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Critique de Achillevi


Il y quatre siècles à peine, un tiers seulement de la population mondiale vivait dans des Etats.

Homo Domesticus est un essai très intéressant qui s'intéresse à deux énigmes de l'histoire de l'humanité. La première, la révolution "néolithique", est celle de l'origine de l'agriculture qui a transformé de petits groupes de chasseurs-cueilleurs nomades en villageois sédentaires à la démographie galopante. La seconde, succédant à la première plusieurs millénaires après, est la révolution urbaine qui a permis l'apparition des premiers Etats centralisés.

L'émergence de l'agriculture s'est étalée sur des siècles, voire des millénaires. Elle a connu des retours en arrière et l'on peut s'interroger sur les raisons qui ont vu des groupes de chasseurs-cueilleurs s'asservir au travail lent et pénible de la terre, gourmand en main d'oeuvre, exigeant des soins quotidiens, quand, au préalable, la recherche de leur pitance ne les occupait que quelques heures par jour .

L'Etat s'est quant à lui développé à partir des foyers de monoculture céréalières dont la concentration de la production les rendait propices au prélèvement fiscal, à l'appropriation, au stockage, au rationnement et aux registres cadastraux raison première de l'invention de l'écriture.

L'Etat, c'est le contrôle des populations que la culture céréalière permet. Avec son émergence, vient également l'esclavage. Et les premières guerres, sont moins motivées par des désirs de conquête territoriale que par le besoin de main d'oeuvre essentielle à la survie des premiers Etats.

Rien ne pouvait cependant laisser supposer que l'Etat allait finir par dominer le mode d'organisation social et politique que l'humanité connait aujourd'hui. Et de fait, jusqu'au début du XVIIième siècle, ce n'est qu'une fraction minoritaire de l'humanité qui vit sous sa férule. L'Etat, à sa naissance est fragile, sujet à bien des péripéties : prédation des tribus pastorale nomades alentour, épidémies, catastrophes écologique. Là également, son émergence s'est étalée sur plusieurs millénaires et a connu bien des expérimentations malheureuses.

Il semble toutefois que les périodes d'effondrement des premiers Etats, n'étaient finalement pas pour les hommes, un retour aux âges sombres de l'humanité, tel qu'on peut le percevoir au prisme de notre fascination pour les grandes réalisations architecturales qui ont contribué à glorifier leur grandeur, mais plutôt une libération.

Et c'est enfin une réflexion plus profonde sur les relations entre périphérie nomade, les barbares, et centres étatiques, les deux étant finalement en compétition pour conserver leur capacité de prédation des économies villageoises à même de composer au mieux avec l'environnement. C'est de la nature même de ces relations interdépendantes que les barbares ont fini par creuser leur propre tombe en reconstituant pour les Etats les reserves de main d'oeuvre qu'ils leurs livraient ou en leur fournissant les mercenaires dont il avait besoin pour garantir sa survie.

James C.Scott s'intéresse essentiellement au Croissant Fertile qui a vu émerger les premieres villes du monde, puis les cités-Etats, d'abord indépendantes et par la suite regroupées en royaumes et en empires. Mais il note des parallèles intéressants en Chine, en Inde, en Europe et sur le continent américain.

Parfois répétitif, par moment très érudit, ce livre se lit néanmoins facilement et offre finalement quelques clés de lectures intéressantes pour comprendre les logiques géopolitiques qui traversent notre monde actuel.
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