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Critique de Yaena


Aux yeux des autres Albane est parfaite, irréprochable sur tous les plans. Jamais prise en défaut. Parfaitement organisée au travail comme dans la vie privée, elle est une référence pour toutes les autres infirmières, organise les vacances au bureau comme à la maison, gère le quotidien, les activités des enfants, l'école et j'en passe.
Un mari adorable et parfait, des enfants parfaits. La perfection jusqu'à l'écoeurement.

On l'envie ou on l'évite ; parfois les deux. Albane d'autorité décide de tout, organise le monde à sa façon prévoit l'imprévu et boute hors de sa vie toute forme d'exubérance ou de spontanéité. Elle excelle dans l'art de la routine et dans celui de l'invisibilité. Albane n'est pas autiste, n'a pas de trouble défini et ne peut pas être rangée dans une case déterminée comme notre société les aime tant. Albane est donc étiquetée normale et priée d'être heureuse et de rentrer dans le rang si elle n'a pas de raison valable pour y déroger.

Mais derrière ces remparts de perfection et de maîtrise Albane ne vit pas. Elle se contente d'avancer. Comme dans une pièce de théâtre, elle joue son propre rôle, prend les pauses de circonstance, lance les phrases qui conviennent. Donne le change, tente de répondre aux attentes de la norme. Toujours dans la maîtrise : ne jamais relâcher son attention. Jour et nuit. Avec ses proches, avec les collègues et les étrangers. Tenir tout le monde à distance pour tenir la souffrance à distance.

Il y a d'abord beaucoup de colère dans le personnage d'Albane. Quelque chose de révolté, de latent, qui ne demande qu'à hurler mais qui demeure contenu. Jour après jour, pas après pas. On sent le roc que rien ne semble pouvoir ébranler et puis c'est la fêlure. Une relation mère-fille douloureuse qui sombre lentement du mauvais côté jusqu'au dérapage. La souffrance qui s'accentue, le dénie, les efforts et la psychanalyse comme porte de sortie ou comme punition ultime.

D'incompréhensions en erreurs d'interprétation tout va mal dans cette famille où chacun fait pour le mieux pour que tout aille bien. Tout le monde y met du sien mais personne ne se comprend. Chacun regarde les autres à travers le prisme de sa normalité et de sa personnalité. L'effort est louable mais maladroit.

Quand sa tour de perfection et de rigueur se fissure, c'est l'univers entier qui vacille et se déconstruit pour Albane. On rencontre Alors une Albane aux antipodes de celle d'avant mais toujours pétrie de douleur et de solitude.
Comment gérer des ressentis exacerbés quand on a toute sa vie mis ses sentiments en veille ? Quand on s'est fui soi-même ? Comment affronter la vérité quand on a enterré profondément ses démons ? Quand on s'est retiré du monde pour qu'il ne nous fasse plus de mal ?
Est-ce le passage obligé pour atteindre le bonheur ? le bonheur ou la norme ?

Ce livre est une plongée dans un abysse de sentiments, de sensations contradictoires, et de questionnements. C'est de la douleur, de l'incompréhension, de la colère et de la tristesse. de la vérité brute sans ménagement et sans atermoiement portée par une plume incisive et d'une précision redoutable. L'autrice frappe là où ça fait mal et offre aux lecteurs un livre magnifique.


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