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Critique de domm33


S'il y a un titre qui ne me tentait pas, c'était bien "Le joueur d'échecs", certainement parce que je ne connais pas grand-chose à ce jeu et j'imaginais un livre compliqué, je n'imaginais rien d'ailleurs, je passais à côté.
Et puis, il y a eu les critiques de Chrystèle d'abord puis de Nicola et enfin de Paul...
La nouvelle, adaptée en BD, étant dans ma médiathèque, j'ai tenté une ouverture ;)

Quelle ne fut pas ma surprise, cette BD, écrite et illustrée par Bernard Sala m'a fascinée !

Le narrateur, accompagné d'un ami, discutent à bâtons rompus sur le bateau qui va les conduire de New-York à Buenos Aires en 1941 quand arrive un personnage connu Mirko Czentovic, sous les flashs des photographes et pour cause, il est le champion du monde d'échecs. Presque une aberration car, à part ce don pour ce jeu, Czentovic n'a ni culture, ni intelligence, ni finesse. Il est présenté comme un rustre seulement attiré par l'argent et la "puissance" que lui donnent ses victoires.
Le narrateur veut le rencontrer mais comment faire puisqu'il sort très peu de sa cabine et refuse tout contact qui pourrait révéler son inculture ?

Seul le jeu pourrait le faire sortir, le narrateur et ses amis décident alors de le piéger en organisant une partie.
Apparaît alors Mc Connor, un riche ingénieur écossais, mégalo, qui n'accepte pas de perdre, se trouve des excuses à chaque défaite et demande une revanche systématiquement.
Le stratagème réussit, Czentovic attiré par le jeu, il ne restait qu'à attiser l'orgueil de Mc Connor afin qu'il défie le champion du monde. Ce fut facile.

En même temps, apparaît un jeune homme pour qui le jeu d'échecs n'a aucun secret et qui parvient à parer tous les coups de Czentovic (je ne sais pas si ce vocabulaire convient au jeu d'échecs auquel encore une fois je ne connais pas grand-chose)
Le docteur B, c'est par ce nom que nous ferons sa connaissance, s'avère être un jeune avocat, défendant les avoirs des grands monastères et assurant "la gestion des capitaux de quelques membres de la famille impériale" en Autriche au moment de l'arrivée au pouvoir d'Hitler.
Un homme intelligent et cultivé, arrêté par les hommes de la SS dont il eu a subir, non pas les camps de concentration ni la violence physique mais une torture très insidieuse. Afin de lui faire avouer ses secrets sur l'argent des monastères, il fut enfermé dans une chambre pratiquement vide, dans une grande solitude. Cet isolement destiné à le mener à la folie et à le faire parler allait réussir quand il trouva un objet qui occupa ses pensées. Vous vous en doutez, cela aura un rapport avec le jeu d'échecs ;)

Mais ce qui l'a sauvé de la folie de l'enfermement et qui lui a permis de tenir lors des interrogatoires des SS est devenu une obsession, une véritable addiction le plongeant dans un autre genre de folie.
La conscience de cette addiction le fait hésiter à se mesurer au champion d'échecs...

Il faut beaucoup de talent à l'auteur de la nouvelle, Stefan Zweig, pour arriver à faire passer autant d'éléments historiques et d'émotions dans un texte aussi court (94 pages) et à l'auteur de la BD, David Sala, pour la retranscrire en assez peu de mots.

Cette BD, très bien faite, retranscrit bien la folie dans laquelle peut nous faire basculer un enfermement, la folie aussi à laquelle nous amène une addiction.

Et surtout, le joueur d'échecs nous parle du nazisme, représenté par Czentovic, homme froid, sans imagination, sans intelligence, de la torture morale infligée par la Gestapo, de manipulation psychologique, du pouvoir et de la façon dont Hitler avait anticipé, calculé ses horreurs à venir "Mais bien avant de se lancer à l'assaut du monde, les nationaux socialistes avaient commencé à organiser une autre armée. Dangereuse et disciplinée, dans chaque service, chaque entreprise, leurs espions étaient en place".

Dans cette BD, les illustrations faites d'aquarelles sont magnifiques. Les couleurs, vert et pourpre, assez sobres représentent bien la froideur. Les dessins géométriques, des damiers représentés un peu partout donnent un rendu inquiétant, la représentation de la folie ? de nombreuses planches sans dialogue montrent bien la solitude et l'enfermement. Mais surtout, les visages, caricaturaux et assez spéciaux sont très originaux. Les traits sont bien travaillés pour nous montrer les différentes émotions ou caractéristiques des personnages, j'ai trouvé cela brillant.

Bref, pour l'histoire, cette guerre psychologique (folie, dénonciation subtile du nazisme) de Stefan Zweig et pour la brillante mise en pages de David Sala, voilà mon coup de coeur de l'automne !
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