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Critique de NathalieBC


C'était la première fois que je tentais le tirage au sort de Masse critique... et j'ai gagné ! Merci à Babelio et aux éditions Ker de m'avoir permis de lire Guerre sainte. J'ai coché ce roman parmi 3 autres parce que j'aime bien le principe des uchronies. Cependant, j'avais une certaines appréhension: j'avais peur qu'en inversant les rôles, Bertrand Scholtus justifie le terrorisme. Imaginez un monde en effet où l'Orient serait l'Occident et l'Occident serait l'Orient. Je m'explique: nous sommes dans les années 2010 et l'Empire ottoman constitue le phare de la civilisation, libérale, riche, ouverte mais, de ce fait, suscitant l'envie et la haine. D'ailleurs, périodiquement, des attentats ensanglantent Dubaï ou Istambul. de l'autre côté, une Europe décrépite, morcelée, pauvre, arriérée, en proie aux superstitions et sous la coupe de dirigeants autoritaires et corrompus. L'Espagne ayant raté sa Reconquista, elle est à moitié dominée par le Califat de Grenade, base avancée des Orientaux, et qui occupe une partie de la Castille. On reconnaît sans peine le clone du conflit israélo-palestinien. Côté oriental: Paul Lemonier. D'origine francilienne, il est un modèle d'intégration: il occupe un poste à responsabilité dans une chaîne d'hôtellerie haut de gamme; il vit avec sa famille dans un beau quartier dubaïotte; bien qu'athée, il a donné à ses deux fils des prénoms orientaux; il a des relations haut placées, rencontrées lors de sa jeunesse universitaire quand il était, comme presque tout le monde, un militant kémaliste (sorte de Mai 68). Son problème, c'est son fils: Iskander. Eduqué, selon les voeux de sa mère, dans un lycée chrétien, il a été embrigadé dans une mouvance rigoriste qui tient l'Orient pour responsable de tous les maux: perte de repères, argent roi, dévoiement des moeurs et surtout christianophobie. (ça ne vous rappelle rien ?) Iskander, qui a bénéficié d'une jeunesse dorée prend fait et cause pour "ses frères ukrainiens", fréquemment bombardés (clones des Syriens ?) ou castillans (Palestiniens donc). de l'autre côté, Esteban, un jeune Castillan tiraillé entre les milices du parti national, corrompu et accusé de mener un double jeu avec Grenade (On reconnaît parfaitement le Fatah de Mahmoud Abbas) et la Sainte Croix, organisation terroriste poussant les jeunes au martyr (hum, m'étonnerait pas que ce soit le Hamas...)
Bref, Guerre Sainte, finalement, n'apporte pas grand chose, puisque tout ce qui est décrit, on le sait puisqu'on le vit. C'est roman assez bien écrit même si Bertrand Scholtus ne parvient pas (en tous cas chez moi) à provoquer des émotions. Cela tient surtout à ce que les personnages manquent un peu de chair, particulièrement les personnages féminins, à peine effleurés et parfaitement inintéressants.
Ce qui m'a plu c'est que Bertrand Scholtus n'ait pas écrit un livre à charge. Il montre bien à quel point le Hamas, euh, La Sainte Croix, se sert des martyrs comme de la chair à canon pour marquer l'opinion publique, n'hésitant pas à utiliser la population civile comme bouclier humain. Il montre bien comment les hommes politiques manient la récupération et le discours sécuritaire pour servir leur propre carrière (derrière Al-Malik, on a l'impression d'entendre Nicolas Sarkozy ou Vladimir Poutine). Ceux-ci n'hésitent pas à faire des amalgames grossiers et à instrumentaliser les événements. A l'inverse, on reconnaît très bien aussi les islamo-gauchistes (euh, kemalistes), toujours prompts à nier l'évidence ou à minimiser. Et puis il y a bien sûr tous ces jeunes, dont l'avenir est bouché et qui, pour se forger un destin et une dignité, n'hésitent pas à se jeter dans les bras des "Croisés", ces charognards qui, comme chantait Brassens encouragent les autres à "mourir pour des idées" tandis qu'eux "dépassent Mathusalem dans la longévité." Je pense que je ne vais pas trop spoiler en indiquant qu'Iskander et Esteban font partie de ces jeunes graines de terroristes mais, qu'à leur manière, ils sont aussi des victimes. Au final, Guerre sainte n'est pas vraiment un roman mais plutôt une analyse sociétale, plutôt juste et pondérée. J'ai bien aimé.
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