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Critique de motspourmots


Dominique de Saint Pern aime les femmes fortes, aux destins romanesques et aux personnalités marquantes. Je m'étais régalée avec sa Baronne Blixen, biographie romancée et superbement enlevée de Karen Blixen, dont la vie, de toute façon était un roman. Rien d'étonnant à ce qu'elle se penche à présent sur le cas d'EdmondeCharles-Roux dont la silhouette altière et le regard perçant donnaient un aperçu du caractère et de la trempe.

Pour moi, Edmonde Charles-Roux c'est Oublier Palerme, prix Goncourt de l'année de ma naissance (ça pouvait même être le jour de ma naissance en fait, il faudra que je vérifie), roman lu il y a une quinzaine d'années, lors d'un voyage en Sicile. C'est un (beau) visage familier, lié à Marseille, à Gaston Defferre et à l'Académie Goncourt qu'elle présida durant de nombreuses années. Dans ce livre, l'auteure choisit de se focaliser sur la période qui selon elle a forgé définitivement la femme libre qu'est devenue Edmonde Charles-Roux, bien plus libre que son milieu ne l'y prédisposait malgré un caractère déjà bien trempé. 1938-1945. Années de guerre, années dramatiques, années d'apprentissage et d'émancipation.

En 1938, Edmonde a 18 ans et elle est amoureuse. Fille d'ambassadeur, polyglotte, elle partage sa résidence entre Rome où officie son père et Marseille où se trouve la Villa Serena, propriété familiale. Sa soeur, la belle Cyprienne épouse le Prince del Drago tout en entretenant une liaison avec le gendre de Mussolini. Lorsque la guerre jette la France et l'Italie dans deux camps opposés, la famille éclate. Camillo, le fiancé d'Edmonde est contraint de s'engager et trouvera la mort sur le front albanais. Cyprienne et Edmonde sont séparées. Engagée comme infirmière, Edmonde échappera de peu à un bombardement, juste avant l'armistice. François Charles-Roux rejoint d'abord le gouvernement de Vichy mais renonce lorsque Laval est imposé par Pétain et avec lui, une collaboration ignoble. En digne fille de son père, Edmonde apprend à s'entremettre, à négocier, à intercéder... Sans rien céder de son appétit de vivre.

Ce qui se dessine au fil de ce récit-roman, c'est le portrait d'un certain milieu qui a traversé la guerre avec une forme de fausse insouciance. Un milieu dans lequel on continue à donner des concerts, à jouer des pièces de théâtre, à trouver dans toutes les formes d'art un ultime refuge. Un milieu où l'on continue à donner des fêtes, à skier à Megève. Mais où l'on planque des familles juives dans la cabane du fond du jardin ; où l'on passe des messages à la Resistance. Où l'on utilise tout l'entregent d'années de fréquentations diplomatiques pour agir, même a minima. Et au centre, ce portrait de femme qui se libère et décide, après tout ce cirque qu'elle ne se laissera entraver par aucun lien, fut-il des plus doux.

Encore une fois, Dominique de Saint Pern mène son affaire tambour battant, au rythme d'une héroïne dont on ne peut s'empêcher d'admirer l'énergie. Qui choisira l'écriture, plutôt que le mariage. Et dont la vie, longue et riche prend sa source ici, dans ces années qui ont façonné la femme autant que l'écrivain. Avec un tel personnage, inutile d'en inventer d'autres. Sa vie est un captivant roman.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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