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Critique de terryjil


En dépit des différends qui peuvent parfois opposer un frère et une soeur, ceux-ci peuvent parfois faire front commun contre les parents; quelle fatrie (ou sororité) n'a pas déjà fait ainsi?
C'est de cette manière qu'Innocent et Simplicie obtiendront d'aller à Paris, pleurnichant et boudant. Un Paris qui leur sera offert sans concession par la Comtesse de Ségur dans ce roman de 1863. 1863, donc pas de Tour Eiffel (qui ne dressera sa pointe de dentelle métallique sur la capitale qu'en 1889, année de l'Exposition Universelle) , mais une réputation de mode, de spectacles, de réceptions, bref d'animation, la ville, quoi! le rêve pour des petits campagnards bretons, et qui se transformera en cauchemar dès le début du voyage: Mme Courtemiche et son caniche Chéri-Mignon valent leur pesant de cacahuètes (sans compter qu'ils reviendront un peu plus tard dans un chapitre ultérieur, dans une scène de tribunal qui vire à l'hystérie canine)! Ils devront ensuite survivre à un train bondé de nounous bretonnes en route pour Paris, pour jouir à l'arrivée d'un hôtel aux lits pleins de punaises, puis enfin d'une tante répondant au doux nom d'Ambroisie Bonbeck, une harpie de 70 ans, aussi généreuse d'argent avec les deux Polonais miséreux rencontrés en chemin par Prudence et les enfants, que généreuse en claques avec Simplicie qui se rendra vite compte qu'elle était bien mieux avec ses parents! Quand à Innocent, victime d'une farce dès son entrée en pension et en ayant dénoncé les responsables, il devient aussitôt le souffre-douleur des autres élèves. Bref la situation parisienne perd bien vite de son charme pour les deux provinciaux, malgré le soutien de leur bonne Prudence et de Coz, un des deux Polonais.

Un livre dans lequel apparaissent au détour d'une page des prénoms connus, Marguerite, Sophie; mais celles-ci ne s'appellent pas de Fleurville ou de Rosbourg comme dans la trilogie des petites filles modèles, mais de Roubier, il s'agit donc d'autres enfants. On voit aussi un peu de contexte européen en la personne des deux Polonais, Boginski et Cozbrglewski, respectivement ancien intendant et ancien soldat de la bataille d'Ostrolenka en 1831. Des Polonais pauvres, vivant d'un maigre revenu et vus avec beaucoup d'indulgence par la Comtesse de Ségur (d'origine russe), ce qui est d'autant plus étonnant quand on connaît l'animosité que se vouent les deux nations russe et polonaise à ce moment (en 1863, la Russie écrase un soulèvement polonais et se fâche avec la France).

Un roman moralisateur, où Paris est quelque peu décrit comme l'enfer sur terre! L'auteure n'a manifestement que peu d'affection pour cette ville. C'est cependant plus le décalage entre la vanité et le goût démodé des "nigauds", avec la mode raisonnable des jeunes filles de Madame de Roubier, et leur méconnaissance de la société urbaine (la pension, ou la scène au Guignol des Champs-Elysées) , qui doit des mésaventures aux deux enfants. le portrait des moins flatteurs fait d'eux, et leur caractère tête à claques, donne une certaine jouissance à cette bonne leçon donnée à leur ingratitude: L'histoire de la couronne de pivoines peut faire penser aux malheurs de Sophie, et Simplicie se rend juste ridicule, sans autre dommage; à d'autres moments, cette leçon devient de plus en plus rude et met même leur vie en danger! Là on ne rit plus du tout: les brimades subies par Innocent virent au quasi-meurtre! C'est assez impressionnant... Et on est soulagé du happy end, avec des enfants corrigés de leurs prétentions, et les domestiques méritants récompensés.
J'ai trouvé qu'on y parlait un peu moins du Bon Dieu et de la Sainte-Vierge que dans les précédents romans de l'auteure, après ça reste très empreint de morale chrétienne, il vaut mieux le supporter si on veut apprécier ce récit... Enfant, j'adorais jadis ces romans que je relisais souvent, et qui me rassuraient; aujourd'hui j'ai plus de recul, et même si j'aime toujours ces romans et que j'adhère toujours (de manière laïque par contre) aux valeurs qui y sont prônées religieusement: tolérance, charité, modération, bonté, etc. je ne peux m'empêcher de voir la soumission à un système et à une autorité qui privilégient beaucoup les riches et les nobles. Rien de surprenant de la part d'une comtesse... Que ça ne vous empêche pas de les lire, ils restent distrayants, et, d'une manière ou d'une autre, très instructifs!
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