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Critique de Charybde2


Haletante et matoise, l'essence du roman d'aventure... et de ce que peut être en réalité l'écriture.

Publié en 2005, traduit en français en 2007 par Marianne Millon chez Actes Sud, le deuxième roman du Catalan Albert Sánchez Piñol nous emmène beaucoup plus loin que son déjà très réussi « La peau froide » (2002).

Dans son premier roman, il nous montrait avec un brio rageur sa capacité à jouer avec les codes du roman verno-lovecraftien et avec les rituels romanesques de la survie sur une île (pas si) déserte.

Ici, il s'attaque avec succès à l'essence même de l'écriture romanesque et du roman d'aventures, d'une manière à la fois haletante et matoise qui évoque curieusement, hors tout contexte historique, le talent d'un Iain Banks.

Dans une Londres immédiatement post-victorienne, où la première guerre mondiale approche déjà à grands pas, Tommy Thomson, tout jeune écrivain, survit et apprend les ficelles du métier en réalisant secrètement, pour le compte du nègre de l'auteur à succès Luther Flag, des romans d'aventure à la chaîne, maniaquement scénarisés par le producteur millionnaire de best-sellers. Au décès de son commanditaire, et suite à un scandale au cimetière qui voit Flag refuser de lui confier de nouveaux travaux, Thomson est embauché par un avocat pour écrire les mémoires de son client Marcus Garvey, gitan minable, emprisonné pour avoir – dit-on – assassiné au Congo les frères Craver, deux jeunes nobles bien peu reluisants qu'il y accompagnait dans leur quête de fortune, en espérant que ce récit contribuera, en établissant la vérité et en la faisant partager à l'opinion publique, à l'acquittement de son client.

À chaque entrevue au parloir de la prison, au fur et à mesure que le lecteur prend connaissance, avec Tommy Thomson, des circonstances rencontrées lors du périple dans l'atroce colonie belge, un second roman (« ce qui s'est vraiment passé dans la forêt congolaise ») prend véritablement corps, véritable récit d'aventures où jungle inexplorée, peuple inconnu, terre creuse, amour improbable et sauvetage de l'humanité s'allient en un superbe et passionnant hommage à Edgar Rice Burroughs (dont le premier tome du cycle de Pellucidar et de la Terre Creuse était justement paru en… 1914).

Travaillant parallèlement un incroyable méta-récit sur le rôle judiciaire de ce roman providentiel et sur sa destinée publique, Sánchez Piñol réussit un tour de force de ruse et de mise en abyme de ce que peut être, finalement, une narration – en mobilisant notamment des gaz de combat, de l'observation d'artillerie, une veuve anglaise tenant une pension, un courageux et haut en couleur immigré irlandais, quelques zeppelins agressifs, une épouse de financier suédois et… une increvable tortue sans carapace.
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