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Critique de Henri-l-oiseleur


Le titre originel de l'ouvrage est "Guerre aérienne et littérature", et il est fort peu question d'histoire naturelle, comme le titre français le laisse supposer. Les trois conférences données à Zurich par l'auteur, abordent un problème littéraire, et non pas historique, qui se résume en ces termes : ... "un peuple de 90 millions d'habitants naguère loué pour être celui des poètes et des penseurs et qui a subi la pire des catastrophes de son histoire récente en voyant ses villes effacées de la carte et sa population expulsée par millions. Il est difficile de croire que ces événements n'aient pas trouvé un puissant écho littéraire. Ils l'ont trouvé, certes. Mais rares sont les textes qui ont été publiés - ils sont restés à l'état de littérature de tiroir. Qui d'autre que les médias a érigé ce mur de tabou (...) et continue à cimenter et colmater ?" (p. 89, citation de Gerhard Keppner). Donc W. G. Sebald examine ce problème littéraire intéressant, et retrace le travail de refoulement du souvenir des grands bombardements sur l'Allemagne pendant les années de guerre. Outre les nécessités politiques du temps et l'ouvrage des médias, Sebald évoque aussi la difficulté que rencontrent les victimes à faire face à leurs traumatismes et à les formuler. Les écrivains allemands, dont c'est un peu la vocation (exprimer sous forme littéraire ce que vivent les gens, sans kitsch ni mensonge) ont failli, de l'avis de l'auteur. La tâche n'est pas facilitée par l'énorme culpabilité qui a pesé sur les Allemands, qui savent bien, dit Sebald, qu'ils sont en grande partie responsables de ce qui leur est arrivé. Malheureusement, les Anglo-Américains, très sûrs de leur bon droit, n'ont pas eu de remords avec leur propres atrocités : ils ont vite changé leur victoire militaire en victoire morale, en oubliant qu'ils avaient totalement abandonné les Juifs d'Europe à leur sort.

Une étude sur le cas d'Alfred Andersch conclut cet essai littéraire. le cas Andersch résume bien à lui seul tout l'inconfort de la situation. L'intellectuel allemand doit se justifier (d'abord à ses propres yeux) de ses actes (ou de sa passivité) sous le nazisme, il lui faut ensuite, comme il peut, se dénazifier, et se construire une personnalité esthétique. Cela requiert honnêteté et droiture : art et morale ne sont pas séparables. Andersch a échoué sur tous ces plans, et l'étude de son cas est instructive.

La lecture de ces conférences m'a rappelé deux livres brillants écrits sur un problème analogue, par David G. Roskies : "Against the Apocalypse, responses to catastrophe in modern Jewish culture" (1984), et par Alan Mintz : "Hurban, Responses to catastrophe in Hebrew Literature" (1996). Ils seront sans doute traduits en français quand le Messie viendra.
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