il avait déjà manifesté dans « le libraire » ou « Mari et femme ».
Une idée diablement originale, certainement rarement abordée en littérature, que Régis de Sà Moreira développe avec malice et délicatesse pour déployer sur la croûte terrestre cette longue étole de vie qui saura émouvoir, intéresser ou faire sourire, avec simplicité et tonicité.

Livre du changement constant, la vie passe d'un individu à l'autre, tel un fluide spirituel ou sensoriel, générateur de mouvement perpétuel, serpentant comme un long fleuve, une personne en mentionnant une autre qui en mentionne une autre, et ainsi de suite, à l'infini, jusqu'au bout de la vie et même au-delà…
Ce bref ouvrage au concept insolite attrayant ressemble à une gigantesque ronde humaine ou à un immense jeu de domino zigzagant sur toute la surface du globe.

Dans « Mari et femme », son précédent roman, l'emploi d'une narration originale à la 2ème personne du singulier et l'utilisation de la transmutation des corps comme support à l'exploration de la géographie d'un couple, montraient une belle liberté d'imagination de la part de l'auteur d'origine brésilienne, qui témoignait déjà d'un esprit riche et fantaisiste.
Il récidive ici avec la même indépendance d'esprit et la même inventivité en cumulant les tranches de vies ; instantanées passagers et éphémères où chacun prend la parole à la première personne, se révélant en quelques phrases rapides (4, 5 lignes) avant de passer le relai à son prochain.
De ces échantillons d'individualités qui s'alignent en une procession ondoyante sur quelques 120 pages lues dans un souffle, le lecteur acceptera de ne pouvoir s'attacher à aucun, la fugacité des apparitions imposant de les abandonner aussitôt rencontrer. C'est le jeu ; un jeu de kyrielles auquel l'auteur joue de manière expérimentale, en faisant valoir un joli don d'observation et l'intelligence de ne pas appesantir la démonstration plus que nécessaire.
« La vie », en refusant toute hiérarchie des personnages et en déplaçant continuellement le centre de nos existences de l'un à l'autre, montre surtout que nos histoires individuelles ne sont pas bien différentes les unes des autres et qu'elles peuvent toutes être reliées ensemble par le fil invisible d'une connaissance commune, d'un sentiment, d'un partage…

Exercice de style divertissant et sans prétention, le roman de Régis de Sa Moreira ne bouleversera certes pas la littérature, loin de là, mais son concept insolite et son traitement original en font un petit bouquin estival sympathique, dont nous remercions Babelio et les éditions d'au Diable Vauvert de nous avoir offert la lecture en échange de ces quelques notes…
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