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Critique de gerardmuller




La Vengeance du pardon/ Eric Emmanuel Schmitt
Avec ce recueil, Eric Emmanuel Schmitt revient à la nouvelle, un genre qu'il maîtrise à la perfection de la même manière que le théâtre, le roman ou l'essai. Quatre nouvelles dont la principale, autour de laquelle gravitent les trois autres, donne son titre au recueil. le thème abordé est celui du pardon à savoir : peut-on vraiment tout pardonner ? Et puis la vengeance ou le pardon, que choisir ? Et l'on découvre au travers de ces nouvelles que le pardon peut prendre les allures d'une vengeance.
Les deux jumelles Barbarin que tout oppose habitent depuis toujours ensemble mais Lily, l'aînée de quelques minutes, est haïe de sa cadette Moïsette, peut-être la mal aimée, par jalousie essentiellement. Les deux soeurs furent toujours la fierté de leurs parents et du village. Elles forment en fait une véritable entité inséparable, du moins c'est ce que l'on croit. Lily aime sa soeur quoiqu'elle fasse et lui pardonne tous les mauvais coups qu'elle subit. Plus Moïsette se fait cruelle, plus elle veut être déconsidérée par sa soeur et plus Lily pardonne. Rancoeur et frustration de Moïsette ne change rien au comportement de Lily. À terme, le pardon de Lily devient insupportable pour Moïsette, et sa haine n'en est que plus grande. Jusqu'au jour où…
Le thème de la seconde nouvelle se rapproche de celui de Madame Butterfly l'opéra de Pucccini. Mandine, jeune fille simplette mais d'une sublime beauté, se voit courtisée par le jeune William, un fils à papa, à la suite d'un pari stupide entre jeunes garçons. Ils font l'amour et Mandine se retrouve enceinte. William qui dénie cet amour fait le fort devant ses amis mais au fond de lui a honte. Il abandonne Mandine à son sort avec son enfant. Mais Mandine pardonne tout et voue un amour sans faille à William. Mieux, elle se situe au-delà du pardon, elle efface l'ardoise du passé. Plus tard, William devenu un riche banquier, va recevoir une leçon de Mandine jusqu'à la rédemption. « Quand on ne peut plus sauver ni l'argent ni l'honneur, on peut encore sauver l'amour. » C'est la morale de cette nouvelle. Et puis : «En amour, le mérite réside dans celui qui aime, pas dans celui qui est aimé. »
Dans la troisième nouvelle, qui donne son titre au recueil, on fait connaissance avec Elise qui a perdu sa fille Laure victime d'un tueur en série, violée et égorgée. Bien qu'elle n'ait aucune raison de le faire, elle décide de rendre visite au tueur dans une célèbre prison alsacienne. Elle hait cet être veule et monstrueux qui n'éprouve aucun remords et qui annonce que si on le sort de prison un jour il recommencera. le tueur ne saisit pas pourquoi Élise veut comprendre pourquoi il a fait ce qu'il a fait, et lui, voudrait comprendre pourquoi elle fait ce qu'elle fait en lui rendant visite. Elle le provoque au cours de nombreuses visites, tente de l'apprivoiser, tel une bête sauvage, de l'humaniser afin qu'il se rende compte de sa monstruosité. Y parviendra-t-elle ?
La petite Daphné veut que le vieux monsieur de 92 ans lui dessine un avion. le fil conducteur de cette très belle nouvelle est Saint- Exupéry, chacun l'aura deviné dès la première phrase du récit. Cette rencontre a quelque chose de magique et inévitablement Daphné demande à Werner de lui lire « le Petit Prince ». En vérité le passé de Werner est un peu trouble et on découvre qu'il cache un secret concernant un fait qui s'est passé en des temps reculés. Comment pourra-t-il se pardonner à lui-même ?
Au terme de ces quatre textes, on en vient à se poser bien sûr la question de savoir si l'on peut vraiment réduire un personnage à un seul de ses actes. Par ailleurs on découvre que celui qui pardonne en tire une jouissance et celui qui est pardonné se sent inférieur et en quelque sorte dépendant, comme à la merci de l'autre. C'est là toute l'ambigüité du pardon : être pardonné peut devenir insoutenable.
Dans un style très fluide et à la limite trop simple et neutre, E. E. Schmitt nous offre encore une palette de son talent. « Pardonner revient à considérer l'individu en entier, à lui redonner le respect et le crédit qu'il mérite. » On retrouve dans ces quatre récits les défauts de la nouvelle, à savoir le manque de profondeur psychologique des personnages mais aussi ses avantages c'est à dire que l'on est de suite au coeur du sujet, et ce d'autant plus facilement que E. E. Schmitt est un artiste du dialogue. J'ai aussi au travers de ces contes noté quelques invraisemblances, mais quelle importance, M.Schmitt reste un écrivain plaisant qui aborde avec légèreté des sujets graves.
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