Toutes les émotions ont ceci de commun qu’elles font apparaître un même monde, cruel, terrible, morne, joyeux, etc., mais dans lequel le rapport des choses à la conscience est toujours et exclusivement magique. Il faut parler d’un monde de l’émotion comme on parle d’un monde du rêve ou des mondes de la folie. Un monde, c’est-à-dire des synthèses individuelles, entretenant entre elles des rapports et possédant des qualités. Or toute qualité n’est conférée à un objet que par un passage à l’infini. […] les qualités que l’émotion confère à l’objet et au monde, elle les leur confère ad aeternam.
On ne peut comprendre l'émotion que si l'on y cherche une signification.
Nous appellerons émotion une chute brusque de la conscience dans le magique. Ou si l'on préfère, il y a émotion quand le monde des ustensiles s'évanouit brusquement et que le monde magique apparaît à sa place.
III. Esquisse d'une théorie phénoménologique.
... un visage grimaçant apparaît soudain et se colle à la vitre de la fenêtre ; je me sens envahi de terreur.
... le sujet joyeux se conduit assez exactement comme un homme en état d’impuissance.
L'émotion de tristesse active en ce cas est donc comédie magique d'impuissance, le malade ressemble à ces domestiques qui, après avoir introduit des voleurs chez leur maître se font ligoter par eux, pour qu'on voie bien qu'ils ne pouvaient pas empêcher ce vol.
Cette femme a la phobie des lauriers. Voit-elle un massif de lauriers, elle s’évanouit. Le psychanalyste découvre dans son enfance un pénible incident sexuel lié à un buisson de laurier. Que sera donc ici l’émotion ? Un phénomène de refus, de censure. Non pas de refus du laurier. Un refus de revivre le souvenir lié au laurier. L’émotion ici est une fuite devant la révélation à se faire, comme le sommeil est parfois une fuite devant la décision à prendre, comme la maladie de certaines jeunes files, et pour Steckel, une fuite devant le mariage. Naturellement l’émotion ne sera pas toujours évasion.
...l’origine de l’émotion c’est une dégradation spontanée et vécue de la conscience en face du monde. Ce qu’elle ne peut supporter d’une certaine manière, en s’endormant, en se rapprochant des consciences du sommeil, du rêve et de l’hystérie. Et le bouleversement du corps n’est rien autre que la croyance vécue de la conscience, en tant qu’elle est vue de l’extérieur.
... une émotion renvoie à ce qu'elle signifie.