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Critique de Bookycooky


“La sensibilité naît des mots : on ne saurait sentir ce qui n'a pas de nom”.
Nagori, est le mot qui désigne en japonais les aliments de l'arrière-saison. L'idée de départ d'une réflexion sur ce mot, vient à l'écrivaine un soir alors qu'attablée au comptoir d'un bistrot, le chef lui sert un plat de légumes qui semble n'être déjà plus de saison. Intriguée, elle lui pose la question, à quoi il répond: “Mademoiselle, je suis beaucoup plus âgé que vous, et je ne sais pas si je pourrai encore goûter ce légume l'année prochaine”.
Le japonais possède trois termes différents pour désigner l'état de saisonnalité d'un aliment, « hashiri » pour primeur, « sakari », pleine saison, et « nagori » de l'arrière saison. Trois mots qui désignent trois différentes temporalités, avec leurs lignes bien
distinctes, mais qui ne sont pas sans se rencontrer et se mêler les uns aux autres.
Partant de la nourriture, l'auteur élargit sa réflexion sur l'impermanence de
l'existence, “la présence, l'atmosphère d'une chose passée, d'une chose qui n'est plus...”. Une réflexion aussi très intéressante sur une troisième temporalité, qui dépasse la confrontation des deux temporalités cyclique et linéaire, celle des saisons et la notre. Une temporalité d'une longueur insupportable , infiniment plus longue que la vie des êtres humains, et qui rend caduque les deux temporalités qui nous sont connues, celle des dégâts causés par l'humain, notamment à travers les explosions des centrales nucléaires, Sekigushi se référant ici à Fukushima ; “On ne pourra plus cueillir les herbes printanières pour les déguster, les fruits ne seront plus comestibles, et les oiseaux qui s'en nourrissent seront contaminés.”
Foisonnant d'anecdotes, de références littéraires et de riches réflexions sur notre rapport à la temporalité, l'écrivaine nous offre un petit livre insolite et délicat qu'on déguste comme une gourmandise japonaise.


“Sur le chemin du retour sitôt
Dans le brouillard de printemps
Ma pensée va au nagori, à la séparation”
(Sukedata Kadenokôji)

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