AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de AgatheDumaurier


Difficile de noter ce livre car l'auteure s'y engage entièrement en tant que personne. le noter lui, c'est la noter elle...Et elle me met mal à l'aise, très mal à l'aise, et c'était déjà le cas avec "Une si jolie petite fille".
Ce qui me met mal à l'aise, ce sont d'abord des phrases comme "à la fin de cette soirée il (Albert Speer !!!!!) s'était lié d'amitié avec mon mari." (chapitre sur son interview de Speer, dans sa splendide maison de Heidelberg...Les travailleurs-esclaves des Nazis sont loin )...ou encore " cela se passait avant que je ne finisse par l'apprécier (toujours Speer !!!) mais, à la fin de nos trois premières semaines, je jugeai sincère, et j'aimai, ce sentiment de culpabilité en lui "(pages 370-371)...Non mais cocotte, t'as fumé quoi ??? Tu parles du favori d'Hitler, d'un de ses ministres les plus importants, organisateur du travail forcé dans les camps de concentration, responsable de la mort de milliers (dizaines? centaines ? ) d'entre eux, et qui voulait certes les conserver en vie un peu plus longtemps, mais dans une optique de productivité...voir les articles historiques sur cet aimable individu. Il a nié pendant 20 ans avoir connu la solution finale...Mais finalement, quand il n'a plus risqué d'être pendu, il a dit que oui, finalement, effectivement, "ma principale culpabilité réside dans l'acceptation tacite de la persécution et du meurtre de millions de Juifs" (p 389). le pauvre, il se sent coupable...Sortez les mouchoirs. Et notre Gitta de conlure : "C'est un homme hanté, qui a bataillé pendant trois décennies durant pour reprendre possession de sa dignité perdue" (30 ans c'est pas assez, c'est 3000 ans qu'il faut)."A moins que nous déniions à tous les hommes la capacité à se régénérer (nous la dénions effectivement dans certains cas de génocides), cet homme, je crois" (ferme-la, Gitta, avant de dire une connerie)" doit maintenant avoir droit à la paix" (en enfer avec Attila, Staline, Pol-Pot, son cher ami Hitler, ses autres copains Göring, Goebbels, Himmler, Bohrmann, Heydrich, que du beau monde, grillez bien en paix.)Bon, vous l'aurez compris, le chapitre sur Speer, à mon humble avis, c'est du grand n'importe quoi.
Après, il y a l'interview de Stangl, le commandant du camp d'extermination de Treblinka, qui est exceptionnelle. Pourquoi ? A mon avis, car Stangl n'est pas un grand bourgeois, comme Speer (et Gitta, issue d'une famille très bourgeoise, artiste, cosmopolite, a pu se laisser complètement embobinée par un homme très séduisant et manipulateur, d'un milieu comparable au sien). Pas d'affinités entre eux, pas de séduction, une femme froide à l'écoute. Et là, vraiment, on a un texte extraordinaire. Elle lui laisse l'espace pour parler, et lui, il parle sans doute comme jamais. Dix neuf heures après un des derniers entretiens prévus, il meurt d'une crise cardiaque. Pas de coïncidence, sans doute.
Voilà. de l'exceptionnel, et du délirant. Gitta Sereny peut se faire manipuler. Son éducation, son milieu social très favorisé, l'empêche de voir certains éléments évidents, comme l'argent, dans le cas de Stangl. Elle n'évoque jamais les questions de rémunération, qui ont pourtant dû être un moteur fondamental dans la motivation de ces hommes. Elle vit dans un monde très abstrait, très désincarné, très dénué de sang et de chair. Comme si les morts étaient des idées "crime contre l'humanité, "crimes de guerre", et non des corps empilés dans des fosses, alors, évidemment, c'est plus facile d'être copine avec un Nazi non repenti (François Genoud, pp 313 sqq) "François Genoud, un Suisse d'une scrupuleuse honnêteté qui , au plan idéologique, était resté un nazi, et qui, avec son épouse, furent de bons amis de Don et moi de 1976 à sa mort en 1996. (p 302) Scrupuleuse honnêteté, plan idéologique, nazi, bons amis, pas de souci...Voilà, ça reste des idées...Mais ce ne sont pas des idées, ce sont des faits, des chairs sanglantes, le typhus, des morts de faim et de soifs, des tortures inimaginables... Lire Charlotte Delbo, Primo Levi, le Journal d'Anne Franck SVP...
Enfin bref, vous voyez, c'est bizarre, ce livre. J'ai mis trois étoiles pour les chapitres ahurissants, mais pour certains, c'est zéro pointé.
Commenter  J’apprécie          182



Ont apprécié cette critique (11)voir plus




{* *}