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EAN : 9782875862228
388 pages
Ker (02/05/2017)
3.62/5   4 notes
Résumé :
Nous vivons une période déstabilisante et complexe qui met à l'épreuve la capacité de résistance de nos sociétés. Ne nous y trompons pas, le terrorisme chrétien est là pour durer. - Hassan Moulaji, expert en terrorisme pour Dubaï TV
À quoi ressemblerait aujourd'hui notre monde si les Ottomans avaient vaincu à Vienne en 1529 et conquis l'Europe?
Un monde dans lequel la civilisation islamique est dominante, où l'Europe est divisée en États corrompus aux ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Et si les Ottomans avaient vaincu à Vienne en 1529 et conquis l'Europe ?

L'Espagne, la France et l'Angleterre perdent leur élan. Pas de renaissance, pas de révolution culturelle, pas de découvertes scientifiques et industrielles. Au contraire, l'empire Ottoman connaît une formidable ascension et devient, au fil des siècles, une démocratie invincible, enviée et copiée dans les pays à la traîne.

Esteban vit à San Juan de Moya, en Castille. Là-bas les paysans pauvres subissent les attaques de l'Émirat de Grenade voulant atteindre les terroristes qui se cachent parmi la population. La colère gronde. La frustration de ne pouvoir se défendre, l'humiliation, la certitude que la vie d'un enfant castillan écrasé sous un bombardement, vaut moins que celle d'un enfant de Dubaï tué dans un attentat, entraînent haine et violence.

Iskander est un adolescent de Dubaï qui jouit de conditions de vie confortables. Son père est immigré francilien de deuxième génération. Athée et parfaitement intégré, il fait partie de l'élite européenne. Pourtant le regard que portent sur lui les Orientaux aux lendemains des attentats va remettre en question sa vision de la société dans laquelle il évolue.

Combat d'un père pour sauver son fils de l'endoctrinement des chrétiens radicaux, de son enrôlement au sein de la Sainte Croix, organisation terroriste qui ne sait que cracher la haine et la violence.
Aveuglement d'un adolescent en quête d'identité.
Combat d'un jeune castillan qui ne sait pas quel chemin emprunter pour défendre la liberté des siens, sans se laisser prendre au piège de la haine.
Les bons et les méchants se confondent et la Bible est une vision tellement simpliste et archaïque de la réalité, qu'il est dangereux de prendre ses messages au pied de la lettre.

Uchronie troublante. Un monde inversé de notre réalité. Et si nous étions les opprimés ? Et si on se mettait dans la tête d'un terroriste ?

Toutes les guerres sont des défaites, pour le vaincu comme pour le vainqueur. Elles traînent derrière elles des messages de haine, de violence, de rejet de l'autre.
Au nom de Dieu il y a eu les Croisades, au nom d'Allah, on se fait sauter dans les villes. Le Coran ou la Bible comme prétexte pour envahir et écraser les cultures étrangères. La culture celte, ou la culture ottomane ont pourtant autant de valeur l'une que l'autre, autant à apprendre l'une de l'autre.

Pourquoi le terrorisme ? Que cache-t-il ? Il faut chercher dans le passé, dans l'Histoire pour tenter de comprendre comment certains en arrivent à de tels actes de barbarie, comment des jeunes personnes se laissent endoctriner et manipuler par ces chrétiens radicalisés, sans conscience.

Je remercie les Éditions Ker éditions et Babelio pour ce premier roman de Bertrand Scholtus. Il m'a donné envie de me plonger dans la vraie histoire de l'Empire ottoman, la Reconquista et la chute de Grenade.


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Et si…
Et si l'âge d'or de l'Empire Ottoman sous le règne de Soliman le Magnifique avait franchi les portes de Vienne pour ainsi se répandre en Europe ; avait traversé les âges sombres, connu au fil des siècles des révolutions philosophique, démocratique, industrielle et scientifique… notre monde aujourd'hui… ne serait pas différent.
Et si Guerre Sainte de Bertrand Scholtus était une uchronie qui ne change pas le monde avec des si…

Et si l'Orient était l'Occident et inversement.
Et si c'étaient dans des mégalopoles orientales que des tours s'effondraient, que des lieux de rassemblement et de divertissement de la jeunesse qui explosaient. Et si c'étaient des villages d'occident qui étaient sous le feu et les bombes de la puissance orientale, pour être les derniers bastions de retranchement de rebelles à un régime démocratique « inconscient des ravages que sa puissance occasionne, amoureux de sa liberté au point de l'imposer au monde, […] confit de sa bonne conscience généreuse, […] incapable de comprendre qu'il peut être légitime de le détester ».
Et si une fillette de Dubaï était fauchée par un terroriste chrétien au nom de la Sainte-Croix et au cri de Dieu soit loué, cet acte serait d'une barbarie sans nom. Et si une fillette de la république de Castille était tuée par une bombe d'un avion de l'émirat de Grenade, ce serait quoi au mieux une bavure, au pire une victime collatérale inévitable ; la mère, elle, ne pleurerait-elle pas les mêmes larmes ?

Avec Guerre Sainte, son premier roman, Bertrand Scholtus nous décrit l'image inverse de notre monde, en situant son intrigue dans un contexte cohérent et réfléchi en deux lieux : Dubaï, « la nouvelle Babylone », et les alentours de Grenade, où la Reconquista est en marche.
Il ne fait naître aucun sentiment d'espoir face à cette guerre sainte insidieuse et indéfectible qui fait saigner notre monde, « lui fait cracher ses dents ». Cette guerre sainte qui, pour ceux qui ne voient plus de notre monde que « les joues couvertes de larmes » et « le menton plein de morve et de bave », est le seul remède à « l'humiliation et la rage ». Comme pour Iskander, jeune fils d'immigrés franciliens bien intégrés à Dubaï, cette ville moderne dans laquelle il ne voit que « la puissance de l'argent, l'absence de sentiments, le triomphe des voleurs et des marchands, la prostitution des uns, la déchéance des autres, la défaite morale et de l'éthique » ; comme Esteban qui n'a plus confiance en une république corrompue et qui ne voit d'autre issue, pour le salut des siens, que de faire avancer la Reconquista et prendre les armes. Deux jeunes gens, intelligents et humains, qui se tourneront vers la religion et, désespérés du monde qui leur ait légué, franchiront le pas qui les mènera à leur incompréhensible et incontrôlable radicalisation.

Guerre Sainte manque d'intensité et n'éveille que peu d'émotions mais l'écriture est simple et efficace, ce qui fait que ce roman remplit son contrat de roman d'analyse écrit par un scientifique de formation.
Bertrand Scholtus ne prend pas parti. Il ne cautionne pas la politique sécuritaire. Il ne fait pas l'apologie du terrorisme. Il ne le combat pas sous le couvert du principe de précaution. Il ne prétend pas expliquer comment on devient un fou de Dieu. Il ne le justifie pas en raison de l'ignorance, de la pauvreté, du manque d'éducation, de l'immigration ratée, du mal être, de l'échec scolaire, du chômage. Il ne pardonne pas, il ne condamne pas. Il rappelle que « la foi peut fabriquer des saints comme des démons ». Il rappelle que l'enseignement, c'est comme d'avoir de « la glaise dans les mains » qui façonne des saints ou des martyrs. Il ne juge pas et c'est en cela que Guerre Sainte est une réussite.

Je remercie Ker Editions pour leur participation à Masse Critique et l'envoi de cet ouvrage de très bonne facture (illustration bien inspirée, une ou deux coquilles mais du papier de qualité). Une intéressante découverte.
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C'était la première fois que je tentais le tirage au sort de Masse critique... et j'ai gagné ! Merci à Babelio et aux éditions Ker de m'avoir permis de lire Guerre sainte. J'ai coché ce roman parmi 3 autres parce que j'aime bien le principe des uchronies. Cependant, j'avais une certaines appréhension: j'avais peur qu'en inversant les rôles, Bertrand Scholtus justifie le terrorisme. Imaginez un monde en effet où l'Orient serait l'Occident et l'Occident serait l'Orient. Je m'explique: nous sommes dans les années 2010 et l'Empire ottoman constitue le phare de la civilisation, libérale, riche, ouverte mais, de ce fait, suscitant l'envie et la haine. D'ailleurs, périodiquement, des attentats ensanglantent Dubaï ou Istambul. de l'autre côté, une Europe décrépite, morcelée, pauvre, arriérée, en proie aux superstitions et sous la coupe de dirigeants autoritaires et corrompus. L'Espagne ayant raté sa Reconquista, elle est à moitié dominée par le Califat de Grenade, base avancée des Orientaux, et qui occupe une partie de la Castille. On reconnaît sans peine le clone du conflit israélo-palestinien. Côté oriental: Paul Lemonier. D'origine francilienne, il est un modèle d'intégration: il occupe un poste à responsabilité dans une chaîne d'hôtellerie haut de gamme; il vit avec sa famille dans un beau quartier dubaïotte; bien qu'athée, il a donné à ses deux fils des prénoms orientaux; il a des relations haut placées, rencontrées lors de sa jeunesse universitaire quand il était, comme presque tout le monde, un militant kémaliste (sorte de Mai 68). Son problème, c'est son fils: Iskander. Eduqué, selon les voeux de sa mère, dans un lycée chrétien, il a été embrigadé dans une mouvance rigoriste qui tient l'Orient pour responsable de tous les maux: perte de repères, argent roi, dévoiement des moeurs et surtout christianophobie. (ça ne vous rappelle rien ?) Iskander, qui a bénéficié d'une jeunesse dorée prend fait et cause pour "ses frères ukrainiens", fréquemment bombardés (clones des Syriens ?) ou castillans (Palestiniens donc). de l'autre côté, Esteban, un jeune Castillan tiraillé entre les milices du parti national, corrompu et accusé de mener un double jeu avec Grenade (On reconnaît parfaitement le Fatah de Mahmoud Abbas) et la Sainte Croix, organisation terroriste poussant les jeunes au martyr (hum, m'étonnerait pas que ce soit le Hamas...)
Bref, Guerre Sainte, finalement, n'apporte pas grand chose, puisque tout ce qui est décrit, on le sait puisqu'on le vit. C'est roman assez bien écrit même si Bertrand Scholtus ne parvient pas (en tous cas chez moi) à provoquer des émotions. Cela tient surtout à ce que les personnages manquent un peu de chair, particulièrement les personnages féminins, à peine effleurés et parfaitement inintéressants.
Ce qui m'a plu c'est que Bertrand Scholtus n'ait pas écrit un livre à charge. Il montre bien à quel point le Hamas, euh, La Sainte Croix, se sert des martyrs comme de la chair à canon pour marquer l'opinion publique, n'hésitant pas à utiliser la population civile comme bouclier humain. Il montre bien comment les hommes politiques manient la récupération et le discours sécuritaire pour servir leur propre carrière (derrière Al-Malik, on a l'impression d'entendre Nicolas Sarkozy ou Vladimir Poutine). Ceux-ci n'hésitent pas à faire des amalgames grossiers et à instrumentaliser les événements. A l'inverse, on reconnaît très bien aussi les islamo-gauchistes (euh, kemalistes), toujours prompts à nier l'évidence ou à minimiser. Et puis il y a bien sûr tous ces jeunes, dont l'avenir est bouché et qui, pour se forger un destin et une dignité, n'hésitent pas à se jeter dans les bras des "Croisés", ces charognards qui, comme chantait Brassens encouragent les autres à "mourir pour des idées" tandis qu'eux "dépassent Mathusalem dans la longévité." Je pense que je ne vais pas trop spoiler en indiquant qu'Iskander et Esteban font partie de ces jeunes graines de terroristes mais, qu'à leur manière, ils sont aussi des victimes. Au final, Guerre sainte n'est pas vraiment un roman mais plutôt une analyse sociétale, plutôt juste et pondérée. J'ai bien aimé.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Il faut cesser de prétendre que la culture européenne vaut bien mieux que la nôtre, le coupe brusquement Ahmed. Le relativisme fait le lit du fanatisme. La culture européenne n'a plus rien produit depuis quatre siècles. Il faut oser le dire.
- Depuis que les Turcs ont pris Vienne et mis à bas les royaumes chrétiens les uns après les autres, réplique Aziz dans un panache de fumée.
- Sans doute mais qu'est-ce que ça change ?
- Ça change que ce sont les Ottomans qui ont détruit la culture européenne.
- Les Turcs n'ont fait que donner un coup de pied dans l'arbre. La pomme était blette. Que Paul mette sa culture en valeur, je suis d'accord, mais de là à dire qu'elle est aussi riche que la nôtre...
- Ma culture est ici, répète Paul sans que personne ne relève.
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- Ces chrétiens radicaux sont des monstres, des assassins, lance Paul en posant son fez sur la table tout en pointant un doigt sévère vers son fils. J'espère que si ton père Luc te demande encore d'y réfléchir, tu sauras quoi lui répondre !
- Tu n'essaies même pas de comprendre, lui répond Iskander d'une voix tendue, le visage fermé.
- Il n'y a rien à comprendre. Ces gens ont tué des enfants, réplique Paul avant de s'asseoir sur un pouf pour retirer ses babouches.
- Les avions turcs tuent des enfants chaque jour en Ukraine.
- Les Ottomans mènent une guerre contre les terroristes. Ils ne tuent pas des civils volontairement, à l'inverse des chrétiens radicaux.
- La belle affaire ! Pour ce que ça change pour les Ukrainiens. Ceux qui ne croient pas en Jésus ne peuvent voir le monde tel qu'il est vraiment.
- Ceux qui... Ben voyons ! Comme c'est facile. Écoute-moi bien, Iskander ! Je veux, tu m'entends bien, je veux, j'exige que tu restes à bonne distance de tous ceux qui tiennent des discours intégristes, qui critiquent la société orientale, qui font preuve d'intolérance.
- Je... je n'ai jamais rencontré de telles personnes. À cause des médias, les gens ont une vision déformée des chrétiens et...
- Tais-toi ! Je sais que de telles personnes existent, qu'elles recrutent des jeunes gens et les endoctrinent.
- Ah oui ? Qu'en sais-tu vraiment ? Tu fréquentes les églises ?
- Il suffit ! Je ne veux plus que l'on discute de cela aujourd'hui, conclut Sophie. Iskander, va dans ta chambre. Je ne veux pas que tu répondes sur ce ton à ton père ! Et retire tes babouches !
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- La tolérance ! La liberté ! L'oecuménisme ! Ces mots que l'on vénère en Orient, qu'on voudrait nous imposer. Blasphèmes ! La tolérance c'est le refus des règles de Dieu. La liberté, c'est ce qui détruit la société à petit feu ! L'oecuménisme, c'est le chahut à la maison, l'irrespect du père érigé en modèle de comportement ! Non, on ne fait pas ce qu'on veut dans une famille. On doit suivre les règles. Une famille heureuse n'est pas une famille dans laquelle chacun fait ce qui lui plaît. Ceux qui disent le contraire détournent de braves âmes du droit chemin. Mais Dieu les punit, Esteban. Tu crois en Dieu, Esteban ?
- Je pense que oui.
- Tu vois ! Déjà, la main du Démon est sur ton front. le doute est l'ennemi de l'homme ! Crois et ne doute pas ! Dieu n'aime pas le doute. le doute est l'instrument du Démon pour affaiblir ta foi. Tu ne dois pas penser, tu dois savoir.
Gregorio pose une main sur l'épaule d'Esteban, le forçant à s'arrêter.
- Mais je te rassure, je sens que Dieu t'aime. Tu n'es pas perdu, Esteban, mais il faut que l'on t'ouvre les yeux sur les manigances du démon.
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C'est le monde qu'il a côtoyé le temps d'un après-midi qui l'indispose. Les livres mièvres qu'il a feuilletés enseignent la peur, le rejet, le dégoût de ce qui est différent. Ils affirment promouvoir l'amour de la vie, mais le mode de vie qu'ils proposent ressemble à la mort. Finalement, ces chrétiens radicaux se définissent plus par ce qu'ils détestent que par ce qu'ils aiment. Comme si leur Dieu ne pouvait se concevoir qu'en creux. Comme si leur foi n'était in fine constituée que de la somme de leurs haines. C'est ce genre de personnes que fréquente son fils. Que trouve-t-il parmi eux ?
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- Quelqu’un m’a dit que toute guerre est une succession de meurtres de masse idéologiquement justifiés. Si la cause est juste, tous les moyens de mener le combat sont légitimes.
- Et quelle est la cause qui justifie l’attaque d’une école ?
- La libération de la Castille, évidemment. Si, à la suite de cette attaque, les Grenadais décident de se retirer de Castille occupée, ces enfants ne seront pas morts en vain.
- Il n’y a aucune chance que les Grenadais se retirent de Castille à la suite d’un attentat. Ce serait contraire à leurs principes !
- Oh, ils ne se retireront pas demain, évidemment. Ils vont d’abord nous bombarder. Mais les Arabes peuvent tuer cent des nôtres, cela ne fera que renforcer l’envie de nous battre. Tandis qu’à chaque fois que les chrétiens tuent un Arabe, l’opinion publique orientale se demande si le combat en vaut la peine. C’est comme cela que nous gagnerons ! Avec nos morts !
- Quel âge as-tu pour parler comme ça ? Qui t’as mis ces âneries dans la tête ?
- Des hommes sages et pieux, Monsieur Lemonnier.
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