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Critique de Presence


Ce tome contient les épisodes 23 à 30, initialement parus en 1997/1998, écrits, dessinés et encrés par Stan Sakai, avec un lettrage de Sakai également. Ils sont en noir & blanc. Ce tome bénéficie d'une introduction écrite par Max Allan Collins (auteur de romans policiers et de comics, par exemple Ms. Tree, avec John Beatty).

(1) My father's swords – Miyamoto Usagi quitte le temple du prêtre Sanshobo en y laissant Murakami Gennosuke en convalescence. Il se dirige vers Atsuta, et rencontre Donboro Chiaki, le fils de Donboro Matsuo, un samouraï aux côtés duquel il a servi. (2) The demon flute – Usagi arrive dans un village où les ténèbres s'abattent la nuit, et des crimes sont commis, au son d'une flute, avec le passage d'un tokagé (gros lézard) albinos. (3) Momo-Usagi-Taro – S'apprêtant à manger un gâteau à la terrasse d'une auberge, Usagi voit un jeune orphelin dépenaillé devant. Il lui offre le gâteau, et se retrouve bientôt à en nourrir une ribambelle à qui il finit par raconter une histoire de samouraï né dans une pêche géante.

(4) The case of the hairpin murders – Arrivé en ville, Miyamoto Usagi recherche l'inspecteur pour réclamer la prime pour la capture du brigand Hosuku. En chemin, il se retrouve sur une scène de crime où il fait part de ses observations : un meurtre avec une épingle à cheveux. Il va faire équipe avec l'inspecteur Ishida pour élucider ce meurtre qui implique la troupe de saltimbanques Unagiyama, le chambellan Toyofuku et peut-être même le seigneur Yamahashi. (5) The courtesean – Usagi Yojimbo croise pour la deuxième fois Yoshino, une jeune femme furtive. Puis il contemple comme le reste de la foule, la procession de Dame Maple, la courtisane la plus réputée de la ville, qui lui fait parvenir une invitation. (6) Taméshigiri – Plusieurs rônins se font agresser des soirs différents dans la ville, alors qu'ils rentrent chez eux en sortant d'un débit de boisson. L'inspecteur Ishida mène l'enquête en profitant de l'aide d'Usagi Yojimbo.

Alors que le tome précédent proposait une longue histoire d'un seul tenant, celui-ci propose une suite d'histoires. Néanmoins, le lecteur a le plaisir de trouver une transition faisant la jonction entre Grasscutter et ces nouvelles aventures, en particulier la convalescence de Gennosuke. Cette forme douce de continuité établit que l'auteur prend en compte les conséquences des blessures et des traumatismes pour ses personnages, au lieu d'une simple enfilade d'aventures, aussi vite vécues, aussi vite oubliées. Il dose cette continuité de manière à ce qu'elle ne devienne pas un obstacle à la compréhension, et qu'il soit possible d'apprécier la partie principale des aventures, sans se sentir exclu.

Miyamoto Usagi reprend son itinérance pour essayer de prévenir les dangers potentiels qui pourraient surgir quand il entreprendra ce voyage une fois Gennosuke remis pour mettre l'épée légendaire en lieu sûr. Dès la première page, le lecteur replonge avec plaisir dans cette évocation du Japon au dix-septième siècle. En apparence, cette reconstitution est simple, voire simpliste, avec ces personnages en forme d'animaux anthropomorphes à 4 doigts, cette absence de sang qui coule après une coupure faîte par un sabre, et les expressions quasi comiques des combattants rendant leur dernier soupir.

Dans le fond, cette reconstitution s'avère plus soignée qu'il n'y paraît et ce dès la première page. Au petit matin, Miyamoto Usagi vient de se lever et il fait sa toilette, à côté du puits, pour se laver les dents, avec les moyens de l'époque. Ainsi d'épisode en épisode, le lecteur peut contempler les constructions bois (surélevées pas rapport au sol pour se préserver de l'humidité), les accessoires de la vie de tous les jours, les kimonos, la naissance du kabuki, le raffinement d'une courtisane de haut rang.

Non seulement, Stan Sakai donne à voir de manière simple les caractéristiques matérielles des endroits traversés par Usagi, mais en plus il intègre des éléments culturels et folkloriques de l'histoire du Japon. Il y a bien sûr les samouraïs et les rônins, les seigneurs et leurs chambellans, mais aussi une Hanya (un démon femelle), une flute de bambou, le sort des orphelins, le théâtre kabuki, Narukami le dieu du tonnerre, les courtisanes. Pour cette dernière composante, l'auteur se montre assez habile en en parlant, en en montrant une des plus réputées, sans pour autant s'étendre sur ses compétences professionnelles, ce qui permet de conserver son caractère tout public au récit. Un adulte s'amuse de voir la réaction du personnage principal à son passage dans la rue, la bouche bée comme tous les autres badauds.

Par comparaison avec des tomes précédents, le lecteur n'éprouve pas l'impression de lire une suite de petites histoires sans conséquence. Cela est dû à la forme douce de continuité intégrée par l'auteur, montrant qu'il s'agit bien de journées qui se suivent pour Usagi. C'est aussi imputable à la qualité des histoires et à leur densité. Elles se lisent comme des histoires tout public, facilement, sans être rebuté par des volumes de texte trop importants. Chaque épisode comporte 24 pages dont Stan Sakai tire le meilleur parti. La rencontre du fils d'un camarade de combat place Miyamoto Musagi dans une position d'aîné et d'adulte. Alors que le lecteur n'est pas forcément très enchanté de lire encore une histoire de village hanté par un démon, le scénariste introduit assez d'éléments spécifiques pour qu'il n'y ait pas redite avec une autre antérieure. le passage d'un tokagé albinos représente un élément étrange évoquant un phénomène rare et mystérieux. L'histoire personnelle de la Hanya repose sur un sentiment fort et un drame avec ce qu'il faut de noirceur.

L'intégration du sort des orphelins n'est pas un thème nouveau dans la série. Il est traité avec délicatesse sans misérabilisme, l'histoire montrant la sympathique matrone s'en occupant comme un exemple de bonne volonté, l'orphelinat comme un exemple de solidarité. Stan Sakai a l'art et la manière de conférer ce qu'il faut de personnalité à chaque individu, par le biais de ce qu'il exprime dans ses dialogues, ou dans ses gestes. Il n'y a pas de seconds rôles génériques.

Les 3 épisodes suivants racontent 2 enquêtes de l'inspecteur Ishida. Si Usagi n'est pas relégué au second rôle dans sa propre série, il partage la vedette avec cet inspecteur, personnage effectuant sa première apparition ici. Sakai écrit son polar en incorporant une véritable enquête réalisée par un fonctionnaire de police se heurtant à des difficultés administratives (l'accès limité aux archives), aux intérêts des puissants (le chambellan Toyofuku, le seigneur Yamahashi), à des meurtres dépassant la simple bagarre de rue. Il ne se situe ni dans le sous-genre hardboiled, ni dans celui des romans d'Agatha Christie, (avec grande explication à la fin). Il préfère un juste milieu avec des motifs concrets, des meurtres commis pour l'appât du gain ou pour se venger, impliquant 2 générations, des individus du peuple, comme des puissants. Stan Sakai se révèle être un habile auteur de roman policier.

Tout au long de ces 200 pages, le lecteur apprécie la qualité de la narration. Sous l'apparence de dessins simples à destination d'un public relativement jeune, Stan Sakai raconte son histoire avec fluidité et efficacité. Sa compétence ne réside pas dans des images à couper le souffle, mais dans la façon de narrer avec simplicité et clarté. le lecteur ne s'extasie pas devant un visage affichant une expression d'une subtilité indicible, mais il suit avec facilité l'état d'esprit des uns et des autres, en fonction des circonstances. Les décors ne présentent ni une ressemblance photographique défiant l'entendement, ni une conceptualisation révélatrice de leur structure et ou de leur construction, mais ils présentent une consistance absente de bien des comics. Il y a des décors dans toutes les pages, et bien souvent dans toutes les cases sauf une c'est-à-dire une très forte densité d'arrière-plans représentatifs. Cette implication dans la régularité de la représentation des lieux, des costumes et accessoires apporte un bon niveau d'immersion au lecteur, malgré leur degré de simplification.

Ce treizième tome comporte 6 histoires indépendantes emmenant le lecteur dans le Japon médiéval, aux côtés d'un personnage se comportant en adulte. Sous une forme édulcorée pour pouvoir être lue par le plus grand nombre, Stan Sakai fait preuve d'une grande intelligence narrative, d'une connaissance réelle de la culture japonaise, et d'une sensibilité discrète bien présente.
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