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sur 430 notes
Quand Mona lisait...des oeuvres d'art

A 10 ans, Mona n'a encore rien vu. Et pourtant sa vie risque de chavirer dans l'obscurité la plus totale.
Avant de peut-être perdre définitivement l'usage de ses yeux, ses parents et le corps médical mettent tout en oeuvre pour tenter de repousser cette étrange cécité qui la guette.
Son grand-père, quant à lui, a promis de l'emmener tous les mercredi chez le psychologue afin de l'aider à traverser cette épreuve particulièrement compliquée.
Mais Henry, le "Dadé" fantasque ne va pas vraiment tenir sa promesse. En secret, il a décidé de faire découvrir chaque semaine à sa petite-fille une oeuvre d'art dans un grand musée parisien.
Une découverte qui va se dérouler sur 52 semaines, soit l'équivalent d'une année ou d'un jeu de cartes complet.
A travers les yeux de Mona et surtout grâce à l'érudition d'un homme au moins équivalente à celle de trois conservateurs de musée réunis, nous allons nous émerveiller devant les tableaux ou les sculptures de Vermeer, Botticelli, Claudel, Turner, Monet, Manet, Basquiat, Degas, Picasso ou encore Kahlo. En parcourant les galeries du Louvre, d'Orsay et de Beaubourg nous allons assister à un véritable éveil spirituel par le questionnement et l'observation grâce au pouvoir de l'art.
Mona, qui au fil des visites se découvre un "oeil absolu", a à présent toutes les cartes en main pour partir à la recherche de cette lumière qui jaillit en elle pour la guider au coeur d'une nuit qui s'annonce sans fin...

52 chefs-d'oeuvre pour un fabuleux parcours initiatique en compagnie de personnages attachants. Une belle alchimie entre une petite-fille et son grand-père. Des présentations d'oeuvres passionnantes pour le novice ou l'érudit.
Même si la tension narrative perd un peu parfois de sa puissance au profit de celle de l'art qui en impose et impressionne, ce roman n'est jamais ennuyeux ni assommant. On observe, on s'interroge, on apprend aussi. Beaucoup. Sur l'art. Sur soi-même. Une belle invitation à regarder. Sans cesse. Regarder à perte de vue...

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Alors qu'elle est en train de faire ses devoirs, Mona, neuf ans, se retrouve soudain plongée dans le noir total. Durant plus d'une heure, soit une éternité, la fillette va connaître l'angoisse de la cécité, un épisode des plus traumatisant… Dès lors, c'est le branle-bas de combat parmi les spécialistes qui tentent d'élucider ce mystère et de comprendre ce qui provoque ces crises aussi soudaines qu'imprévisibles…
Pour Henry Vuillemin, son grand-père adoré, son “Dadé”, il y a urgence à agir. Hors de question de vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Si sa petite fille doit devenir aveugle, alors il faut avant cela remplir ses yeux et son esprit des plus belles oeuvres artistiques qui composent le monde! Henry lui concocte en conséquence un programme sur un an, avec l'étude approfondie d'une oeuvre d'art par semaine. En passant par Le Louvre, le musée d'Orsay et Beaubourg, ce parcours initiatique va nous faire (re)découvrir 52 oeuvres et artistes qui ont marqué, chacun à leur façon, leur époque.

Comment ne pas succomber au charme de ce roman plein de bienveillance et d'érudition? J'ai adoré déambuler avec nos deux protagonistes à travers les galeries des différents musées, prendre le temps d'observer mais aussi d'apprendre et de comprendre les oeuvres choisies et leur artiste. J'ai aimé voir grandir Mona, suivre l'évolution de sa pensée, véritable terreau fertile dans lequel ce grand-père érudit et pédagogue sème les graines du savoir de manière ludique et didactique, façonnant les prémices d'une réflexion qui ne demande qu'à s'épanouir et faire son chemin…

J'ai trouvé la relation entre ce grand-père, vieil homme taiseux et solitaire depuis la mort de sa femme, et sa petite fille de toute beauté! Entre tendresse et admiration, le lien est profond, marqué par une étonnante maturité. Thomas Schlesser joue, au fil des chapitres, sur le poids de l'héritage familial, laissant planer sur cette relation étroite le fantôme d'une grand-mère partie trop tôt et les non-dits qui entourent sa disparition… le dénouement a beau être prévisible, le mystère qui entoure cette grand-mère, étroitement liée au destin de sa petite fille, n'en reste pas moins prenant!

L'écriture, quant à elle, est relativement simple et pour le moins agréable. L'auteur parvient sans problème à rendre accessible la lecture d'une oeuvre d'art à un lecteur néophyte qui s'y intéresserait sans avoir de connaissances particulières. Comme Mona, on a le sentiment de s'instruire sans se forcer, en mêlant le plaisir de la lecture à l'apprentissage. Seul bémol, le côté très répétitif de la narration, calquée sur le même schéma durant 52 chapitres et découpée ainsi: bref épisode de la vie de Mona/ description d'une oeuvre choisie par le grand-père/ échange autour de l'oeuvre entre les deux protagonistes/ leçon de vie que l'on peut en tirer. Une narration sans surprise donc, voire un peu simpliste mais qui n'ôte en rien la qualité du propos.

Bref, “Les yeux de Mona” reste une très jolie lecture que je me ferai un plaisir de conseiller autour de moi! Mention spéciale à l'éditeur qui a particulièrement su se démarquer dans son travail d'édition en imprimant une jaquette dans laquelle figurent toutes les oeuvres évoquées (et en couleurs!). La couverture se déplie et se déploie, permettant au lecteur de prendre connaissance, en même temps que Mona, de l'oeuvre étudiée. Une attention fort délicate mais surtout utile et moins rébarbative que d'interrompre sa lecture pour aller chercher les infos sur son téléphone!
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"Le monde de Sophie" de Jostein Gaarder, publié en 1995, était un roman qui permettait de s'initier à la philosophie de façon ludique.
"Les Yeux de Mona" est le roman qui permettra surement de s'initier à l'art de la même façon.
Parce qu'une petite fille risque de perdre la vue, son grand-père va l'emmener chaque semaine découvrir une oeuvre d'art dans un musée parisien.
L'idée est loin d'être mauvaise, mais le côté "une oeuvre par semaine" durant 52 semaines est vite répétitif, bien que chaque visite ne dure que le temps de 2 ou 3 pages.
Et même si j'ai appris quelques faits ou anecdotes sur les oeuvres proposées, je n'ai pas aimé le fait que le grand-père propose également une sorte de morale ou de vérité absolue au sujet de chacune des oeuvres.
Le grand-père m'a d'ailleurs impressionnée par son érudition exceptionnelle, à croire que ce monsieur a des connaissances poussées en peinture, sculpture, architecture, mais aussi en histoire, philosophie, religion etc...
Le roman n'est pas déplaisant à lire, mais j'ai trouvé dommage que l'aspect didactique soit autant marqué.
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J'ai récemment publié une citation qui démontre la multiplicité de la linguistique sur le sens de l'ouïe "Nous nous étions écoutés et donc bien entendus.".
L'une des richesse de la langue française c'est de donner un sens à chaque action, au propre comme au figuré,
On peut voir une oeuvre d'art, on peut regarder une oeuvre d'art, on peut observer une oeuvre d'art, on peut contempler une oeuvre d'art. Mona en compagnie de son grand-père à décidé de passer par toutes ces étapes, voire de les dépasser au point de les fixer....
Et ensuite viendront les clefs de décryptage, ou au moins des codes de lecture pour peu qu'en s'en donne le temps...

Car par moment on se dit que l'art est devenu un produit de consommation comme un autre : pour s'en convaincre il suffit de prendre un peu de recul au Louvre dans la salle de la Joconde, pour "contempler" ces centaines de personnes se presser pour voir Mona Lisa au travers de leur écran de portable, voire s'immortaliser au côté d'elle dans un selfie, ce qui  pourrait expliquer ce rictus un brin moqueur. Ces mêmes personnes n'ayant pas même un regard pour le plus grand tableau du musée Les noces de Cana par Véronèse, pourtant difficile de la manquer avec ses plus de 70m2, sans parler de autres toiles de la salle : des Titien, d'autres Véronèse, des Tintoret.....
Loin de ce que disait Pierre Bonnard dans ses carnets "Oeuvre d'art : un arrêt du temps"....

Ce livre nous invite à cet arrêt du temps, et les questions fusent :
Pourquoi une oeuvre d'art nous happe ?
Pourquoi un tableau nous fait nous arrêter dans une salle de musée qui en compte des dizaines ?
Pourquoi une sculpture nous interpellé sans le vouloir ?
Pourquoi un détail nous attire dans une toile ?
Pourquoi ressentir de l'aversion pour une oeuvre et un magnétisme incompréhensible pour une autre ?
Qui n'a pas ressenti au gré d'une déambulation dans un musée, une sorte de magnétisme inexplicable sur une oeuvre d'art, pas forcément des plus connues.
C'est ce qu'expliquait récemment l'auteur :
"Un enfant, comme un adulte, peut ressentir une part de satisfaction, comme de frustration, lorsqu'il regarde une image. le problème, c'est le déficit du sens. Au fond, devant une oeuvre, on a l'impression qu'il y a quelque chose de magnétique, mais pleine de trous, et ces trous, il faut les combler. Pour les combler, malheureusement, il n'y a pas beaucoup d'autres choix que de faire un certain effort de travail, de savoir, de réflexion. Pour cela, il faut des passeurs, des professeurs, des conservateurs, des gens capables de recontextualiser, de donner des éléments symboliques, historiques, biographiques. Et petit à petit, ce qu'est l'énigme d'une oeuvre va gagner en relief, en profondeur, en multiplicité de strates."
Et l'auteur se fait passeur...

Alors effectivement, ce magnifique livre tant sur le fond que sur sa forme, fera indéniablement penser au Monde de Sophie, ou au Voyage de Théo.
La philosophie, la religion, l'art, comme une forme de trinité. Une trinité indissociable au fil de l'histoire de l'art.
Alors du Louvre, à Orsay et Beaubourg, on ne peut que céder à ce recit de transmission entre grand-père et petite fille. Leur secret comme un miroir des oeuvres et leurs secrets.

Même une conservatrice d'Orsay tombe sous le charme de cette complicité intergénérationnelle
"Je vous ai donc entendus à plusieurs reprises, toi et ton grand-père, sans que vous ne vous en rendiez compte, d'abord au Louvre en effet, puis ici. Comprenez : j'ai soixante-cinq ans, et jamais, je vous assure, je n'aurais pu espérer que mon métier prenne enfin autant de sens… Jamais il ne m'a été donné de croiser deux visiteurs aussi fantastiques dans les allées d'un musée. C'est la récompense de toute une carrière, de vous observer. Chère Mona (elle connaissait donc le prénom de l'enfant), cher monsieur, je suis désolée de cette intrusion mais vos conversations devant des oeuvres furent, avant mon départ à la retraite, le plus beau cadeau que je pouvais espérer m'offrir."

Quand ce n'est pas un gardien à Beaubourg qui apostrophe notre duo devant la" Croix Noire" de Kasimir Malevitch
" Il fallut l'intervention d'un gardien pour arracher Mona et son grand-père à leur méditation.
– Dites donc, vous deux : est-ce que vous préparez un mauvais coup ?
– Un mauvais coup ? s'étonna Henry. Et pourquoi donc ?
– Voilà une heure que vous regardez cette croix ! Personne ne regarde jamais cette croix plus de dix secondes.
– Allons, mon ami : un vieux monsieur et une fillette ! de quel mauvais coup parlez-vous ?
Encore un instant et nous ne vous embêterons plus avant la semaine prochaine.
– Encore cinq minutes… Pas une de plus.
Le gardien retourna s'asseoir sans quitter le binôme du regard"

Proust a écrit : “Par l'art seulement nous pouvons sortir de nous-mêmes.”
Et ce livre est une belle démonstration qu'il y a toujours, dans l'art, du nouveau à découvrir. Les grandes oeuvres semblent différentes chaque fois qu'on revient vers elles. Elles ont quelque chose d'inépuisable et d'imprévisible, tout comme l'être humain, et on ne peut jamais prétendre les connaître à fond. L'essentiel réside peut-être en ceci qu'il faut les aborder avec un esprit non prévenu, prêt à saisir la moindre allusion et à faire écho à l'harmonie la plus cachée.

Une chose est certaine c'est qu'une fois le livre refermé, il reste quelque chose de Mona. Telle une ombre, cette ombre à l'origine de la peinture, comme le lui explique son grand père :
"Et l'ombre est à l'origine de la peinture, Mona… Son « degré zéro », si tu préfères.
– Comment donc ?
– Durant l'Antiquité, Pline l'Ancien racontait une histoire dont on a souvent considéré qu'elle constitue le mythe originel des arts visuels. C'est celui de Callirrhoé. Il s'agit d'une femme qui vivait à Sicyone, en Grèce, voilà environ deux mille six cents ans. Callirrhoé est amoureuse d'un homme qui doit partir pour l'étranger. Elle souhaite conserver une image de lui. Comment s'y prend-elle ? Elle trace sur un mur les contours de son ombre portée par la lumière d'une lanterne. C'est aussi simple que cela : l'ombre est en quelque sorte le négatif du modèle et, en fixant avec du charbon de bois sa silhouette, elle en retrouve le positif."

Bonnard disait "Il ne s'agit pas de peindre la vie, mais de rendre vivante la peinture."
Thomas Schlesser a su au travers de ce récit faire honneur à cette citation, et démontre bien ce mot que les Italiens associent à l'art : "arte è una cosa mentale."
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Moi aussi j'aurais aimé avoir un Dadé qui me fasse aussi joliment découvrir les oeuvres d'art et la beauté du monde. Art et émotion entremêlés.

Les artistes nous parlent et nous sommes peu nombreux à les écouter. Voilà ce que Thomas Schlesser aimerait nous faire comprendre au travers de ce joli roman.
Dès le début du roman il se passe un phénomène qui nous touche. Une toute jeune fille de 10 ans perd, de manière inexpliquée, la vue pendant 73 longues minutes. Il y a de fortes chances qu'elle perde la vue dans l'année qui suit.
Mona est une fille vivante et en pleine santé jusqu'à ce moment diabolique où elle perd la vue durant un temps non négligeable. le pédiatre spécialiste en la matière n'ayant pas réussi à poser un diagnostic franc, il a pour tout conseil d'avoir une bonne hygiène de vie, un suivi médical régulier et le soutien auprès d'un pédopsychiatre.
Camille, la mère de Mona travaillant, elle se tourne vers son père Dadé Henry Villemin pour accompagner sa petite fille tous les mercredis après-midi chez le pédopsychiatre de son choix.
Henry est totalement fou de sa petite-fille et lui propose un deal, faire les musées plutôt que la consultation psy et lui montrer une oeuvre par semaine.
Commence alors ce joli parcours initiatique qui va affuter, peu à peu, la perception que Mona va se faire d'une oeuvre d'art. 52 mercredis pour 52 oeuvres d'art essentielles. Botticelli, Léonard de Vinci, Michel Ange, Goya, Rembrandt, Camille Claudel, William Turner, René Magritte, Frida Kahlo, Edouard Manet, Paul Cézanne, Antoine Watteau Johannes Vermeer, Pierre Soulages et tant d'autres vont être approchés par la lecture d'une de leur oeuvre essentielle. Mona et Dadé Henry vont se promener dans les musées du Louvre, d'Orsay ou de Beaubourg.
Chaque chapitre sera prétexte au décodage d'une oeuvre, au message qu'elle contient, à une réflexion sur la vie ; et pourquoi pas une forme d'initiation à la sagesse, à la philosophie, à l'histoire de l'art.
La découverte de chaque oeuvre se fait selon la même approche : d'abord regarder silencieusement le tableau durant quelques longues minutes où couleurs, formes et matières émergent, laisser s'évader l'esprit, puis y mettre des mots, en parler. Certains des messages sont à lire entre les lignes. La représentation est le fondement même de notre civilisation (comme le dit si bien Richard Malka dans l'article publié par un hebdomadaire), mais la visée de l'artiste est tout aussi importante à connaitre. Et ça, Thomas Schlesser le relate intelligemment par le mode d'observation que le grand-père a instauré.
Dadé est un octogénaire plutôt atypique, rude, mais l'amour qu'il voue à sa petite-fille, passe avant tout le reste. Il tient à ce qu'elle ait pu voir toute la beauté du monde avant que la cécité ne s'installe.
Emotion, passion et effet « Carpe Diem » sont omniprésents.

Pour amener la touche romancée, Thomas Schlesser y entrelace une histoire familiale cousue de secrets de famille enfouis et traumatiques. Il nous prouve à quel point le poids du passé peut peser sur les générations suivantes.
Le thème de l'euthanasie, imbriqué dans l'histoire familiale, est tout aussi judicieusement traité. Thème qui m'est d'autant plus cher que je trouve que bien trop de professionnels - de santé entre autre - se disent légitimes dans le choix d'un acte qui ne regarde que la personne en grande souffrance et qui appelle au secours.
Ces deux derniers thèmes sont, pour moi du moins, largement aussi admirablement traités que le thème de la lecture d'une oeuvre d'art.

J'ai préféré lire ce roman en plusieurs fois, ressentant parfois le besoin de prendre un livre d'art pour aller plus loin dans le décryptage de Thomas Schlesser. Ce livre éveille notre curiosité, en tout cas celle de personnes qui ne sont pas du métier, pas des pros en matière d'histoire de l'art. Il peut être jugé trop superficiel pour les spécialistes d'art, mais il fait un bien fou aux non initiés. Cette dernière publication, contrairement aux précédentes de Thomas Schlesser, est un roman et non un livre d'art.

A noter également ce merveilleux support de lecture qu'est la jaquette des 52 oeuvres. Elle est disjointe du livre à proprement parler, mais devient indispensable au fil de la lecture.

Citations :

« Entre Henry et Mona, il y avait désormais la nostalgie des secrets. C'est si grand, c'est si bon d'enchâsser dans la réalité une réalité autre, où nul n'est jamais invité à entrer. Et c'est si douloureux de devoir un jour renoncer à ce dédoublement… Peut-être est-il alors des pèlerinages nécessaires pour dire ‘'adieux'' à ces vies parallèles ? »
"Des grands-parents aux petits-enfants, des petits-enfants aux grands-parents, se crée parfois un lien miraculeux, qui tient au fait que, par une sorte de courbe existentielle, les aînés reviennent du haut de leur vieil âge, aux sentiments de leur prime jeunesse et saisissent, mieux que quiconque, le printemps de la vie. »… « Il y a des êtres en ligne droite et d'autres en bifurcations. Henry, jusque'à la mort, devait être de la seconde espèce. »
« Oublie le négatif, ma chérie ; garde sans cesse la lumière en toi. »
« Oh, Dadé… comme c'est beau, tout ça. Et comme c'est beau, tout au-delà. »

« De cet épisode héroïque et tragique, son orpheline de fille avait tiré deux leçons. La première, c'est que la foi en Dieu donne une force sidérante. Aussi devint)-elle une chrétienne fervente. La seconde, c'est l'importance de choisir sa mort. Aussi devint-elle une militante de l'euthanasie. »… » Son malaise c'était de constater que les progrès de la médecine, très louables en eux-mêmes, produisaient des situations paradoxales. Au fur et à mesure qu'on trouvait les moyens de prolonger la vie, jusque'à quatre-vingt dix ou cent ans, parfois plus, au fur et à mesure qu'on repoussait la résistance humaine, apparaissaient des maladies neurodégénératives qui faisaient parfois de ces âges avancés des moments atoniques inacceptables. »

« On apprend que perdre est la condition indispensable de la sensation vitale, de l'intensité présente. »
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Mona, 10 ans, a failli perdre la vue, si ses yeux s'éteignent un jour définitivement, son grand-père, ne veut pas que sa mémoire ne garde que le souvenir de choses clinquantes et vaines. Il décide de lui faire suivre une cure capable de compenser la laideur dont sa jeunesse est abreuvée. Il veut accompagner sa petite fille dans les musées, là où l'on conserve ce que le monde a de plus beau et de plus humain.

J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans ce roman, je n'ai pas l'habitude d'abandonner une lecture, j'ai eu raison de persévérer. Peu à peu, je me suis pris au jeu et j'ai déambulé avec plaisir dans les salles du Louvre, d'Orsay, de Beaubourg en compagnie d'Henry et Mona. À chaque nouvelle visite, l'auteur nous offre une description précise de l'oeuvre, les circonstances de son exécution, des informations sur le peintre ou le sculpteur, sur son époque. Il faut du temps pour pénétrer la profondeur de l'art. C'est un exercice fastidieux.
À travers chaque oeuvre le grand-père délivre à sa petite fille un message : fais confiance à ton imagination, cultive le détachement, souris à la vie, apprends à recevoir, il n'existe pas de sexe faible, laisse tes sentiments s'exprimer, sache dire « non ». Ces visites hebdomadaires vont faire office de soin de l'âme de Mona.
Un roman d'apprentissage, une relation touchante entre un grand-père et sa petite fille, l'évocation tout en sensibilité de l'euthanasie et du droit à mourir dignement. Une grande leçon d'art, d'Histoire et de vie. J'ai lu que ce roman serait bientôt adapté au cinéma, j'ai hâte de voir comment un cinéaste pourra retranscrire la profondeur de ce livre.



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« Avancer dans la vie, c'est faire cet effort ingrat de mettre au jour des blessures qu'on n'avait pas vues venir et qui, par leur discrétion même, traumatisent l'être tout au fond de son abîme. »

Lorsque l'on aime l'art comme moi, il n'est pas compliqué de comprendre les raisons qui m'ont poussée à lire ce roman.
J'ai été attirée par le regard de la jeune fille à la perle qui fixe le lecteur et l'invite à une sorte d'intimité, d'intériorité avec les oeuvres. Par ce choix, j'avais aussi envie de partir à la rencontre des oeuvres d'art tout autant que de Mona.

*
Ce roman raconte l'histoire d'une petite fille de dix ans, Mona, qui a des problèmes de vue et risque de devenir aveugle. Au lieu de l'accompagner chez un pédopsychiatre comme convenu, son grand-père, un vieil homme érudit et passionné de peinture, va décider de la conduire, en secret, tous les mercredis après-midi, dans un grand musée parisien.
En effet, ce grand-père protecteur et sensible trouve essentiel que la mémoire de sa petite-fille s'imprègne de la beauté du monde si jamais ses yeux s'éteignaient. Il va l'emmener d'abord au palais du Louvre, ensuite à Orsay, et enfin au Centre Pompidou.

Pendant un an, au rythme d'une oeuvre par semaine, Mona et son « Dadé » vont découvrir ensemble, un tableau, une sculpture, une fresque, un dessin, une photographie ou une installation, et bien sûr un artiste et son époque.

« Si je deviens aveugle, le paradis des couleurs, j'espère qu'il sera dans ma tête. »

J'ai aimé l'approche et la sensibilité du vieil homme qui laisse le temps à l'enfant d'observer l'oeuvre pour en décrypter le sens caché. Ainsi, Mona apprend à regarder les matières et les couleurs, les jeux d'ombre et de lumière, les formes et les volumes, la composition et les techniques picturales. Ensuite, il lui apprend à analyser, juger, faire des liens entre les oeuvres. de manière concise, didactique et accessible, le grand-père l'initie aux principaux courants artistiques et lui délivre des clés de compréhension. Il la guide avec bienveillance et douceur dans ses pensées et ses réflexions jusqu'à ce qu'une leçon d'art et de vie en émerge, leçon que l'enfant s'approprie.
En voici quelques-unes que je fais mienne :

« Connais-toi toi-même. »
« Ce qui ne tue pas rend plus fort. »
« Oublie le négatif ; garde sans cesse la lumière en toi. »

*
L'auteur nous propose un superbe parcours initiatique de la Renaissance italienne à l'une des dernières grandes figures de l'art moderne, Pierre Soulages. Thomas Schlesser nous amène à examiner les 52 chefs-d'oeuvre pour un résultat particulièrement éclectique. Pour plus de praticité, l'éditeur a eu l'excellente idée de glisser dans le livre une jaquette contenant la reproduction de chacune des oeuvres citées.

C'est un voyage fascinant et incroyablement érudit dans l'histoire de l'art occidental, mais pas uniquement : l'auteur aborde également un vaste éventail de sujets, comme la vie des artistes, L Histoire, la religion, la philosophie, …
Si la plupart des artistes sont connus, j'ai trouvé le choix des oeuvres original et pertinent, Thomas Schlesser ne cherchant pas forcément des oeuvres connues du grand public. Chacune d'entre elles s'inscrit dans une époque, un style, une intention, ce qui permet d'avoir une vue d'ensemble des principaux mouvements artistiques, comme le classicisme, le romantisme, l'impressionnisme, le surréalisme, le cubisme, …
En les ordonnant chronologiquement, elles semblent reliées les unes aux autres par un fil invisible mais très fort comme si les mouvements artistiques s'influençaient et se répondaient.

Au cours de ces 52 semaines, je suis devenue une petite souris, m'approchant au plus près de ces oeuvres majeures, faisant abstraction du bruit ambiant des visiteurs, prenant le temps de m'imprégner des oeuvres et d'aiguiser mon regard, d'écouter les échanges entre l'enfant et le vieil homme.
Et si j'ai tout de même un regret, c'est celui de ne pas avoir pu les découvrir comme Mona, me rendant moi-même dans ces trois magnifiques musées, le roman à la main, pour ne découvrir qu'une seule oeuvre d'art à chacune de mes visites.

« Ces gens autour de nous aimeraient tout avaler d'un coup, et ils se perdent sans savoir comment ménager leurs envies. »

*
« Les yeux de Mona » est une tranche de vie profondément ancrée dans l'art, mais le roman ne parle pas uniquement de cela. La fiction s'invite, permettant de découvrir le quotidien de Mona, rythmée par les visites médicales, l'école, les heures passées dans la brocante de son père, lieu de toutes les découvertes.
Ce qui m'a plu dans cette histoire familiale qui se superpose à l'art et lie l'ensemble, c'est la relation entre la petite-fille et « ce grand-père sémaphore, ce monument, ce silex adoré ». J'ai aimé cette petite fille vive, intelligente, curieuse, mâture et ce grand-père pédagogue, attentionné.

« Des grands-parents aux petits-enfants, des petits-enfants aux grands-parents, se crée parfois un lien miraculeux, qui tient au fait que, par une sorte de courbe existentielle, les aînés reviennent, du haut de leur vieil âge, aux sentiments de leur prime jeunesse et saisissent, mieux que quiconque, le printemps de la vie. »

*
Entre essai, roman d'initiation à l'art et fiction, « Les yeux de Mona » est une « invitation au voyage, une lucarne pour le rêve. »
A découvrir pour apprendre, comprendre, aimer, rêver.
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Un vent d'enthousiasme avait soufflé chez moi lors de l'entretien de Schlesser à La Grande Librairie.
Découvrir des mystères de tableaux célèbres m'intéressait au plus haut point.
Ma fille qui a eu le même ressenti après l'émission a acheté "Le roman français qui a conquis le monde"
Ni ma soeur ni moi donc ne faisons partie de ce monde avec cette lecture commune.
Quelle déception devant la forme répétitive du récit où 52 tableaux attendent une petit fille de dix ans Mona et son grand-père dans trois musées de Paris.
Si ce levier de la connaissance me semblait plein d'espoir, j'ai fini désenchantée la lassitude m'étreignant au fil des pages.
J'ai délaissée le roman sur la table tellement l'ennui m'attendait.
Même mon sentiment d'empathie ne s'est pas manifesté pour Mona qui perd la vue.
Grand-père et petite-fille paraissaient tellement fictifs qu'ils se détachaient de mon imaginaire.
J'ai cessé l'invraisemblance et les formes répétitives après Goya. Une overdose d'histoire de l'art scolaire.

Cependant l'hommage de Schlesser
aux artistes intemporels que l'humanité admire est louable. Si l'auteur a écrit des essais sur la peinture, ils feront sûrement davantage mon affaire.




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Les yeux de Mona, lorsqu'ils se posent sur une sélection des plus belles oeuvres de trois grands musées parisiens, rappellent par certains aspects, la découverte des idées et concepts philosophiques dans le Monde de Sophie.
Mona et son grand-père dialoguent devant cinquante-deux oeuvres d'art pendant un an, à raison d'une par mercredi, le tout avec un but thérapeutique pour la jeune Mona qui risque de perdre la vue.
C'est à la fois une initiation à l'histoire de l'art, un regard porté sur une immense galerie chronologique, un dialogue entre les générations et la transmission d'une histoire familiale, tout en finesse et en nuances, par petites touches marquantes.
Grâce à ce regard naïf et lucide à la fois, on voit grandir Mona et on (re)découvre avec elle de véritables chefs-d'oeuvre qui tous questionnent l'intention de l'artiste et la réception de son oeuvre.
Par chance, j'ai pu emprunter ce livre à la médiathèque. Malchance, la jaquette dépliable dans laquelle figurent les reproductions des cinquante-deux oeuvres est collée à la couverture et les rend donc inaccessibles. Me voilà donc obligée de me contenter de la lecture des tableaux en audio description ! Chance à nouveau, ou heureux hasard, j'étais au Louvre quelques jours avant d'avoir ce roman entre les mains et mes pas m'avaient naturellement portée vers certaines de ces oeuvres (sauf l'inabordable Mona Lisa).
Pour les chapitres consacrés aux tableaux du Musée d'Orsay, en revanche, j'ai dû recourir à l'aide de la toile, et nouvelle surprise (est-ce encore un hasard ?) la plupart des oeuvres admirées dans le roman sont indiquées comme "non exposée[s] en salle actuellement". Un visiteur qui souhaiterait accompagner Mona et son Dadé dans ce musée en serait empêché. Si le succès du livre se poursuit, nombre de lecteurs risqueraient d'être déçus, à moins que ce ne soit pour créer le manque en vue d'un parcours spécial Mona et Dadé.
Toujours grâce à cette inaccessibilité aux reproductions dans le livre que je lisais, j'ai pu découvrir que le Centre Pompidou avait très bien documenté son catalogue en ligne et ce fut pour moi une agréable lecture complémentaire à celle du roman.
J'ai aimé voir grandir Mona, voir son grand-père lui transmettre son histoire et la belle chronologie artistique qu'il déploie pour elle. J'ai aimé fréquenter à nouveau ces oeuvres sous leurs regards croisés et découvrir grâce à eux celles qui m'étaient inconnues. J'ai un peu moins aimé certains personnages secondaires qui ne semblaient là que pour donner corps à une intrigue qui existait déjà très bien sans eux. La construction répétée de chaque chapitre offre un cadre à l'ensemble et les clins d'oeil littéraires prêtent vie et mots aux images figées.
A nous de suivre ces guides et d'ouvrir les yeux pour vivre avec eux cet émerveillement que procure la rencontre avec une oeuvre et ce qu'elle peut toucher et émouvoir en nous.
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Phoenix vous présente…
"Les Yeux de Mona", un Livre de Thomas Schlesser (Français né en 1977), 496 pages, Albin Michel. 31 Janvier 2024.
Du jour au lendemain, alors qu'elle faisait ses travaux d'écolière, Mona, 10 ans, se voit perdre la vue peu à peu …
« Pourtant, si : on devient aussi aveugle « comme ça », la preuve. »
Alors qu'il ne semble avoir aucune cause apparente.
J'en ai un peu marre des livres « difficiles d'accès »…
Donc voilà la Fillette devient bit by bit aveugle et avant qu'il ne soit trop tard, sa famille lui fait découvrir tout un tas de belles choses, notamment des oeuvres d'art.
C'est d'ailleurs une métaphore pour « Carpe Diem » « Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain »
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