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Critique de viou1108_aka_voyagesaufildespages


Asne Seierstad, l'auteure, est une reporter de guerre norvégienne. "Embarquée" pendant six semaines, juste après le 11 septembre 2001, avec les troupes de l'Alliance du Nord qui combattent les taliban, elle arrive à Kaboul en novembre, après la chute de ces derniers. Elle y rencontre Sultan Khan, libraire, puis sa famille, avant de s'installer chez eux pendant quelques semaines, pour y vivre et raconter, de l'intérieur, le quotidien d'une famille afghane.
Une famille dont Sultan est le chef incontesté. Craint plutôt que respecté, il préside aux destinées de ses enfants et des membres de sa famille sous son autorité comme il gère ses affaires, d'une main de fer sans le gant de velours. Sultan Khan est amoureux des livres, que depuis toujours il achète et vend, protège et cache, tente de faire échapper aux autodafés des communistes, puis des moudjahidin, puis enfin des taliban. Si Sultan aime les livres, il aime aussi beaucoup l'argent qu'ils lui rapportent, au point, paradoxalement, de faire travailler (d'exploiter 15 heures par jour) tous ses fils dans ses librairies plutôt que de les envoyer à l'école. Commerçant impitoyable, il est aussi tyrannique avec ses enfants, et n'a absolument rien à faire de leurs aspirations ou de leurs rêves d'émancipation. Ce sont évidemment les femmes qui sont les principales victimes de cette société clanique et patriarcale aux traditions séculaires. Certaines trouvent une échappatoire dans le mariage, quand elles ont la chance qu'on leur attribue un mari un brin libéral. D'autres ne quittent le joug de leur père que pour tomber sous celui de leur belle-famille, condamnées à être mères et esclaves domestiques. C'est le sort de Leila qui m'a le plus fendu le coeur : « "Ressens-tu la même chose que moi ?" a-t-il écrit [son amoureux secret]. En fait, elle ne ressent rien du tout. Elle est morte de peur. C'est comme si une nouvelle réalité lui apparaissait. Pour la première fois de sa vie, quelqu'un exige d'elle une réponse. Quelqu'un veut savoir ce qu'elle ressent, ce qu'elle pense. Mais elle ne pense rien du tout, elle n'a pas l'habitude d'avoir une opinion. Et elle se persuade qu'elle ne ressent rien parce qu'elle sait qu'elle ne doit rien ressentir. Les sentiments sont une honte, a appris Leila ».
A travers ces chroniques de la vie d'une famille citadine et relativement aisée, l'auteur nous fait voir un Afghanistan qui se remet à peine de la terreur d'un régime obscurantiste et quasiment analphabète. Dans son récit, elle reste à distance, n'intervenant jamais en tant que protagoniste dans les scènes qu'elle relate. Un regard et un ton journalistiques, sans pathos, qui ne l'empêchent pas de dire, dans l'avant-propos, sa révolte et son désarroi face à la situation des femmes afghanes.
Dans un pays où, à l'époque, les moins de 20 ans n'ont connu que des guerres successives, tous aspirent à la paix, au renouveau, à la modernité. Au printemps 2002, malgré le poids de la tradition et la situation politique instable, l'espoir fleurissait. Et je ne peux pas m'empêcher de me demander ce qu'il est advenu de cette famille depuis lors...
Lien : https://voyagesaufildespages..
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