Citations sur De purs hommes (120)
Ils parlaient, si on peut appeler ces phrases sans origine ni but, ces monologues inachevés, ces dialogues infinis, ces murmures inaudibles, ces exclamations sonores, ces interjections invraisemblables, ces onomatopées géniales, ces emmerdants prêches nocturnes, ces déclarations d’amour minables, ces jurons obscènes.
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Je voulais m'endormir ivre de jouissance. C'était raté. Il faut toujours sur cette terre une voix charitable qui vous veuille le plus grand mal : vous ramener à la sobriété. Elle insistait : "Elle est presque dans tous les téléphones du pays. Il paraît même qu'une chaîne de télé l'a diffusée avant d'être interrompue..."
Pas le choix : je revins donc à l'espace de ma chambre, où flottaient les senteurs d'aisselles en sueur et de cigarettes, mais où surtout régnait, étranglant les autres odeurs, l'empreinte appuyée du sexe, de son sexe. Signature olfactive, je l'aurais reconnue entre mille autres, celle-là, l'odeur de son sexe après l'amour, odeur de haute mer, qui semblait s'échapper d'un encensoir du paradis... La pénombre s'accroissait. L'heure était passée où l'on pouvait encore prétendre la donner. Nuit.
Le système ne concerne pas que le Sénégal : chaque peuple de chaque pays du monde accuse l’étranger, le barbare, d’être la cause de sa décadence. De ce qu’il croit être sa décadence.
Les homosexuels…. C’est parce qu’ils sont aussi seuls, aussi fragiles, aussi dérisoires que tous les hommes devant la fatalité de la violence humaine, qu’ils sont des hommes comme les autres. Ce sont de purs hommes parce qu’à n’importe quel moment la bêtise humaine peut les tuer, les soumettre à la violence en s’abritant sous un des nombreux masques dévoyés qu’elle utilise pour s’exprimer :culture, religion, pouvoir, richesse, gloire….
Oui, nous sommes fondamentalement seuls, et, sans la communauté de solitudes que forme et nous offre l’humanité, aucun de nous ne tiendrait un round contre lui-même.
Un secret qu'on se dit, qu'on se dit à soi-même sous une forme claire, est déjà perdu.
La rumeur rapportait donc des faits exacts, mais leur interprétation, leur signification, les conséquences et conclusions qu'elle en tirait ne disaient pas la vérité. Elle touchait à la vérité factuelle, mais manquait totalement la dimension métaphysique.
Dans la foule, on est quelqu’un et n’importe qui.
"La foule réhabilite l'humaine condition, faite de solitude et de solidarité; elle offre la possibilité d'un aparté avec tous les hommes. Dans la foule, on est quelqu'un et n'importe qui." p.30
De toute façon, les Sénégalais se foutaient de ce décalage entre vie privée et vie publique. Ce qu’ils savaient sur Samba Awa leur suffisaient. S’il se comportait en homosexuel aux yeux de tous, c’était sans doute qu’il était homosexuel en privé vu que, ici, un homme ne fait que ce qu’il est. (p. 112)