Des gens du bout du monde j'ai appris qu'il fallait protéger la tendresse par la dureté et que la douleur ne pouvait pas nous paralyser.
Sur des troncs à moitiés submergés, les tortues invitent à la contemplation oisive des vingt mille espèces de papillon de Manù, car ici c'est la terre des couleurs, et en font foi non seulement les papillons mais aussi la theobroma, une orchidée rouge vif, phosphorescente au crépuscule, qui pousse sur les troncs de la chonta, ou encore la lèvre de fiancée, une autre variété d'orchidée bleue au parfum vanillé. On trouve aussi à Manù des couleurs stimulantes pour les papilles, comme celle de la tabernamontana qui invite l'assoiffé à boire sa pulpe orangée et parfumée.
J’admire les résistants, ceux qui ont fait du verbe ‘résister’ chair, sueur, sang, et ont démontré sans faire de simagrées qu’il est possible de vivre debout, même dans les pires moments.
Je ne connais pas cet homme qui s'arrête au bord du fleuve, respire profondément et sourit en reconnaissant les arômes qui flottent dans l'air. Je ne le connais pas, mais je sais que cet homme est mon frère.
Cet homme qui sait que le pollen voyage emporté par la volonté arbitraire du vent, mais confiant et rêvant à la terre fertile qui l'attend, cet homme est mon frère.
[...] visitant un jour le camp de concentration de Bergen-Belsen en Allemagne, il remarqua une pierre sur laquelle une main anonyme avait gravé cette inscription : "J'étais ici et personne ne racontera mon histoire."
Les voilà. Les roses du désert, les roses d’Atacama. Les plants sont toujours là, sous la terre salée. Les gens d’Atacama les ont vues, et les Incas, les conquistadors espagnols, les soldats de la guerre du Pacifique, les ouvriers du nitrate. Elles sont toujours là et fleurissent une fois par an.
out près du cimetière nous étendîmes nos sacs de couchage et nous nous mîmes à fumer et à écouter le silence, le murmure tellurique de millions de pierres qui, réchauffées par le soleil, éclatent imperceptiblement sous la violence du changement de température. Je me rappelle que je m’endormis fatigué d’observer les milliers d’étoiles qui illuminaient la nuit du désert, et qu’à l’aube du 31 mars mon ami me secoua pour me réveiller.
Les sacs de couchage étaient trempés. Je demandai s’il avait plu, Fredy répondit que oui, il était tombé une pluie douce et fine comme presque tous les 31 mars à Atacama. En me redressant je vis que le désert était rouge, d’un rouge vif, couvert de minuscules fleurs couleur de sang.
— Les voilà. Les roses du désert, les roses d’Atacama. Les plants sont toujours là, sous la terre salée. Les gens d’Atacama les ont vues, et les Incas, les conquistadors espagnols, les soldats de la guerre du Pacifique, les ouvriers du nitrate. Elles sont toujours là et fleurissent une fois par an. À midi, le soleil les aura calcinées, dit Fredy en prenant des notes dans son carnet.
Ce fut la dernière fois que je vis mon ami Fredy Taberna.
« Il y a des hommes qui luttent toute leur vie : ceux-là sont indispensables. »
Évidemment il n’existe pas d’inventaire des scooters des mers ou des embarcations sportives, rapides, criminels rapides, qui fendent tous les jours les eaux de la Méditerranée. Il y a pourtant des rapports, quoique succincts, qui font état de collisions avec des dauphins déchiquetés par les hélices, des témoignages de centaines de pêcheurs qui, à bord de leurs bateaux lents, ont dû assister impassibles aux jeux que quelques crétins argentés se permettent avec les cétacés qui passent devant leurs embarcations sportives.
J’admire les résistants, ceux qui ont fait du verbe ‘résister’ chair, sueur, sang, et ont démontré sans faire de simagrées qu’il est possible de vivre debout, même dans les pires moments.