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Critique de Leponeynoir


Cette pièce sublime, composée selon la partition d'Alban Berg, retrace des destins qui, telles les mélodies d'un quatuor à cordes, se disperseront et s'entrecroiseront au gré des inspirations d'un destin inspiré et cruel.

Au menu de ce chef-d'oeuvre, on trouve Kurt Lewenstein, un compositeur viennois hanté par la disparition d'une partie de ses proches dans l'Holocauste; Barbara Peterson, une artiste américaine avant-gardiste débordante d'énergie; Stanislas Skoliniski, une figure médiatique polonaise à la personnalité ambiguë, avec sa compagne Leslie; Mireille Jourdan, une provençale étrange au comportement énigmatique... sans oublier le narrateur qui, sans être totalement partie prenante à l'histoire, nous confiera d'un ton parfois familier ses impressions.

Ces destinées d'abord parallèles vont être amenées à se rencontrer puis, devrais-je dire, à s'entrechoquer... et pour partie d'entre elles, finalement, à se briser.

Il y a le couple flamboyant, le duo Lewenstein-Peterson, soudé par un violent coup de foudre. Son itinéraire à travers la New-York effervescente du début des années 80, puis la vieille Europe, servira de base à une réflexion sur la culture, la musique, l'architecture, mais aussi l'antisémitisme latent dans les pays allemands et la Shoah, le tout rythmé par des passages d'un érotisme torride.
Sur fond de paysages bavarois et autrichiens peuplés d'églises baroques, nous sont révélées les impressions d'une américaine découvrant l'Europe, les opinions tranchées et conservatrices de son amant en matière de musique classique, ses désaccords avec les innovations de Boulez, ainsi que sa vaste culture générale qui envoûtera sa maîtresse... sans oublier sa fascination teintée d'une sensualité quelque peu perverse pour une toile de maître.

Un autre couple, formé par Stanislas Skoliniski et Leslie, est installé dans une confortable villa de Provence. Ce seront d'ailleurs les seuls personnages rencontrés par l'auteur, lequel nous révèlera ses soupçons sur Skolinski, prompt à tirer profit de son statut social mais se déclarant très concerné par les événements politiques qui secouent son pays natal.

Il y a enfin Mireille Jourdan, qui, après une vie d'apathie et une morne existence conjugale auprès d'un mari tyrannique, découvrira sur le tard les vertiges de l'amour physique et s'y lancera à corps perdu.

Après des débuts enchanteurs, conformément aux lois de l'entropie, s'enchaînera le largo desolato. Des discordances fatales apparaîtront, d'abord entre un Kurt Lewenstein tourmenté par le passé juif de sa famille persécutée et une Barbara Peterson, romantique et insouciante, immergée dans les images de rêve de Sissi Impératrice... puis entre Lewenstein et Skoliniski qui s'affronteront âprement au sujet de la question palestinienne...

Un crépuscule des Dieux servira de final à cette oeuvre, dans une chute où catastrophes et échecs se succèderont avec des accents de sado-masochisme. La conclusion, amère, ne sera finalement que la traduction d'un Schiksal implacable.

Cette histoire à l'architecture vertigineuse m'aura fasciné. C'est un livre de passions et de haines, assorti d'une réflexion profonde sur notre histoire, avec une approche tout à la foi exigeante et charnelle de l'art. Une épopée proprement tragique. Et pour tout dire une oeuvre d'initié.
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