Citations sur À la recherche de New Babylon (19)
Je le vois dans leurs yeux, qui se disent : celui-là il va finir pendu, il brave la loi rien que pour braver la loi.
Ça me dérange pas de respecter la loi des fois. Même en l’ignorant, des fois ça arrive. Si vous saviez le nombre de lois que vous respectez en ne faisant rien
(p. 268)
J’ai pas appris grand-chose au cours de ma vie mais je sais que les idées les plus brillantes viennent en marchant et les plus horribles en dormant.
(p. 224)
La vérité n'a aucune espèce d'importance quand tout ce qu'on a pour se divertir, ce sont les histoires des autres.
Plus il écrivait des sermons moins il avait envie de les faire entendre. Sans effort, il glissa vers le silence
Russian Bill avait l'oreille fine et savait reconnaître à leurs intonations les différents événements qui impliquaient des armes à feu. Son bas, sourd et répétitif, en plein jour : gamins qui cherchent à tuer un serpent. Sifflant et répétitif, la nuit : ivrogne qui tente de viser la lune. Deux coups rapprochés suivis d'un silence, puis d'un troisième coup : fusillade entre deux hommes. Coup unique, suivi d'un silence : homme de loi qui lance un avertissement en tirant dans le plafond. Coup unique, suivi d'un cri étouffé : assassinat.
Pendant la belle saison, la terre tremblait à Dodge City. Les rues étaient envahies par les troupeaux de bétail qui piétinaient le terrain, un déferlement de sabots qui filaient dans le même sens, comme s'ils accouraient vers l'Arche alors qu'en réalité ils se dirigeaient vers le wagon de train qui les mènerait à l'abattoir.
Chaque nuit, le vacarme des beuglements laissait place à une cacophonie mêlant accordéon, piano, cris de joie et bruits de verre éclaté. Les tavernes et les maisons de jeu étaient pleines à craquer de vachers vêtus du cuir de peau tannée prélevée sur d'autres animaux que ceux avec qui ils avaient passé de longs mois en tête à tête. Des hommes qui n'avaient plus grand-chose d'humain excepté les chansons qu'ils sifflaient pour remplir le silence des plaines et la photo élimée d'une bien-aimée ou d'une actrice qu'ils gardaient pliée au fond de leur poche. Des hommes qui se réjouissaient tant de retrouver la civilisation qu'ils s'empressaient de la démolir et qui, comme les bêtes, ne pouvaient être ramenés à l'ordre que par les coups de feu.
— Si vous pouviez choisir votre mort, elle ressemblerait à quoi ?
Vous pouviez parler avec un homme pendant des heures, de ce qui l'avait amené là où il était, de ce qu'il venait chercher. De la façon qu'il rêvait de vivre. Mais le Révérend avait depuis longtemps compris que le meilleur moyen de dégoter les êtres d'exception était de leur demander comment ils rêvaient de mourir.
Lee haussa les épaules.
— J'suis trop jeune pour penser à ma mort.
— Moi j'ai toujours rêvé de mourir dans le désert, dit le Révérend. N'y a-t-il pas plus honorable façon de s'éteindre que de mourir de soif là où il n'y a rien ? De s'effondrer là où il n'y a pas d'ennemi, pas d'épidémie, ce qui revient à être fauché par la main de Dieu en personne ? Le désert ne nous veut pas de mal, mais il reste pour nous un adversaire hors de portée.
Je souhaite sincèrement, quand vous serez mort et que vos nombreux amis qui vous auront enterré seront morts aussi, que vous tombiez dans un oubli proportionnel à l'attention démesurée que vous aurez accaparée de votre vivant.
— Ici, ce sera le cimetière, déclara-t-il.
C'était une des choses que Pearl aurait pu lui reprocher par la suite, d'avoir projeté le cimetière en premier. Il n'avait pas clamé : "Voilà qui fera un bel endroit pour une ville !" Non, il avait dit : "Voilà qui fera un bel endroit pour un cimetière." Et pourtant, la lucidité n'était jamais loin derrière les absurdités que balançait Bill. Chaque ville avait sa cité jumelle ; une pour les vivants, une pour les morts. D'un côté comme de l'autre, on retrouvait les mêmes noms de famille.
Il fit quelques pas encore, s'accroupit et retira son chapeau. Ses cheveux étaient aplatis sur son crâne, des frisottis volaient au gré du vent au-dessus de ses oreilles. Il gratta de la terre sèche avec son canif, en prit une pleine poignée avec sa main droite. Il se releva puis se retourna vers Pearl.
— Bienvenue à New Babylon !
Monument était une ville qu'on aurait pu déposer n'importe où. Elle n'était enracinée dans aucune histoire, assise sur aucune ressource. Elle existait uniquement parce que la compagnie de diligence avait besoin d'un poste de ravitaillement entre Grinnell et Gopher. Celle-ci avait décidé d'y créer une station où les voyageurs auraient le loisir de scinder leur trajet pour se reposer en plein milieu. Monument était donc une destination qui existait sur les billets, mais où personne ne cherchait à se rendre.