AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Marie-Nel


La collection "Roman d'un chef-d'oeuvre" aux ateliers Henry Dougier est une collection que j'aime beaucoup. le principe est simple. C'est un récit qui mêle fiction et histoire autour d'une peinture, sculpture ou autre. L'auteur ou l'autrice raconte alors l'histoire de l'oeuvre, en la mêlant à la vie de l'artiste. le narrateur peut être lui-même, ou l'artiste ou la famille de celui-ci. Cela permet d'en apprendre plus sur l'artiste. J'ai ainsi pu lire sur des oeuvres de van Gogh Frida Kahlo, Klimt, Hopper, et ce fut à chaque fois très enrichissant. Je viens de lire et chroniquer celui sorti sur Claude Monet. Celui-ci sur Suzanne Valadon sort en même temps. 

Il va être question de beaucoup d'artistes dans ce livre, avec des noms très connus. Tout d'abord ceux du titre, Maurice Utrillo et sa mère Suzanne Valadon. Je connaissais très peu ces deux personnes avant de commencer ce livre. J'ai été attirée car j'avais justement envie de les connaitre. Et puis, une mère et un fils peintre tous les deux, ce n'est tout de même pas commun. La narratrice est Suzanne Valadon. le début de son récit se situe en 1935, Suzanne a 70 ans. Elle est hospitalisée à Paris, à l'Hôpital Américain, à cause de problèmes de santé dus à son diabète et à son urémie. Elle a également de fortes crises d'angoisse, causées par la nouvelle qu'elle vient d'apprendre, sa meilleure amie Lucie veut se marier avec le fils de Suzanne, Maurice. Suzanne ne sait quoi penser de ce mariage, ils ont tous deux une différence d'âge, elle se sent surtout trahie par son amie. Seule dans sa chambre d'hôpital, elle aimerait que son mari Ütter la rejoigne, mais c'est un mari infidèle qui vient en plus de lui apprendre qu'il veut la quitter pour vivre avec une de ses dernières conquêtes. C'en est trop pour Suzanne. 

Elle va ainsi revenir sur le passé, raconter sa vie et sa relation tumultueuse avec son fils Maurice Utrillo qu'elle a eu très jeune à 18 ans. Elle n'a pas su l'aimer de suite et a préféré le laisser à sa mère qui l'a éduqué. Suzanne est promise à une belle carrière de peintre, elle a posé pour de grands artistes, et cet enfant tombe mal. Elle doit revoir tout son avenir. Elle aura plusieurs amants avant de rencontrer Ütter, dont Degas ou Erik Satie. Mais son fils Maurice va vite devenir un poids, il devient alcoolique très tôt, elle donnera les raisons de cet alcoolisme à la fin. Et en même temps il devient peintre lui aussi, ayant bientôt plus de notoriété qu'elle. Suzanne vacille entre admiration pour son fils et jalousie. Elle se sent incomprise. Elle va beaucoup aider son fils, qui sera interné plusieurs fois et fera une tentative de suicide. Son récit de souvenirs est ponctué par ce qu'il se passe dans le présent, sa décision sur le mariage de son fils et les infidélités de son mari. C'est une femme qui a été fort entourée et qui se retrouve seule dans sa chambre d'hôpital, à parler à des gens qui ne sont pas là. 

Suzanne est une femme de caractère, je l'ai trouvée attachante malgré son caractère tempétueux. Elle n'a pas eu une vie facile, il est en plus très difficile à cette époque là pour une femme, d'être une artiste peintre. On retient plus souvent les hommes. Je connaissais de nom Maurice Utrillo, mais je ne connaissais pas du tout sa mère, alors qu'elle a peint beaucoup de tableaux. Son plus célèbre est "Adam et Eve". Elle n'a pas eu une vie facile, coincée entre un fils malade et un mari volage. J'ai aimé sa sensibilité, son envie de toujours faire mieux, et d'essayer d'arriver à comprendre son fils. Elle m'a également fait de la peine, c'est triste de voir une personne seule et âgée. Elle est morte trois ans après cela. 

Je découvre donc cette artiste grâce à ce livre. Je le dis à chaque fois, mais j'aime beaucoup quand mes lectures ont ce double pouvoir de m'instruire en même temps que me divertir. Sur la couverture de ce livre est représenté un des tableaux de Suzanne qui est un portrait de son fils Maurice. Et à la fin du livre, il y a un autre de ses tableaux, "La chambre bleue", qui est très intéressant à regarder et à voir les messages passés au travers de cette femme allongée sur un lit à la couverture bleue. Elle porte un pantalon, est en débardeur et a une cigarette à la bouche. Une attitude très masculine, pour un tableau peint en 1923, époque d'émancipation pour les femmes, qui veulent sortir de leurs carcans. On retrouve cette idée au travers du récit de Suzanne. Comme à chaque fois que je lis ce genre de livre, je suis allée chercher des infos sur le net, voir d'autres peintures de Suzanne, celles de son fils Maurice, qui ont chacun leurs genres, Suzanne peint des personnages, Maurice aime plutôt peindre des maisons, des bâtiments, des rues. J'ai beaucoup aimé ces recherches et ces découvertes. C'est très enrichissant. 

J'ai été touchée par le récit de Suzanne, que ce soit dans son rôle de femme, d'artiste ou de mère. le choix narratif de l'autrice à la première personne du singulier renforce ce sentiment. J'avais l'impression que c'était Suzanne qui me parlait directement, que j'étais assise à côté d'elle dans sa chambre et qu'elle me racontait sa vie et ses soucis. Cette narration la rend encore plus réelle et humaine. le style de Corinne Samama est très beau, très fluide, la lecture se fait facilement, sans heurts. J'ai aussi apprécié le ton de l'autrice, Suzanne a un franc-parler qui lui va bien, et l'autrice l'a bien retranscrit. Il y a des expressions plus graveleuses, des gros mots, cela rend la lecture très vivante et réelle. Suzanne m'a émue, l'amour pour son fils est infini, malgré les défauts de celui-ci, malgré ses frasques, elle est toujours là, avec lui. Et comme elle dit à un moment, est-ce que l'on se souviendra d'elle autrement que comme la mère d'Utrillo. Je trouve vraiment cela très bien que Corinne Samama ait ainsi choisi cette artiste plutôt que son fils au nom plus connu. C'est lui rendre un bel hommage que de la faire connaitre de tous. En tout cas, je ne l'oublierai pas de mon côté. 

Je suis toujours admirative du travail fait en amont par les auteurs dans ce genre de livres. Corinne Samama a noté à la fin la bibliographie dont elle a eu besoin, et il y a certains titres que j'ai notés pour approfondir cette lecture ci. À la fin du livre, il y a une partie que j'aime beaucoup et qui revient dans chaque livre, cela s'intitule "Regards croisés". Ce sont des extraits de correspondances, d'articles de journaux ou autres écrits qu'on fait des personnalités connues sur le personnage du roman, ici sur Suzanne. L'extrait d'une lettre de Degas est émouvant, l'analyse sur la peinture de Suzanne par un critique d'art est très intéressante, tout comme celle faite par des historiens d'art. Cela apporte un plus au reste du récit. Tout comme les repères biographique où les dates importantes de la vie de Suzanne sont notées et croisées avec d'autres de personnes proches d'elle. 

J'ai à nouveau beaucoup aimé ce livre, tout comme tous ceux que j'ai lus dans cette collection. Si vous ne connaissez pas Suzanne Valadon, je vous invite à faire sa connaissance en lisant ce livre de Corinne Samama. J'ai aimé son style, et sa façon de retranscrire la vie de cette femme et ses émotions. J'ai appris plein de choses. La lecture s'est faite sur une journée, le livre n'est pas très épais, et même s'il avait été plus gros, je crois que je l'aurais lu aussi vite, tellement j'avais envie de rester avec Suzanne et voir ce qui allait lui arriver. Les chapitres sont courts, les phrases sont parfois succinctes, tout dépend de l'état d'anxiété du personnage. Cela donne un récit plus vrai que nature. Je ne peux que vous recommander ce livre, et en même temps toute la collection du "Roman d'un chef-d'oeuvre", vous apprendrez plein de détails intéressants sur les artistes. 

Commenter  J’apprécie          62



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}