AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Sachenka


En 1940, la horde des gens qui avaient fui le régime nazi en France est à nouveau en panique lors de l'invasion allemande, elle se masse dans les ports en attendant visas ou n'importe quel moyen pour s'embarquer vers un ailleurs. Ces gens fuient parce qu'ils sont Juifs, parce qu'ils ont publiquement manifesté leurs idées ou leur désaccord avec un régime oppressif. C'est le cas du narrateur, un homme échappé d'un camp de concentration trois ans plus tôt et réfugié à Paris depuis. Grâce à un concours de circonstance, il se retrouve en possession des effets personnels d'un certain M. Weindel, un poète qui s'est suicidé dans sa chambre d'hôtel. C'est une identité comme une autre, autant en profiter… Puis, comem ses semblables, il prend la direction de Marseille dans l'attente d'un visa ou d'un transit, espérant s'embarquer sur un paquebot à destination des Amériques.

Ainsi, Transit est l'histoire d'une longue attente, d'une attente qui ne sera peut-être jamais comblée. Toutefois, cette histoire est moins poignante qu'elle n'aurait pu l'être : le sort de Weindel est certes déplorable mais ma compassion pour lui n'était pas particulièrement marquée. Peut-être parce que je connaissais peu son histoire, son passé, sa véritable identité ! le mystère n'est pas le problème. À s'approprier celle du poète suicidé, il me donnait l'impression d'un voleur. Aussi, une épouse éplorée ou un enfant malade – le sien, pas celui d'un ami – aurait attisé davantage ma sympathie mais je suppose que la majorité des fugitifs n'étaient pas des pères de famille mais des hommes enhardis, des intellectuels ou opposants politiques sans attaches.

Donc, Weindel patiente comme beaucoup d'autres. Par moment, cette attente devenait aussi lourde pour moi. Non pas parce que l'écriture d'Anna Seghers était ennuyeuse mais parce que le quotidien de ces gens en attente d'un statut quelconque l'était. Faire le tour des consulats, retourner régiulièrement à certains d'entre eux, de rencontres prometteuses à rendez-vous inutiles. Mais il est impossible de faire autrement. Pendant les heures creuses, cette bande de fugitifs se retrouve dans les cafés et vit de faux espoirs et de lendemains toujours plus sombres. Ils sont embourbés dans des tracasseries administratives, certaines imposée par un système qui dépassait tout le monde, à commencer par des employés compatissants. D'autres par des gens sans scrupules ou contaminés par un soudain pouvoir dont ils se mettent à abuser. Sans oublier certains, corrompus, qui profitent de la situation pour gagner un peu d'argent… C'est presque de la torture psychologique. Dans tous les cas, ils en souffrent. À tout moment, je m'attendais à ce que la Gestapo arrive et ne viennent arrêter le héros et ses amis. Aussi, l'arrivée inattendue de la veuve du vrai Weindel a apporté une touche de tendresse, de vague sentiment d'attachement – je n'ose parler d'amour ni de romance – qui ajoutait à l'intrigue. Allait-elle le démasquer ? Ces moments étaient angoissants.

Transit occupe une place particulière pour l'autrice Seghers parce qu'elle a vécu cette situation. Elle a attendu son transit à Marseille pendant que son mari était interné dans un camp tout près. Et c'est sur le bateau qui l'amenait vers la liberté qu'elle a écrit ce roman Cette histoire, c'est la sienne et celle de nombreux autres, comme son ami l'auteur Ernst Weiss qui lui a inspiré le personnage de Weidel, le vrai, celui qui s'est suicidé dans sa chambre d'hôtel.

Aussi, Transit devrait occuper une place particulière pour tout le monde parce que cette situation continue d'être vécue. En Afrique du Nord et au Proche-Orient, des gens désespérés se massent dans les ports dans l'espoir non pas d'un visa ou d'un transit – qui ose encore y croire ? – mais d'une place sur un bateau clandestin à destination de l'Europe. La situation s'est inversée mais la détresse humaine est la même. À suivre.
Commenter  J’apprécie          462



Ont apprécié cette critique (44)voir plus




{* *}