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Critique de aa67


Moi aussi j'aurais aimé avoir un Dadé qui me fasse aussi joliment découvrir les oeuvres d'art et la beauté du monde. Art et émotion entremêlés.

Les artistes nous parlent et nous sommes peu nombreux à les écouter. Voilà ce que Thomas Schlesser aimerait nous faire comprendre au travers de ce joli roman.
Dès le début du roman il se passe un phénomène qui nous touche. Une toute jeune fille de 10 ans perd, de manière inexpliquée, la vue pendant 73 longues minutes. Il y a de fortes chances qu'elle perde la vue dans l'année qui suit.
Mona est une fille vivante et en pleine santé jusqu'à ce moment diabolique où elle perd la vue durant un temps non négligeable. le pédiatre spécialiste en la matière n'ayant pas réussi à poser un diagnostic franc, il a pour tout conseil d'avoir une bonne hygiène de vie, un suivi médical régulier et le soutien auprès d'un pédopsychiatre.
Camille, la mère de Mona travaillant, elle se tourne vers son père Dadé Henry Villemin pour accompagner sa petite fille tous les mercredis après-midi chez le pédopsychiatre de son choix.
Henry est totalement fou de sa petite-fille et lui propose un deal, faire les musées plutôt que la consultation psy et lui montrer une oeuvre par semaine.
Commence alors ce joli parcours initiatique qui va affuter, peu à peu, la perception que Mona va se faire d'une oeuvre d'art. 52 mercredis pour 52 oeuvres d'art essentielles. Botticelli, Léonard de Vinci, Michel Ange, Goya, Rembrandt, Camille Claudel, William Turner, René Magritte, Frida Kahlo, Edouard Manet, Paul Cézanne, Antoine Watteau Johannes Vermeer, Pierre Soulages et tant d'autres vont être approchés par la lecture d'une de leur oeuvre essentielle. Mona et Dadé Henry vont se promener dans les musées du Louvre, d'Orsay ou de Beaubourg.
Chaque chapitre sera prétexte au décodage d'une oeuvre, au message qu'elle contient, à une réflexion sur la vie ; et pourquoi pas une forme d'initiation à la sagesse, à la philosophie, à l'histoire de l'art.
La découverte de chaque oeuvre se fait selon la même approche : d'abord regarder silencieusement le tableau durant quelques longues minutes où couleurs, formes et matières émergent, laisser s'évader l'esprit, puis y mettre des mots, en parler. Certains des messages sont à lire entre les lignes. La représentation est le fondement même de notre civilisation (comme le dit si bien Richard Malka dans l'article publié par un hebdomadaire), mais la visée de l'artiste est tout aussi importante à connaitre. Et ça, Thomas Schlesser le relate intelligemment par le mode d'observation que le grand-père a instauré.
Dadé est un octogénaire plutôt atypique, rude, mais l'amour qu'il voue à sa petite-fille, passe avant tout le reste. Il tient à ce qu'elle ait pu voir toute la beauté du monde avant que la cécité ne s'installe.
Emotion, passion et effet « Carpe Diem » sont omniprésents.

Pour amener la touche romancée, Thomas Schlesser y entrelace une histoire familiale cousue de secrets de famille enfouis et traumatiques. Il nous prouve à quel point le poids du passé peut peser sur les générations suivantes.
Le thème de l'euthanasie, imbriqué dans l'histoire familiale, est tout aussi judicieusement traité. Thème qui m'est d'autant plus cher que je trouve que bien trop de professionnels - de santé entre autre - se disent légitimes dans le choix d'un acte qui ne regarde que la personne en grande souffrance et qui appelle au secours.
Ces deux derniers thèmes sont, pour moi du moins, largement aussi admirablement traités que le thème de la lecture d'une oeuvre d'art.

J'ai préféré lire ce roman en plusieurs fois, ressentant parfois le besoin de prendre un livre d'art pour aller plus loin dans le décryptage de Thomas Schlesser. Ce livre éveille notre curiosité, en tout cas celle de personnes qui ne sont pas du métier, pas des pros en matière d'histoire de l'art. Il peut être jugé trop superficiel pour les spécialistes d'art, mais il fait un bien fou aux non initiés. Cette dernière publication, contrairement aux précédentes de Thomas Schlesser, est un roman et non un livre d'art.

A noter également ce merveilleux support de lecture qu'est la jaquette des 52 oeuvres. Elle est disjointe du livre à proprement parler, mais devient indispensable au fil de la lecture.

Citations :

« Entre Henry et Mona, il y avait désormais la nostalgie des secrets. C'est si grand, c'est si bon d'enchâsser dans la réalité une réalité autre, où nul n'est jamais invité à entrer. Et c'est si douloureux de devoir un jour renoncer à ce dédoublement… Peut-être est-il alors des pèlerinages nécessaires pour dire ‘'adieux'' à ces vies parallèles ? »
"Des grands-parents aux petits-enfants, des petits-enfants aux grands-parents, se crée parfois un lien miraculeux, qui tient au fait que, par une sorte de courbe existentielle, les aînés reviennent du haut de leur vieil âge, aux sentiments de leur prime jeunesse et saisissent, mieux que quiconque, le printemps de la vie. »… « Il y a des êtres en ligne droite et d'autres en bifurcations. Henry, jusque'à la mort, devait être de la seconde espèce. »
« Oublie le négatif, ma chérie ; garde sans cesse la lumière en toi. »
« Oh, Dadé… comme c'est beau, tout ça. Et comme c'est beau, tout au-delà. »

« De cet épisode héroïque et tragique, son orpheline de fille avait tiré deux leçons. La première, c'est que la foi en Dieu donne une force sidérante. Aussi devint)-elle une chrétienne fervente. La seconde, c'est l'importance de choisir sa mort. Aussi devint-elle une militante de l'euthanasie. »… » Son malaise c'était de constater que les progrès de la médecine, très louables en eux-mêmes, produisaient des situations paradoxales. Au fur et à mesure qu'on trouvait les moyens de prolonger la vie, jusque'à quatre-vingt dix ou cent ans, parfois plus, au fur et à mesure qu'on repoussait la résistance humaine, apparaissaient des maladies neurodégénératives qui faisaient parfois de ces âges avancés des moments atoniques inacceptables. »

« On apprend que perdre est la condition indispensable de la sensation vitale, de l'intensité présente. »
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