- Rachel, chérie..., protesta-t-il d'un air ennuyé. Je ne suis qu'un homme. Un homme de trois cents ans, certes, mais un homme tout de même. Pour moi, c'est de la fondue.
Ce qui la fit bien rire.
- Bordel ! (L'exclamation de Pudge tira Rachel de ses pensées. Après avoir gravi l'escalier, ils se tenaient dans la cuisine, devant la porte donnant sur le jardin.) J'avais oublié que tu ne supportes pas la lumière du jour, expliqua-t-il.
Rachel se sentit soudain plus légère. Une courte exposition au soleil ne pouvait pas lui faire grand mal, mais pour rien au monde elle ne lui aurait révélé.
-Dans ces conditions, suggéra-t-elle, vous pourriez peut-être me laisser ici et...
Elle ne put en dire davantage. En la tirant derrière lui, il rejoignit la table de la cuisine. Elle ne comprit ce qu'il avait en tête qu'en le voyant arracher la nappe d'un geste sec, envoyant un vase de fleurs se fracasser sur le sol.
- Vous n'allez tout de même pas... (Rachel poussa un gros soupir. Il venait de lui installer la nappe sur la tête.) Et si..., conclut-elle avec fatalisme. Vous l'avez fait.
A présent, elle avait non seulement un couteau sous la gorge, mais elle était incapable d'y voir quoi que ce soit.
Oh ! Merci beaucoup, mon pote ! s'emporta-t-elle.
Parfaite logique masculine : me tuer pour me sauver... Je suppose que je dois quand même dire adieu à mes vacances à Hawaï. Mince ! Et moi qui venais de me trouver un petit maillot qui ne me fait pas ressembler à Godzilla...
Sans s'attarder davantage, Rachel contourna Bastien et sortit de la piece, laissant Etienne contempler stupidement sa sortie. En séducteur impénitent qu'il était, il ne lui avait pas dit un mot de son apparence. Il comprit alors qu'il ne suffisait pas d'avoir accumulé des siecles d'existence et de connaissances poru ne pas etre un idiot de premiere classe.
- Bien joué frerot..., ironisa Bastien, tout sourires. Je constate que ta légendaire langue de velours est toujours aussi efficace.
Etienne poussa un grognement et s'affala en se prenant les pieds dans une chaise.
- Je ne suis pas réel?
- Non, absolument pas. J'imagine seulement que vous l'êtes. En réalité, vous êtes toujours allongé sur ce chariot, bel et bien mort.
Un sourire fleurit sur ses lèvres, tout aussi charmant que le reste de sa personne.
- Comment le savez-vous? demanda-t-il.
- Les morts ne se redressent pas pour parler, expliqua-t-elle patiemment. S'il vous plaît, rallongez-vous à présent. Je sent que la tête commence à me tourner.
- Mais si, après tout, je n'étais pas mort?
Cela la laissa un instant sans voix. Puis Rachel se rappela qu'elle était fiévreuse et qu'il ne pouvait être réellement assis sur ce chariot. Elle décida de le lui prouver en s'avançant vers lui pour lui décocher un coup de poing, s'attendant à ne rencontrer que le vide. Au lieu de cela, ses phalanges percutèrent un menton bien dur et on ne peut plus réel. Le mort lâcha un cri de surprise et de douleur mêlée, mais elle le remarqua à peine, trop occupée qu'elle était à bondir de nouveau en arrière en criant de plus belle. Sa main lui faisait mal mais elle s'en fichait. Le cadavre vivant était en train de s'asseoir sur le bord du chariot.
Je prendrai soin précieusement de ton coeur chaque jour qu'il me sera donné de vivre.