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Critique de Pecosa


Quel est le point commun entre un garagiste mexicain, un hardeur argentin et un puceau catalan de 47 ans? le coup de sang, celui du sexe, de la déraison, de l'obsession de la performance. Et quand leur sexe les conduit sur les mêmes chemins, la rencontre est détonante.
Bulmaro Diaz était un paisible garagiste de Veracruz jusqu'à ce qu'un soir au club Nereidas son regard se pose sur la sculpturale chanteuse dominicaine du groupe La Tremenda Guaracha. Adieu femme, enfants, affaire prospère...Terrassé par la beauté de la mulâtresse, obsédé par son corps, il suit Romelia à Barcelone où il vend du faux Viagra pour survivre. Sa route va croiser celle de Ferran Miralles, un cadre catalan incapable de faire l'amour et de nouer une relation sentimentale depuis qu'un problème d'érection lui a valu d'être la risée de son collège. Voyant dans la consommation de Viagra un remède à tous ses maux, il se lance dans une course effrénée à la performance, bien décidé à se venger de toutes les femmes. Quant à Juan Luis Kalow, acteur porno argentin connu pour exercer un contrôle absolu sur son pénis et sur ses sentiments, il est à 39 ans nostalgique de ses années d'étudiant en génétique moléculaire et souhaite terminer sa carrière à Barcelone grâce à la société de production Rêves Humides. Sa rencontre avec la belle Laïa va bouleverser sa vie et la relation idyllique qu'il entretenait avec son braquemard.
Comme le mentionne la quatrième de couverture, Coup de sang dépeint les splendeurs et les misères de l'orgueil masculin. Aurais-je lu le roman, s'il n'avait pas été écrit par Enrique Serna? Non. L'aurais-je regretté? Oui. Cette incursion dans la sexualité du mâle hispanique est une satire féroce de la virilité, un dézingage en règle du mythe de la masculinité (et c'est plus amusant que chez Bourdieu). Drôle, délirant, remarquablement écrit, le roman offre évidemment de nombreuses scènes de sexe assez chaudes. Et certaines sont hilarantes. Les dialogues entre Bulmaro Diaz (la raison) et son pénis (les pulsions), alias "le caudillo chauve", qui passe son temps à "bousiller l'élastique du slip" avec sa "tête toute rouge comme une cerise" m'ont bien fait rire et pas mal interpellée (Quelle chance d'être une femme et de ne pas être soumise aux caprices de son service trois pièces!) . Mais le roman montre surtout la souffrance provoquée par l'amour, la peur d'être rejeté, la pression exercée sur les hommes par la tyrannie du plaisir. Avoir un contrôle absolu sur ses érections est illusoire. Quand les personnages débandent, le monde s'écroule, et le doute s'installe: "Il était tellement accablé qu'il s'enferma dans la salle de bain pour pleurer, tel un mutilé de guerre à la sortie de la salle d'opération." C'est par le biais du personnage de Miralles que Serna symbolise le mieux les dérives du sexe et de la domination, quand la course à la performance sexuelle bouleverse les rapports humains jusqu'à la folie. Et les femmes dans tout ça? Mariées, délaissées, divorcées, riches, pauvres, étudiantes, immigrées, touristes, romantiques, cyniques, mutines, elles sont souvent perçues à travers le prisme déformant des obsessions masculines. On retrouve donc tout ce que l'on aime chez l'écrivain mexicain, dont la plume caustique à souhait a déjà provoqué bien des remous dans son pays: la cruauté du trait, l'art consommé de saisir les travers et les bassesses de ses contemporains, l'humour, le goût de la satire mais aussi une grande tendresse pour ses semblables, dépeints tels qu'ils sont et non tels qu'ils devraient être. Avec Coup de sang, Enrique Serna nous embarque dans un voyage déjanté et inattendu, avec une belle surprise en guise de point final. Ne passez pas à côté.
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