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17 décembre 2011
Largement autobiographique, cet ouvrage laisse cependant place à des réflexions politiques sur la Palestine d'hier et d'aujourd'hui.

Je ne peux rendre compte des nombreux chapitres, je n'indique donc que certains éléments politiques, poétiques ou analytiques de ce dictionnaire.

Je partage l'insistance de l'auteur sur le Droit au retour des Palestiniens « un tel droit n'est pas négociable » et j'ajoute qu'il ne saurait être comparé au mythique droit au retour des juifs en Israël. Comme Elias Sanbar, Ilan Pappe et d'autres, il faut affirmer que « La reconnaissance par Israël de sa responsabilité concrète et morale dans la Nakba – l'expulsion en 1948 -, l'admission qu'au cours de cet épisode, les Palestiniens furent les victimes sont les seuls moyens de sortir de l'impasse »

Je souligne aussi les pages sur la « construction de l'histoire délirante », les frontières « il ne suffit pas de passer une frontière dans un sens, il faut pouvoir la repasser dans l'autre », le futur soulagé du passé « pour que ce passé pesant devienne vraiment un passé, que nous puissions nous en séparer sans jamais l'oublier ».

La lectrice et le lecteur trouvera aussi des pages de souvenirs d'enfance, d'autobiographie, des recettes de cuisine, des poèmes de Mahmoud Darwich

« Qui suis-je ? C'est la question que les autres me posent

et elle est sans réponse.

Moi ? Je suis ma langue, moi

et je suis un, deux, dix poèmes suspendus. »

Dans une entrée justement intitulée « Échos et Miroirs », l'auteur raconte une série de quatre histoires qu'il me semble utile de reproduire :

« En 1979, Jean-Luc Godard m'a écrit une lettre. Je la reçus, non de Suisse, mais dans livraison des Cahiers du Cinéma qui avaient confié l'édition de leur numéro anniversaire à mon ami. Godard m'y racontait entre autres comment, dans les camps nazis, les victimes, lorsqu'elles atteignaient le stade extrême du délabrement physique, étaient appelées musulmans, par leurs tortionnaires.

En 1991, professeur invité à l'université de Princeton aux États-Unis, j'ai lu dans la New York Review of Books un reportage traduit de l'hébreu. Journaliste au quotidien israélien Haaretz, l'auteur, qui effectuait son service militaire annuel à la prison centrale de Gaza, y racontait, horrifié, que pour tromper leur ennui, des jeunes gardiens s'amusaient à lancer des ordres en allemand en singeant les gardes SS qu'ils avaient vus au cinéma.

En 1995, Eyad Sarraj, pédopsychiatre palestinien et militant des Droits de l'homme, fit un séjour dans une prison palestinienne pour avoir critiqué la politique de l'autorité nationale. Il me rapporta l'histoire suivante dont il fut le témoin. Torturé depuis plusieurs heures dans une cellule voisine, un islamiste refusait de parler. Excédé et furieux, son tortionnaire se mit à l'injurier en hébreu. Renseignement pris, Eyad apprit que le tortionnaire, ancien prisonnier lui-même, avait été sauvagement torturé dans les prisons israéliennes.

En 2000, j'ai regardé sur une chaine française un reportage tourné dans Hébron placé sous couvre-feu sélectif car seuls les palestiniens y étaient soumis. Interviewé, un jeune soldat chargé de veiller à l'application de la mesure eut cet échange avec le journaliste :

- le couvre-feu ne s'applique qu'aux Palestiniens ?

- Oui.

- Comment faites-vous lorsque vous l'appliquez pour distinguer les civils israéliens des civils palestiniens ?

- Ceux qui ont l'air de Juifs désespérés sont des Palestinien.»

Comment ne pas partager cette pensée de l'auteur « Cette inimitié née dans une totale méconnaissance des uns et des autres est devenue intime. »

le livre offrira mille richesse à l'amoureuse ou l'amoureux du soleil méditerranéen, des passions des vivres ensemble.

Ce qui domine, dans la pensée de l'auteur c'est une tension, un regard ouvert et humaniste vers l'autre et vers le futur « Ce qui me fait écrire aujourd'hui que le jour où les miens auront retrouvé leurs droits, je pourrai enfin connaître une libération pleine, entière, affirmer que je n'ai plus de drapeau », ou dit autrement « construire non lus un récit commun mais un futur partagé. »

Même si ce n'est pas l'objet de ce dictionnaire amoureux, une présentation plus critique de l'OLP aurait donné un point de vue différent sur les palestinien-ne-s en tant qu'actrices et acteurs.

Le livre n'évite pas totalement les reconfigurations mythiques de la mémoire personnelle et collective ou de l'identité nationale. Il reste, de plus, bien silencieux sur les palestiniennes qui ne peuvent être réduites aux Palestiniens (sur ces sujets je renvoie à Christine Pirinoli, Jeux et enjeux de mémoire à Gaza, Editions Antipodes, Lausanne 2009).

A lire aussi d'Elias Sanbar « Figures du palestinien. Identité des origines, identité de devenir, Gallimard, Paris 2004)
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