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Critique de Syl


La Rochelambert, Bellevue, le Puy, 1843
Il est un château incrusté dans de la roche. Il sort de ce carcan assez fièrement pour s’élever d’une façon dominante, sur des sentes, des prairies, une vallée et un torrent. Cette demeure troglodyte, château de la Renaissance, est le berceau des pères de Jean de la Roche, comte et héritier du domaine.

Jean est un jeune homme de vingt-un ans, assez taciturne, empreint d’ennui, qui aspire à quelques folies et libertés. Sa mère, une femme pieuse, sage et aimante, malgré son rigorisme, l’enjoint de quitter l’Auvergne pour Paris. Leurs revenus sont faibles pour des gens de noblesse, mais elle est prête à desserrer les cordons des finances pour que son fils connaisse les joies de la capitale et ramène en son fief une jeune fiancée.
Dans cette ville, espace de plaisirs, de culture mais aussi de perdition, Jean se sent petit, par son manque d’érudition et sa faible trésorerie. Le peu qu’il a est dépensé sans parcimonie avec des jeunes lurons et des filles de petite vertu. Au bout de trois mois, il se réveille un matin, abruti par cette vie de débauche et songe à sa pauvre mère qui s’est toujours sacrifiée pour lui.
A son retour dans son pays des volcans, il lui demande pardon et se dévoue tout à elle.
Mais son inactivité fait le désespoir de sa mère qui souhaiterait un bon mariage pour son fils…

« – Mon fils, me dit-elle avec un peu plus d’expansion que de coutume, vous vous ennuyez. L’homme ne peut pas vivre seul. Il faut absolument vous marier.
– Peut-être, lui répondis-je : mais d’abord il faudrait pouvoir aimer, et, dans le petit nombre de jeunes filles que nous connaissons et auxquelles je peux prétendre, il n’en est pas une qui seulement me plaise.
– Retournez à Paris ou allez à Riom, à Clermont, au Puy…
– Non de grâce, ne me demandez pas cela. Je me sens si peu aimable, que je craindrais d’aimer et de déplaire.
– Eh bien, voyagez, distrayez-vous, et redevenez aimable. N’êtes-vous pas le maître ? … Quelle femme rêvez-vous donc ? »
A ce sujet, elle aurait bien une petite idée à lui soumettre… A quelques kilomètres de La Roche, une famille anglaise, un veuf et ses deux enfants, s’est installée dans la grande demeure de Bellevue. L’homme est fortuné et d’un abord sympathique. Ses enfants sont un garçon d’une dizaine d’années se nommant Hope et une fille de seize ans du nom de Love. « Amour et Espérance, c’étaient les noms que sa fantaisie paternelle leur avait donnés. »

A quelques kilomètres de chez lui, il est un château appelé Bellevue, sur un parc, bordé par des bois et des eaux. La magnificence des lieux est propriété de Monsieur Butler, un homme savant, épris de sciences botaniques et minérales.
Sur les conseils de sa mère, Jean part alors visiter ses voisins et rencontre les Butler dans les jardins du domaine… Malgré sa grande envie de fuir, il se voit contraint de se présenter.
La simplicité et la bonhomie de Monsieur Butler séduit Jean et l’honnêteté et l’intégrité de Jean enchantent Monsieur Butler qui le convie, dès cette première visite, à sa table.
C’est à l’heure de « la flânerie du dessert », que Jean s’autorise quelques regards sur Miss Love. Plus tôt, dans la prairie, il l’avait observée sous sa voilette de dentelle noire et il avait admiré son maintien sur son poney, sa silhouette fine et gracieuse. A présent, elle évoquait de la douceur, des délices.

« Elle était remarquablement jolie… Sa personne offrait des contrastes et de ces contrastes naissait précisément une harmonie charmante. Elle était plutôt petite que grande, mais elle paraissait grande ; cela provenait de la délicatesse de sa face, de l’attitude élancée de son cou, et de la ténuité élégante de ses formes, à la fois rondes et allongées. Elle me rappela certains bronzes antiques, plutôt égyptiens que grecs, qui semblent avoir servi de type à une époque de la statuaire française… Elle pouvait se passer d’avoir un joli visage. Sa personne seule constituait une beauté de premier ordre. »
La demoiselle intimide Jean. Elle semble moqueuse, insensible et surtout très érudite, mais parfois elle lui adresse des petits regards francs et aimables. C’est le coup de foudre !
« Douce et absolue ! pensais-je. C’est un peu comme ma mère ; mais il y a ici la grâce et l’animation qui dérangent toute comparaison. »

Ne souhaitant pas être pris pour un coureur de dot et étant respectueux des convenances, Jean demande par l’entremise du notaire Maître Louandre, la permission de venir régulièrement à Bellevue. Ses sentiments évoluent bien vite. Il voudrait la couvrir de caresses et sa passion devient obsédante. Près d’elle, il se montre amical et déférent, jouant le rôle du chevalier. Il l’aime, il l’admire, et imagine le mariage sans tarder. Love est jeune, très belle, riche et intelligente, il ne faudrait pas qu’un Junius Black, un jeune scientifique attaché à la famille, la lui ravisse.
On lui impose alors un bémol à cette union. Love a juré à sa mère sur son lit de mort, de rester toute sa vie près de son père. Cet ultimatum est loin de plaire à Jean, mais le jeune homme est si amoureux qu’il se sent capable de quitter sa mère, son domaine et son pays. Il est heureux et il le clame… Jusqu’au jour où, pour une raison familiale, la mariage n’est plus d’actualité. La famille Butler quitte Bellevue pour l’Angleterre, laissant Jean de La Roche inconsolable.

Cinq ans après… Il la revoit… Mêmes lieux, mêmes personnages, mais conjonctures différentes…
« J’avais vingt-sept ans, et je vivais avec cette blessure, qui saignait de temps en temps d’elle-même, et que de temps en temps aussi je rouvrais de mes propres mains, pour ne pas la laisser guérir. »

Cette belle histoire d’amour est un petit plaisir… George Sand la raconte avec tout le romantisme de son époque, mêlant avec finesse un peu d’humour à la passion des sentiments exacerbés qui nous sont rapportés par Jean, le narrateur. Elle souligne toujours bien habilement les conditions de vie de son temps et peint de très beaux tableaux des campagnes. Dans ce livre, ce sont des régions sauvages et rudes comme le basalte. Nous sommes transportés du Puy à la Roche-Vendeix, dans Le Mont-Dore.
Je vous recommande cette lecture qui j’espère vous ravira.

« Après une grippe à rechutes, et fuyant la polémique suscitée par la publication d’Elle et Lui, George Sand, accompagnée du fidèle Manceau et de l’actrice Bérengère, quitte Nohant le samedi 28 mai 1859, pour un périple d’un mois à travers l’Auvergne et le Velay… Les lieux du roman sont fidèles aux notes de voyage de George Sand, non seulement dans leur réalité objective, mais aussi dans leur caractère, dans l’impression ressentie. Ainsi retrouve-t-on, par exemple, dans le roman, cette « tristesse solennelle et majestueuse » que George Sans avait notée dans les bois de pins près de La Chaise-Dieu. L’âme des paysages impressionne tout autant George Sand que leur pittoresque et, pour éviter que les parties descriptives ne paraissent trop plaquées sur le récit, elle s’efforce de faire coïncider le caractère du paysage avec celui du personnage ou de la situation… »
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