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Critique de Glaneurdelivres


Jusqu'à présent, je n'avais lu qu'un seul roman (que j'avais beaucoup apprécié) de cet auteur, intitulé « le vieux qui lisait des romans d'amour ».
Et j'avais décidé que le prochain livre que je lirai de lui, serait « le neveu d'Amérique ».
Et puis j'ai appris la mort de Luis Sepulveda, qui a été, le 16 avril dernier, emporté par le Covid-19 !
Cela m'a attristé et j'ai voulu lire ce livre au plus vite. C'était pour moi une façon de rendre hommage à cet auteur talentueux.
Ce livre est constitué de nombreuses notes que luis Sepulveda avait prises lors de ses voyages.
Il les avait mises de côté, les ayant pratiquement oubliées. Il les a finalement rassemblées dans cet ouvrage, en trois parties.
La 1re partie est intitulée « Notes sur un voyage à nulle part ».
Cette partie (de 5 notes) démarre avec l'évocation de son grand-père, qui usait d'un stratagème pour que Luis urine sur les portes des églises ! Son grand-père était communiste et avait les ecclésiastiques en horreur. (Un stratagème truculent !)
Il confie à son petit-fils un livre, qu'il lui demande de lire seul. Il doit lui promettre de faire le grand voyage que ce livre invite à faire.
Mais il s'agit d'un grand voyage dans les rêves, un voyage qui ne mène nulle part ! (d'où le nom donné à cette 1re partie de notes)
Ayant lu ce livre, Luis, imite le héros et devient militant des Jeunesses communistes, et à 18 ans il émet le souhait de rejoindre Che Guevara dans sa lutte !
A cause de ses convictions politiques, on apprend que Luis Sepulveda sera emprisonné dans une des plus infâmes prisons chiliennes pendant la dictature. Il évoque notamment les 6 mois de détention qu'il y a passés (en isolement total dans un cube de 1,50 m de côté, noyé dans des excréments).
Il décrit les tortures atroces et sadiques pratiquées par les médecins militaires sur les prisonniers.
En 1976, son « voyage à nulle part » s'achève, grâce aux interventions d'Amnesty International.
Il sort de prison. A partir de ce moment-là, avec tout ce qu'il a enduré en détention, il ne pardonnera rien à ses tortionnaires et se félicitera d'apprendre leur mort…dit-il.

La 2e partie (de 3 notes) a pour titre « Notes sur un voyage d'aller ».
Il voudrait s'exiler, décide de voyager en destination de l'Europe. (Il a des origines andalouses et souhaite rejoindre l'Espagne, pays de ses racines)
Mais il explique que les militaires avaient tamponné sur son passeport un « l'», (dont il ne connaissait pas la signification) et que cela lui apportait bien des soucis pour passer les postes frontières… (Plus tard, il apprendra que ce « l'» voulait dire « Voleur » !)
Et donc il est contraint de contourner beaucoup de pays d'Amérique du sud pour arriver à ses fins !
On suit son périple avec toutes les rencontres qu'il fait, bonnes et mauvaises…
La majorité des gens sont prostrés, très effrayés par ce régime tortionnaire dans lequel ils vivent au quotidien. Ils ne sont pas communicants. Ils sont peureux, suspicieux…
Heureusement, parfois quelqu'un lui donne un « bon tuyau » pour pouvoir franchir une frontière…
En 1973, plus d'1 million de chiliens quittent leur pays pour rejoindre les USA (qui sont pour eux une terre promise). Mais tous ces gens ne se rendent pas compte que le chemin est particulièrement long et plein d'embûches et qu'il faut aussi pas mal d'argent pour arriver à destination.

Luis Sepulveda nous raconte ses aventures : de quelles façons il se débrouillera pour engranger de l'argent, et aussi dans quel traquenard il tombera en ayant répondu à une annonce dans le journal… Sans s'en rendre compte au départ, il a affaire à des gens paranos et imprévisibles. Heureusement, quelqu'un le préviendra et il disparaîtra bien vite de là !
Une note pleine de caricatures de personnages et d'humour !

La 3e partie s'intitule « Notes sur un voyage de retour » et comporte 10 notes (partie la + copieuse).
Le pouvoir en place au Chili lui refuse de revenir dans son pays dans un 1er temps, puis ensuite accepte son retour…
Dans une des notes, il raconte qu'en 1976, la dictature condamnait des prisonniers politiques à la relégation en Patagonie. Une radio locale, qui permettait à ces prisonniers de transmettre des messages personnels à leur famille, fut dynamitée par les militaires pendant un couvre-feu…
S'en suivent de belles histoires humoristiques, dont notamment l'histoire d'un pou ! (Trop drôle !)
Puis l'histoire d'un enfant infirme, qui meurt de tristesse à 11 ans (Une belle histoire avec des dauphins).
Ensuite, dans une autre note, Luis Sepulveda est content de retrouver son vieil ami, un pilote d'avion hors pair, Carlos Pas Plus (nom rigolo qui lui a été donné parce qu'il dit toujours « Pas plus », quand on veut le resservir à table !). Cet as de l'aviation, devenu pilote des pompes funèbres, va devoir (contraint et forcé) emmener à bord de son vieux coucou le très grand et lourd cadavre congelé d'un important personnage à 800 km de là pour y être inhumé. (Note très drôle aussi !)
Tout au long de son périple, Luis Sepulveda partage de bons moments autour d'un repas ou d'une boisson… ce sont des occasions conviviales pendant lesquelles il s'enrichit de pleins d'anecdotes qui lui sont contées, et qu'il nous délivre...
Il y a l'histoire d'un vieil anglais atteint d'un cancer, qui s'enferme dans un hôtel avec plusieurs prostituées (qui vont lui permettre de mourir dans le plaisir)…
Une autre histoire, celle d'un slovène, qui est en fait un ancien nazi réfugié…

Et la dernière partie s'intitule « Notes sur l'arrivée ».
Il est en Espagne ; il retrouve ses racines andalouses. Dans une petite localité où son grand-père avait ses habitudes au « Bar des chasseurs », il prend un verre et les personnes au comptoir l'écoutent avec beaucoup d'intérêt, lui, ce baroudeur qui vient du Chili ! Son grand-père est mort, mais un frère de son grand-père est toujours vivant… il va le retrouver…partager un moment intime avec lui.

Au fil de ce récit autobiographique, très agréable à lire et instructif, on découvre les grandes qualités de conteur dont fait preuve Luis Sepulveda. C'est léger dans le style et grave dans le ton.
Mais il n'a pas son pareil aussi pour caricaturer ses personnages avec beaucoup de malice !
On est littéralement embarqué dans ses pérégrinations et son histoire personnelle.
Bien qu'il ait dû traverser des situations, on ne peut plus éprouvantes parfois, il s'est toujours bien sorti de ses difficultés. (Je pense qu'il devait être né sous une bonne étoile !)
Dans ces récits, il n'y a pas de pathos… mais beaucoup de compassion, de l'altruisme, de la fraternité, de la tendresse…
Un très bon livre sur la condition humaine ! Un auteur attachant ! Un grand humaniste bien trop vite disparu !
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