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Critique de michelangelo


Je viens de perdre celle qui m'a mis au monde, sans laquelle je ne serais pas là pour écrire à cet instant. Submergé par la souffrance d'une perte inconsolable, je me demande comment rendre cette douleur lancinante plus apaisée lorsque je découvre fortuitement en bout de gondole ce petit livre d'Éric-Emmanuel Schmitt qui justement évoque la disparition de sa mère.
Comptant y trouver une forme de réconfort, je m'en empare et ne tarde pas à en entreprendre la lecture avec une certaine avidité.
Le départ me paraît assez conforme à ce que je ressens de mon côté. Cette perte qu'on sait définitive et sans retour, cette absence qui plane au-dessus de nous à chaque instant et qui génère une sensation de manque qu'il faut assimiler et qu'on appelle faire son deuil. Il paraît que deux années sont nécessaires pour faire son deuil. Je doute que ce calcul soit fidèle à une quelconque vérité reconnue ou à un calcul établi sur un échantillon représentatif.
Ecrire est pour moi également un excellent moyen d'exorciser mes peurs et mes angoisses. En cela, je ne diffère pas d'Éric-Emmanuel Schmitt. Comme lui, je reconnais la vacuité de l'existence, son inutilité presque, puisqu'il faudra en finir un jour avec ceux qu'on aime et en finir avec soi-même, puisque toute existence est vaine et condamnée à l'anéantissement.
Comme lui, je regrette de ne pas avoir dit je t'aime plus souvent, prisonnier d'une pudeur inutile mais tellement inscrite dans mes schémas de pensée. Comme lui, je comprends que le bonheur sait le prix des personnes, le privilège luxueux d'exister, l'ivresse d'être là, de ressentir des émotions, d'épouser le monde et de percevoir sa beauté.
Pourtant, alors qu'Éric-Emmanuel Schmitt se perd rapidement dans ce qui m'apparaît une douleur narcissique à bien des égards, moi je me retrouve prisonnier d'un silence qui m'étouffe. Depuis l'agonie de Maman, sa disparition annoncée mais brutale, je n'ai plus le courage de me livrer, d'écrire. Voilà presque trois mois que je reste muet, rompant seulement ce silence aujourd'hui. L'envie d'écrire m'avait abandonné. Certes, j'ai rédigé pour la cérémonie un éloge funèbre. C'est le moins que je pouvais faire, même si cela m'a coûté en émotion.
Éric-Emmanuel Schmitt semble agir totalement à l'inverse. Sa douleur s'expose par des symptômes étalés sans vraie pudeur et chacun peut voir ses pleurs inextinguibles, ses larmes à n'en plus finir, ses tentations, par le détail, d'en finir avec sa propre existence pour ne plus souffrir. Il incite son lecteur à pratiquer une forme de voyeurisme qui me dérange.
Je conçois que chacun puisse réagir différemment à une situation donnée. Malgré tout, le grand déballage sentimental de l'auteur génère en moi une forme de gêne à l'égard de son manque de retenue. Ses envolées lyriques sont parfois de bon sens, souvent exagérées. Il réussit à créer en moi un malaise où je pensais trouver une forme de réconfort dans une compassion partagée sur le seuil de ce gouffre impitoyable.
Oui, Maman m'a permis d'être ce que je suis. Non, je ne veux pas énumérer les bienfaits qu'elle a accomplis sans même s'en rendre compte. Non, je ne veux pas détailler, même avec une prétention involontaire, la large palette de mes talents. Non, je ne suis pas Éric-Emmanuel Schmitt et ne m'en désole pas.
En définitive, Éric-Emmanuel Schmitt n'apporte aucun soutien, même pas à lui-même. Il s'égare trop souvent dans le champ narcissique de sa propre personne et ne fait du coup qu'effleurer le sujet sans réelle volonté d'aller au fond des choses. Il agit en écrivain sûr de son talent. Il dramatise à l'excès ce qui pour moi relève de l'intimité et du sacré. Il compose une oeuvre fictive où devrait jaillir une oeuvre de vérité. Il sonne le clairon où les pleurs d'une flûte discrète devraient envahir l'espace sonore de cette tragédie humaine.
Le moment est peut-être mal choisi pour chroniquer ce petit ouvrage qui devrait faire consensus. Ma propre et récente expérience me rend probablement peu objectif et encore moins complaisant pour un auteur que j'apprécie sur d'autres versants de son talent d'écrivain.
Mais tout cela n'est qu'un mauvais moment à passer…

Michelangelo 15/12/2021

Lien : http://jaimelireetecrire.ove..
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