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Critique de Tubabasse


Encore un livre dont il ne semble guère original de chanter la louange. Et pourtant … Quel régal absolu !
C'est curieux, en 2021, quand on longe les rayons d'une librairie, notamment quand on s'arrête aux nouveautés, on est surpris par les formats. On en est presque à se demander si les auteurs sont au courant que les bouquins ne se vendent pas mieux au poids. Encore que !
Rien de tout ça chez Luis. Luis travaille dans le concis, le précis, tranchant comme un rasoir. Avec lui, pas de circonvolutions proustiennes ou balzaciennes. D'ailleurs, le monsieur s'est lui-même frotté aux gens dont il parle dans le livre, ces remarquables écolos naturels que sont les derniers habitants d'Amazonie, qui, grâce à leur sagesse et une connaissance extraordinaire de leur environnement, survivent dans un endroit improbable, où un trou du cul rivé à son portable tomberait dans un piège au bout de trois minutes, tant la contrée se montre difficile à ceux qui ne gardent pas tous les sens en éveil constant. Remarque, le mobilophile ne se rendrait pas dans un endroit où l'on n'est pas sûr que ça capte. Et puis, franchement, ce n'est pas à souhaiter aux prédateurs carnivores du coin de manger un produit nourri au McDo et aux hormones.
Mais, est-ce l'omniprésence de la jungle luxuriante, je m'égare, je m'égare. Revenons à notre sage !
Le personnage de ce vieux se voit extraordinaire, bien sûr, au sens premier du terme. Mais pas que. D'autres, comme le dentiste ou le maire, dans un autre genre, valent aussi leur pesant de nouilles au gruyère.
Ce n'est pas la première fois qu'un personnage âgé centralise l'action d'un roman, certes. S'y sont essayés avec bonheur Hemingway et Balzac, voire même Fallet, qui lui, envoyait les anciens par paire ou par triplette, sur un mode comique avéré. Mais celui-là, qui, même sans le vouloir, possède un peu du pêcheur d'espadon chilien autant que le côté madré d'un péquenot du Bourbonnais, distille en permanence une étonnante sagesse, capable de remettre en place la plus grande arrogance d'un politique vénal et sans scrupules.
« le vieux qui lisait des romans d'amour » ne figure rien moins qu'un conte philosophique en même temps qu'un roman contemporain et un hymne absolu à la lecture, comme à la nature. Il pourrait tout à fait figurer comme en-tête de Babelio et constituer, peut-être, la pub la plus géniale pour inciter la populace connectée en permanence à cette occupation sublime que nous goûtons tous si fort, et qui consiste, sottement, à tourner quelques pages.
Un conte philosophique, oui, que n'auraient pas désavoué le matois de Ferney ou l'aristocrate de la Brède. Tout y est : l'exotisme, la mort, l'injustice, la politique, la nature, mais aussi l'imaginaire, l'amour, et, surtout, la sagesse.
Quand Antonio José Bolivar, qui savoure chaque ligne des romans qui lui parviennent, se représente les scènes, les détails explosent de saveur. le passage où il imagine Venise, par exemple, les gondoles, l'amour romantique … vaut franchement le détour.
Le style des auteurs sud-américains s'avère fréquemment cru et droit au but, et c'est tant mieux. À défaut de la chèvre et du chou, on ne peut ménager en permanence le lama et la patate douce. En fournissant certains détails qui pourraient passer pour quasi vomitifs, Sepulveda ne s'étend pas sur la question, certes, mais cela suffit-il ? Comme dirait ma jeune voisine, les histoires de dentiers, c'est rarement glam. Est-ce parce que le style de l'auteur vous emporte, d'une façon à la fois simple et torrentielle, qu'on y prend assez peu garde, tout compte fait, pour n'en garder que le côté amusant.
L'avantage du récit court, c'est comme en musique, une histoire de rythme. À aucun moment on ne sent l'énergie qui vacille, ou même diminue un peu. Ça swingue du premier au dernier mot.
À lire, à relire, et à relire.
Sans modération !
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