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Critique de Er-et-cel


Excellent livre que je conseillerai à ceux qui veulent découvrir la littérature québécoise.
Comme l'histoire se passe en Abtibi-Temiscamingue (respirez et relisez lentement..), région lointaine et sauvage du Québec, du moins pour le citadin que je suis.. Je pensais qu'on allait faire un peu de tourisme, visiter les mines, apprendre l'histoire de ses habitants, de ces colons arrivés de partout pour travailler dans les mines.. Lorsqu'une histoire se passe dans un coin invraisemblable ou moindrement exotique, c'est habituellement ce que font beaucoup d'auteurs. Ils brodent sur l'histoire, la géographie etc.. Cela n'empêche pas de faire un bon roman, mais on voit bien la grosse ficelle qui permet de noircir du papier. De plus, Jocelyne Saucier ayant été journaliste en Abitibi, je la voyais bien venir, la coquine..

Eh bien, Walou! Nada! Peau de zébi! Que dalle. Rien pour le touriste littéraire cette fois-ci.. L'auteure a concentré tout le récit sur un drame familal, sans détour, sans finasseries et ceci dès le premier chapitre. On ne parle que de cela. Au bout de 2 pages, on sait déjà qu'un truc bizarre s'est passé autrefois et que ce truc, ceux qui l'ont vécu veulent le cacher, l'oublier, ne jamais en parler. Voilà pour le suspense.
Ceux qui croient avoir déjà deviné de quoi il retourne en lisant le résumé de l'éditeur ou des autres babeliotes, à mon avis, se mettent le doigt dans l'oeil probablement. Parce-que madame Saucier sait y faire.. Il va falloir attendre la fin, la toute fin pour avoir la bonne version du truc.

Cependant, comme souvent, l'intrigue maintient l'attention du lecteur mais ne constitue pas le seul intérêt de l'histoire. Les héritiers de la mine, c'est également une sorte de manuel de survie pour les enfants de familles nombreuses. Au sein d'une famille de 21 enfants et dans une maison de 3 pièces, on n'a rien à soi, aucun biens personnel. On partage tout, le lit, le canapé, les jeux, les peines. Le matin on s'habille avec ce que l'on trouve, ce que les autres n'ont pas encore pris.. Ce n'est d'ailleurs plus tout à fait une famille mais un clan, une horde voire une harde.. et on a beau être frères et soeurs, être unis, solidaires et solides face aux étrangers, il y a quand même un chef, des lieutenants, des exécutants. Gare à ceux qui ne respectent pas la hiérarchie secrète, les valeurs du chef, les codes du groupe!

Et que dire des rapports entre enfants et parents! Des parents inexistants tellement ils sont occupés à travailler pour nourrir la meute bruyante et remuante. Les plus jeunes sont pris en charge par la soeur ainée pas par la mère, épuisée. On s'habitue à ne pas voir les parents, ne pas leur parler, mais s'habitue t-on au manque de tendresse maternelle ? A l'absence de sourires rassurants avant de s'endormir ? Là aussi Jocelyne Saucier réussit bien son coup. Certaines pages sont poignantes sur le sujet.

En fermant le livre, je me disais qu'une famille de 21 enfants c'est une aberration, c'est énorme, ça ne se rencontre pas ou en tous cas, ça ne se rencontre plus chez nous mais cette amplification, cette démesure n'était peut-être qu'un artifice littéraire après tout, pour mettre en valeur ce qui existe ailleurs, dans des familles réelles mais de moindre importance. C'était peut-être cela que l'auteur voulait aussi nous montrer, mais ce n'est que mon fantasme, probablement.
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