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Critique de Enroute


C'est une des premières études de Sartre mais elle est citée par Merleau-Ponty dans sa Phénoménologie de la perception. On y sent l'influence de Heidegger et de Husserl.

Les psychologues ont tort de considérer l'émotion comme si elle "existait" par elle-même, une chose extérieure au monde qui s'ajouterait comme une pathologie et serait à traiter par soi-même. L'émotion n'est à comprendre qu'en rapport à sa signification, c'est-à-dire son rôle dans l'engagement de l'être dans le monde. En l'occurrence, c'est la lutte contre l'échec qui fait naître l'émotion, quand l'individu sent des contraintes extérieures qui réduisent son intention, son engagement, son action dans le monde.

Pour justifier l'impossibilité d'atteindre la chose, pour le confort d'abandonner l'effort de conserver la confiance d'autrui, pour marquer le refus de l'adaptation intellectuelle imposée par l'environnement, l'individu crée une émotion où ses désirs deviennent des réalités : ce n'est pas que je ne peux atteindre ce raisin pour le manger, c'est que je suis en colère qu'il ne soit pas mûr ; ce n'est pas que la relation affective est une conquête de tous les jours, c'est que je suis joyeux de déjà posséder le corps de l'autre ; ce n'est pas que l'avenir impose que je change ma mentalité, c'est que je suis triste que le monde coure à sa perte...

L'émotion est un monde, comme il existe le monde du rêve : un monde magique ou je ne déteste pas Pierre, mais où Pierre est haïssable. C'est fantastique, tout ce qui m'entoure prend les qualités que je distribue selon mon envie. Le monde de l'émotion enferme et isole du monde objectif, il est la perte de la liberté, il est une fascination où se complaît la conscience. Soit.

Mais alors comment vivre sans émotions et qu'aurais-je à faire dans un monde où mon intention ne s'attache à rien, ou plutôt considère tout uniformément : est-ce que ce ne "serait" pas un monde d'une extraordinaire grisaille ?... Ce n'est pas ce qu'on demande : contre l'émotion, il y a l'action. Agir pour se détromper, agir pour comprendre, agir pour connaître. En un mot, prendre l'émotion comme prétexte pour vivre, pour s'engager, pour être libre, pour exister.
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