AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de ChatDuCheshire


Ce livre, émouvant, n'est pas, de l'aveu même de son auteure, une biographie de Maria Schneider. C'est l'histoire de la relation de Vanessa et de Maria, deux cousines, la première étant la cadette de 17 ans de la seconde et donc à peine née lorsque Maria tourna, à dix neuf ans, "Le dernier tango à Paris" de Bertolucci (sorti en 1972). Dans ce film, une scène de viol par sodomie (la fameuse scène "à la motte de beurre") fut imposée à Maria par Bertolucci et son partenaire, Marlon Brando (de trente ans son aîné), sans que celle-ci en soit informée au préalable. Cet épisode du tournage fut donc un traumatisme majeur dans la vie de Maria et marqua en quelque sorte son entrée dans la vie adulte. Presque totalement seule (son père, Daniel Gélin, fut longtemps absent, sa mère la rejeta à quinze ans, le foyer des parents de Vanessa étant l'un de ses seuls refuges) et donc non entourée elle ne sut pas qu'elle aurait pu s'opposer à la présence de cette scène au montage et sa carrière d'actrice, outre la femme, s'en trouva marquée à jamais : à la fois propulsée et brisée en l'espace de quelques jours ou semaines. A une avant-première elle croisa la non moins tragique Jean Seberg qui lui souhaita du courage pour la suite.
Vanessa n'a essentiellement connu de Maria que ses passages, quasiment toujours à la dérive (addiction grave à l'héroïne, s'ajoutant à l'alcool et aux cigarettes), à l'appartement de ses parents. Elle s'en rapprocha davantage, le temps réduisant l'emprise de la différence d'âge, dans la dernière partie de sa vie, Maria disparaissant des suites d'un cancer en 2011, à l'âge de 58 ans.
"J'aurai eu une belle vie", figura parmi les dernières paroles de Maria. Elles interloquèrent Vanessa qui avait essentiellement connu l'envers du décor en forme de naufrage de la vie de Maria. Par conséquent ce livre se construit et tient miraculeusement sur un manque, le manque de connaissance de ce qu'a vécu réellement Maria en ses moments plus heureux, lorsqu'elle n'éprouvait pas le besoin de chercher refuge auprès des quelques membres de sa famille qui lui restaient. Mais Vanessa est une journaliste talentueuse, qui s'arrange, en exploitant quelques articles de presse de l'époque et quelques bribes de souvenirs glânées de-ci de-là auprès de ceux qui l'avaient connue, pour faire en sorte que ce vide résonne du plein d'une vie errante aux quatre coins de la planète, pour revenir toujours à Paris.
Le livre se centrant sur la relation de Vanessa avec Maria est évidemment aussi un peu le récit de la vie de Vanessa, plus spécialement de son enfance dans les années 70 auprès de parents hippies écolos révolutionnaires d'origine bourgeoise, condition qui lui inspira bien plus de honte que d'admiration dans un monde évoluant vers le néo-conservatisme.
Le livre souligne aussi au passage à quel point Maria Schneider fut inaudible de son vivant, alors qu'elle n'eut de cesse de dénoncer inlassablement l'horrible abus dont elle fut victime alors qu'elle était encore mineure, confirmant ainsi que la fameuse "libération sexuelle" des années 60-70 n'était guère qu'une licence conférée aux hommes de baiser sans s'embarrasser de manières ou d'un quelconque respect de leurs partenaires féminines. Ce ne fut que plusieurs années après sa mort qu'on commença à y prêter attention et que, un peu plus tard encore, le mouvement MeToo lui attira une compassion à laquelle elle n'eut jamais droit de son vivant.
La vie de Maria Schneider conservera sans doute toujous sa part de mystère mais l'hommage qui lui rend sa cousine, la rendant pleinement partie prenante du récit de leur relation en la tutoyant tout du long, est touchant et remarquablement en phase avec une époque où, plus que jamais, les femmes aspirent à être considérées comme des sujets plutôt que de simples objets sexuels. Et à cet égard il y aura toujours du boulot, particulièrement à gauche qui, s'agissant d'émancipation sociale, ne s'est jamais trop préoccupée de celle des femmes, la couverture - pathétique - par Libération du décès de Maria en 2011 en constituant encore une triste manifestation.
On croise au passage quelques personnages phares en ces années 70 : Bardot, l'amie fidèle, Delon, le "parrain" de cinéma, Bob Dylan, Patti Smith Nan Goldin et quelques autres...
Commenter  J’apprécie          40



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}