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Critique de LeChatduLivre


Inscrite sur Babelio depuis l'an dernier, j'ai reçu dernièrement un ouvrage à paraître dans le cadre d'un évènement spécial organisé en lien avec l'éditeur, avec rencontre avec l'autrice. Il s'agit du livre, ou plutôt du coffret intitulé Les animotions, par Noémie de Saint-Sernin, illustré par Manon Laugier. Et je dois dire que je suis passablement déçue voire choquée par certains propos tenus.

Parlons d'abord du format. le coffret se compose d'un livre et d'un ensemble de cartes, certaines figurant des besoins, d'autres des émotions, d'autres encore des parties du corps. Elles sont en carton solide et joliment décorées. Les dessins, comme ceux du livret, sont simples mais suffisamment attrayants pour des enfants de 3 à 7 ans, le public cible de ce produit, info mentionnée sur le coffret. A chaque fois les cartes mettent en scène des animaux, girafe, grenouille, ours… Rien à dire sur les cartes, c'est à mon sens la partie du produit la plus intéressante.

J'en viens au livret. Grosse déception : le texte est écrit tout petit, avec un usage déraisonnable du gras, absolument pas adapté à un enfant de 3 à 7 ans !

Pour d'autres pages au contraire, on est sur du remplissage, avec soit beaucoup de blanc, soit une présentation stéréotypée qui revient très trop souvent.

Dans ce dernier cas cela concerne la deuxième partie, qui couvre la moitié du livret. Ici, on nous présente à chaque fois une situation, que l'enfant doit ensuite analyser au regard du ressenti du personnage, puis du sien lors de la dernière situation similaire vécue. La démarche n'est pas mauvaise, mais de là à répéter les mêmes cadres avec les mêmes questions pour chaque cas, honnêtement ça n'a aucun intérêt sinon remplir du papier inutilement.

J'en viens maintenant aux propos tenus. Tout n'est pas à jeter, loin s'en faut. Mais on lit parfois des choses très étranges, voici une sélection :

- p. 19 : « La culpabilité est un sentiment qui te pousse à réparer, à prendre conscience des conséquences de tes actes et à développer des qualités de coeur comme l'empathie, la bienveillance, l'altruisme […] ». Je ne sais pas vous, mais je ne suis pas sûre que mon fils de 9 ans sache ce qu'est l'altruisme, et pourtant il a un très bon bagage en vocabulaire. Autant dire que ça n'est pas adapté à un enfant de 3 à 7 ans. Même chose p. 22 où on lit la liste des hormones du bonheur : dopamine, sérotonine, ocytocine… Là encore je m'interroge sur la pertinence de tout cela : il faut certes leur faire découvrir des mots nouveaux régulièrement, mais ça me semble un peu tôt pour ce type de vocabulaire.
- p. 21 : « Quand elle ne peut pas sortir, l'émotion reste à l'intérieur de toi et elle peut aller jusqu'à fabriquer une maladie ». Sérieusement ? Des propos anxiogènes dans les mains d'un enfant ? Je ne crois pas qu'il faille les élever en mode Bisounours, mais tout de même !
- p. 26 : Koala est en colère et refuse d'accomplir une tâche domestique demandée par sa maman. On lit à la fin de la page « Après cela, Koala réfléchit intensément et décide que finalement, ce serait juste d'aider maman puisqu'elle fait tant de choses pour lui. Et puis, dans une famille, c'est important de s'aider ! ». Certes, c'est important de s'aider, mais je choque sur le terme dans ce contexte : aider maman Koala revient à dire que c'est son job de se fader la vaisselle, le ménage et autre joyeuseté domestique. En 2021 ? Non ! On participe au fonctionnement de la maison, on n'aide pas. Comment peut-on encore mettre des idées sexistes dans la tête des enfants à notre époque ? Dans le même registre, p. 39 on lit l'histoire de Zèbre, qui trouve les filles bizarres. J'imagine que les personnages ont le même âge que les enfants public-cible pour faciliter l'identification, et à cet âge-là un enfant est un enfant, il me semble donc curieux de lire ce genre de stéréotype genré, et dangereux, les enfants ont bien le temps de découvrir les divisions genrées des adultes sans qu'on doive leur fourrer dans la tête.
- p. 28 : « En pleine crise, n'essayez ni de le raisonner (je vous rappelle que la partie rationnelle de son cerveau est immature) ni de communiquer avec lui. Votre présence bienveillante à ses côtés, des mots doux, un ton de voix calme et rassurant sont la clé d'un retour au calme plus rapide ». Donc il ne faut pas communiquer avec l'enfant mais lui parler. Donc communiquer. Alors, c'est oui ou c'est non ? Comment peut-on être aussi incohérente d'une phrase à l'autre ?
- p. 51 : « Attention également aux diagnostics déposés un peu trop vite. Il arrive que certains enfants aient un vrai trouble. Cependant, il y a aussi un effet de mode et l'hyperactivité est trop vite dégainée alors que, dans 95 % des cas, les enfants sont « normalement » agités. D'ailleurs, il suffit pour s'en convaincre de fouiller sa mémoire pour se souvenir de ce frère qui ne tenait pas en place ou de cette cousine qui était particulièrement remuante. » Je crois qu'ici on touche au plus grave dans ce livre. Je suis bien curieuse de savoir d'où l'autrice tient ce 95 %, dans la mesure où elle ne cite aucune source. Ah si, il y a quatre références qui se battent en duel en début d'ouvrage, deux sur les adolescents (un choix judicieux pour un livre qui s'adresse aux 3-7 ans), une sur la psychopathologie (c'est-à-dire les troubles psychiques), une dernière qui date de 2002 (donc plus de vingt ans, ce n'est pas comme s'il n'y avait pas eu des travaux depuis, et ça vaut pour les trois autres référence, toutes antérieures à 2008, l'une remonte à 1997 !). de son parcours universitaire ou professionnel alors ? Eh bien non puisque l'autrice est coach en développement personnel, et je n'ai pas trouvé trace ni d'un cursus en psychologie, ni d'un cursus en médecine (elle nous dit lors de la rencontre Babelio avoir été formée « à l'école de la vie »). Son propos est donc hors sol et c'est d'autant plus grave qu'elle remet en cause un diagnostic médical, qui ne peut être posé que par un médecin. Ajoutons la référence à son enfance (sa fille aînée a la trentaine d'après ce que j'ai retenu de la rencontre Babelio), époque à laquelle on ne diagnostiquait pas les enfants, et c'est encore bien difficile aujourd'hui. Autant dire que c'est un argument qui a autant de valeur qu'une feuille de brouillon.

Vous l'aurez compris, si l'idée est intéressante, on est sur un produit qui n'est pas fini et aurait sérieusement besoin d'être relu, corrigé et approfondi. En l'état actuel des choses, je ne le recommande pas du tout.
Lien : https://mamenthese.wordpress..
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